Qu'est-ce que l'agoraphobie ? Symptômes et traitement
L’agoraphobie est un trouble psychologique qui est fortement lié à la crise d’angoisse. Même s’il peut exister de l’agoraphobie sans histoire préalable de trouble d’angoisse ou d’anxiété, il est très commun que ces deux psychopathologies aillent de pair. C’est pour cela que nous pensons qu’il est nécessaire de définir les deux concepts et de se situer dans un cadre conceptuel plus large. Grâce à lui, le lecteur pourra mieux comprendre en quoi consiste l’agoraphobie.
La crise d’angoisse, aussi appelée dans la littérature scientifique “crise de panique” ou “anxiété”, amène l’apparition subite, de manière isolée et temporaire, de la peur ou du mal être intense. Elle est souvent accompagnée de certains symptômes caractéristiques, aussi bien physiologiques (palpitations ou décharges dans le cœur, transpiration, tremblements, sensation d’étouffement ou d’étranglement, oppression thoracique, nausées ou gênes abdominales) que cognitifs (sensations d’irréalité, aussi appelée déréalisation, altération de la perception de soi-même ou dépersonnalisation, croire que l’on va perdre le contrôle ou que l’on va devenir fou, ou penser que l’on va mourir.)
Évidemment, lorsqu’on vit ces manifestations physiologiques de manière soudaine et que l’on adopte ses modèles de pensées, tout acquiert un ton catastrophiste, ce qui provoque une dose encore plus élevée de peur. Ainsi, ces symptômes primaires d’anxiété augmentent davantage.
La personne interprétera encore plus clairement qu’elle va mourir ou perdre le contrôle de la situation et les symptômes seront encore plus renforcés.
Le cercle vicieux est alors initié et fera grandir l’anxiété au point que la personne finira par demander de l’aide ou par préoccuper les personnes qui l’entourent, et qui demanderont de l’aide pour elle. D’autres comportements caractéristiques de ce type d’anxiété ont un lien avec l’évitement des lieux qui sont anticipés comme de potentiels sources d’anxiété, la fuite de ceux-ci si la personne s’y trouve, prendre des anxiolytiques etc.
Ces comportements se nomment comportements de sécurité et ont pour finalité de prévenir la possible catastrophe que le/la patient-e imagine dans sa tête. Quel est le problème des comportements de sécurité ? C’est qu’ils fonctionnent uniquement à court terme.
C’est-à-dire que si la personne, quand elle remarque ses symptômes à nouveau, prend un anxiolytique, boit de l’eau ou fuit la situation, elle verra que ces sensations désagréables se dissiperont. Ainsi, la fuite suppose un renfort négatif qui fera que dans le futur, la personne s’en servira à nouveau. De fait, à chaque fois, elle se limitera davantage car cet évitement ne lui permet pas d’apprendre qu’en réalité, rien de si terrible ne va arriver. Elle ne va ni mourir, ni perdre le contrôle. Elle ne deviendra pas folle non plus.
Le fait de s’échapper ne lui permet pas de s’en rendre compte. La seule chose qu’elle obtient c’est de se donner raison. Elle pense que grâce à sa fuite et à son choix d’adopter des comportements de sécurité, elle est saine et sauve.
En réalité, le/la patient-e fait une interprétation biaisée. Iel croit à tort que ces symptômes peuvent le/la tuer car ils ressemblent à ceux de l’infarctus ou de la psychose. Mais il faut savoir que le fait qu’ils se ressemblent ne signifie pas que ce sont les mêmes.
Il est vrai que ce sont des symptômes propres à l’anxiété, dus au fait d’avoir supporté trop d’adversités dans la vie, qui, comme une cocotte minute, finissent par exploser, envoyant un message à la personne : il est temps d’arrêter un peu et de retrouver l’équilibre et la paix intérieure.
Quand l’agoraphobie surgit-elle ?
L’agoraphobie surgit alors quand la personne qui a souffert plusieurs fois de ces crises d’anxiété contracte la peur horrible qu’elles se manifestent à nouveau dans des situations concrètes. Cette peur est motivée par l’idée qu’elle peut expérimenter à nouveau une crise et qu’il lui sera difficile d’obtenir de l’aide.
Le sujet présente, ici, ce que l’on appelle “la peur de la peur”, et cette peur de sa propre peur, que l’on pourrait métaphoriquement expliquer avec l’image de l’enfant qui a peur de sa propre ombre et qui essaie d’y échapper, amène à éviter toutes les situations dans laquelle la crise est apparue ainsi que toutes celles qui y ressemblent.
Par exemple, si vos crises de panique ont eu lieu dans un supermarché, il est possible qu’avec le temps, elles se généralisent dans des lieux comme le cinéma, les centres commerciaux et même certains transports publics.
Finalement, cette limitation peut aussi donner lieu à des sentiments dépressifs, car le/la patient-e cesse d’obtenir des renforts positifs de son entourage. Iel se sent à chaque fois plus incapable, son estime de lui/elle-même baisse et son désespoir augmente.
Quelle est la cause sous-jacente ?
Il existe plusieurs facteurs explicatifs qui essaient de donner une réponse à cette question, même s’ils ne sont pas toujours présents dans les cas d’agoraphobie (avec ou sans crise d’angoisse). Certain-e-s auteur-trice-s parlent des facteurs suivants comme des facilitateurs de trouble :
- L’attention focalisée sur ses propres sensations.
Ce sont des personnes qui ont une sensibilité particulière pour détecter n’importe quel changement corporel. Ce sont des personnes qui sont attentives en permanence, que ce soit de manière consciente ou inconsciente, à leurs réactions corporelles et aux fluctuations et qui les prennent comme des références pour anticiper tous les dangers dont nous avons parlés précédemment.
Ainsi, quand un symptôme physique apparaît, comme ceux qui sont décrits précédemment, les sujets le remarquent immédiatement, augmentant ainsi leur état d’anxiété. Cette théorie a un grand appui empirique, comme l’a démontré l’étude réalisée par Ehlers, Margraf, Roth et autres (1980) dans laquelle les patient-e-s ayant un trouble de l’angoisse, augmentaient considérablement leur anxiété quand iels percevaient que leur fréquence cardiaque avait augmenté.
- L’hyperventilation chronique
Lorsqu’on hyperventile, a lieu l’alcalose respiratoire compensée (avec un pH sanguin quasiment normal), c’est-à-dire que les niveaux de dioxyde de carbone et de bicarbonate dans le sang sont inférieurs à ceux des sujets en contrôle. Ces niveaux les exposent plus aux crises d’anxiété et ils finissent par souffrir d’agoraphobie.
- L’anxiété de la séparation dans l’enfance
Des auteurs tels que Silone, Manicavasagar, Curtis et Blaszczynski (1996) considèrent que l’agoraphobie s’apparente aux réactions d’anxiété de séparation qui ont lieu dans l’enfance. L’anxiété de la séparation peut rendre le sujet plus vulnérable au comportement évitant qui se développe pendant les crises de panique et qui entraîne l’agoraphobie.
- Un plus grand nombre d’événements “stressants”
Il y a aussi certains facteurs environnementaux, inédits, comme la perte d’un emploi, une rupture sentimentale ou la perte d’un être cher qui peuvent aussi agir comme des facteurs facilitateurs de l’apparition d’une crise.
- Les facteurs génétiques
Chez les jumeaux/jumelles, si l’un-e d’entre elleux souffre du trouble, il est probable que l’autre en souffre aussi. Les proches de personnes avec des troubles de l’angoisse ont plus entre 25 et 32% de risques de souffrir d’un trouble de l’anxiété.
Quel est le traitement de l’agoraphobie
Puisqu’il s’agit d’une peur de notre propre peur, c’est-à-dire des symptômes dont nous avons parlés précédemment, le traitement s’orientera vers le fait de dépasser cette peur et pouvoir avoir une vie normale. Cet objectif général englobe, de son côté, d’autres objectifs plus spécifiques que le/la patient-e réalise petit à petit quand iel suit une thérapie.
Même si le traitement psychologique n’est pas exactement le même s’il s’agit d’une crise d’angoisse avec ou sans agoraphobie ou d’une simple agoraphobie sans histoire de crises d’angoisse, ils ont des points communs. Dans cet article, nous allons nous en tenir au traitement de l’agoraphobie. Tout d’abord, le/la patient-e a besoin de savoir ce qui lui arrive et pour cela, il faut utiliser la psycho-éducation. La psycho-éducation n’est pas une technique psychologique en soi, mais aide la personne à comprendre ce qui lui arrive pour le normaliser.
Il s’agit d’expliquer au patient en quoi consiste son trouble, quelles en sont les causes, pourquoi il persiste et en quoi va consister le traitement.
Une fois que le/la patient-e connaît son trouble et les options de traitement qu’il a, la thérapie en soi peut commencer. De notre côté, nous allons nous concentrer sur la thérapie cognitivo-comportementale car c’est elle qui a le plus d’appuis et de preuves empiriques. Le traitement aura deux parties bien différenciées : une partie cognitive et une autre comportementale.
L’objectif est, d’un côté, que la personne modifie ses croyances et ses idées erronées sur ses symptômes et sur les situations dans lesquelles elle doit se débrouiller. D’autre part, il faut qu’elle soit capable de s’exposer à ces dites situations sans comportements de sécurité, dans le but que l’anxiété baisse et que ses pensées déformées soient modifiées.
La restructuration cognitive est la technique choisie quand nous travaillons avec les pensées. Elle consiste à poser des questions au/à la patient-e dans le but de démonter ses pensées négatives et irrationnelles qui entraînent le maintien du trouble.
Ainsi, le/la patient-e se voit dans l’obligation de modifier ses idées et de les remplacer par d’autres, plus ajustées à la réalité. Par exemple, si le/la patient-e dit qu’iel a peur car iel anticipe une crise cardiaque, on peut lui poser les questions suivantes : “Quelles données avez-vous qui vous mènent à cette pensée ?” “Comment savez-vous que vous allez avoir une crise cardiaque ?”
Une autre technique cognitive que l’on peut utiliser est l’expérience comportementale. Elle est à caractère cognitif car l’objectif est de démonter les pensées du/de la patient-e. La personne et son/sa thérapeute doivent tomber d’accord sur une situation dans laquelle le/la patient-e devra s’exposer.
Le/la patient-e note tout ce qu’iel pense qui peut arriver et fait l’expérience. Ensuite, iel observe et réfléchit pour savoir si ce qui s’est passé s’adapte vraiment à ce qu’iel pensait qui allait se passer.
Même si les techniques cognitives sont essentielles pour aider la personne atteinte d’agoraphobie à affronter plus tranquillement les situations qui provoquent de l’anxiété chez elle, les techniques comportementales, maintenues dans le temps, permettent vraiment au trouble de s’éliminer complètement. Quand nous parlons de techniques comportementales, dans le contexte de l’agoraphobie, nous parlons d’exposition réelle in vivo.
Le/la patient-e, avec son/sa thérapeute doit élaborer une hiérarchie de situations anxiogènes : à partir de celle qui produit chez lui le moins d’anxiété jusqu’à celle qui en produit le plus. Elles sont évaluées en fonction des Unités Subjectives d’Anxiété (USAS) qui vont de 0 à 10. Certaines situations incluront aussi des comportements de sécurité, mais progressivement il faudra les éliminer, jusqu’à ce que la personne soit capable d’affronter les situations comme tout autre personne qui ne souffre pas de ce trouble.
Pour réaliser cette exposition de manière adaptée, il n’est pas de trop que le/la patient-e apprenne des techniques de relaxation. Certaines options sont la relaxation basée sur la respiration ou la respiration de Jacobson. Cela lui permettra de réaliser l’exposition plus facilement.
Une situation sera donnée comme résolue quand le/la patient-e notera que son anxiété a descendu notablement, et qu’iel peut se débrouiller tout-e seul-e. Il n’y a qu’à ce moment que l’on peut passer à la situation suivante, mais jamais avant. Sinon, on peut provoquer une sensibilisation au lieu d’une habituation et ce n’est pas l’objectif.
Si l’exposition au réel a du succès, le/la patient-e parviendra à s’habituer. Ainsi, des aspects physiologiques, son anxiété descendra à des niveaux normaux et iel apprendra et intériorisera l’idée réaliste que rien d’aussi terrible qu’iel imagine n’a finalement lieu.
D’une façon générale, c’est le traitement pour l’agoraphobie. Cependant, selon le cas à traiter, on peut inclure d’autres stratégies comme l’entraînement dans les capacités sociales, aborder les symptômes dépressifs, l’élimination de gains secondaires etc. Dans certains cas plus spécifiques et avec plus de temps d’évolution, il peut être recommandé d’associer la thérapie au traitement pharmacologique.
Bibiographie :
Ortiz-Tallo, M. (2004) Trastornos psicológicos. (“Troubles psychologiques”), Edición Aljibe.
Moreno, P. (2007) Tratamiento psicológico del trastorno de pánico y agorafobia. Manual para terapeutas. (“Traitement psychologique du trouble de panique et d’agoraphobie. Manuel pour thérapeutes”), Nuevas psicoterapias. Desclée.
Barlow, D.H (1988). Anxiety and its disorders: The nature and treatment of anxiety and panic. New York: Guilford Press
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