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Pablo Neruda et le silence : l'art de se connecter avec la bonté

4 minutes
Pablo Neruda et le silence : l'art de se connecter avec la bonté
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater

Écrit par Valeria Sabater
Dernière mise à jour : 15 novembre, 2021

Le silence de Pablo Neruda est peut-être l’un des plus beaux poèmes jamais écrits. Il nous encourage à rester tranquille et silencieux, au moins pour un moment. Il s’agit d’une invitation à la participation de l’être à travers la nature. Il s’agit de retrouver nos essences pour embrasser la bonté et le respect, permettant à chaque pièce désordonnée de retrouver sa place.

Nous savons que le thème du silence est, sans aucun doute, une dimension récurrente dans le domaine de la psychologie. Nous ne pouvons néanmoins pas négliger la valeur qu’il a toujours eu dans les disciplines artistiques et littéraires. Claude Debussy disait que le silence n’est rien de plus que ce qui est contenu entre une note et une autre. De sorte qu’il confère à sa manière davantage d’élan et de beauté à n’importe quel morceau de musique.

Borges, quant à lui, exprima dans l’un de ses poèmes la beauté et la profondeur qui sont contenues dans le silence comme une dimension révélatrice, où nous pouvons nous rappeler qui nous sommes et ce que nous aimons. Parmi toutes ces œuvres poétiques et musicales, le message que Neruda nous laissa avec son ode, Le silence, se distingue d’entre tous pour plusieurs raisons. Il s’agit d’une invitation à rester immobile, à éteindre le moteur de nos machines et ce sentiment d’humanité artificielle et vide pour se souvenir de ce qui est le plus important…

Some figure

Le silence comme apprentissage

Les individus détestent généralement le silence de la même manière que la nature a horreur du vide et s’empresse de le combler avec des broussailles. Le silence nourrit notre imagination, mais nous fait également tomber dans les gouffres de l’angoisse, dans le tourbillon des soucis. Nous ne sommes pas habitués à un tel scénario, tout comme nos villes, lesquelles sont systématiquement habitées par le murmure mécanique des voitures, les commerces qui ne ferment jamais ou les industries insomniaques…

Nous avons oublié que le silence est emprunt de pouvoir, qu’il est didactique et que, comme s’il s’agissait d’un sortilège, est capable de renforcer en nous des aspects que nous avions oubliés. Neruda évoque dans son poème un chant pour la réflexion commune, indépendamment de notre langue. Il nous dit, comme nous le faisons parfois avec les enfants, de compter jusqu’à douze et de rester immobiles.

Il est dès lors temps de nous arrêter et de tout arrêter, dit-il. Il est temps de rester immobile, juste un instant, en laissant tomber les bras pour nous submerger dans cette dimension parfois inconfortable que représente le silence. En nous laissant attraper par ce silence tranquille, par cet espace entre les notes que Debussy décrivait, nous réaliserons peut-être ce que nous faisons de nos vies. Et du monde.

“Maintenant, nous compterons jusqu’à douze 
et resterons tous immobiles. 
Pour une fois sur la terre
nous ne parlons dans aucune langue, 
arrêtons-nous pendant une seconde, 
ne bougeons plus autant les bras.

Il s’agirait d’une minute parfumée, 
sans hâte, sans locomotives, 
nous serions tous ensemble 
dans une agitation instantanée.

Les pêcheurs de la mer froide 
ne blesseraient pas les baleines 
et l’ouvrier du sel 
regarderait leurs mains brisées.

Ceux qui préparent des guerres vertes, 
des guerres de gaz, des guerres de feu, 
des victoires sans survivants, 
enfileraient un costume pur 
et marcheraient avec leurs frères 
à l’ombre, sans rien faire.

Ne pas confondre ce que je veux 
avec l’inaction finale : 
la vie n’est que ce qui est fait, 
je ne veux rien de la mort.

Si nous n’avons pu être unanime  
en maintenant nos vies en mouvement, 
peut-être que ne rien faire une fois, 
peut-être qu’un grand silence peut 
interrompre cette tristesse, 
cette incompréhension permanente 
et ces menaces de mort, 
peut-être que la terre nous enseignera 
alors que tout semble mort 
et que tout était vivant.

Maintenant, je compte jusqu’à douze 
et tu te tais et je pars.”

La nature synonyme de bonté

Le silence est un outil thérapeutique souvent négligé et que nous devrions tous utiliser davantage. Les silences sont l’accommodation de la pensée et cet espace où nous pouvons mieux comprendre les autres, apprendre à être plus compatissants et proches de ceux qui nous entourent. Parce que le silence nous permet d’écouter et également de voir avec davantage de délicatesse et d’attention.

Some figure

Neruda, quant à lui, nous transmet à travers son poème une naturalisation du silence. Il évoque cette connexion avec la terre comme une approximation de notre être authentique. Parce qu’il ne s’y trouve aucune locomotives, qu’il n’existe aucun empressement ni guerre orchestrées. Le naturel est également le primordial, cette origine à laquelle nous nous connectons de temps à autre pour retrouver les priorités, pour ajuster notre vision à ce qui compte vraiment.

Le silence est dans cette superbe composition poétique une respiration créative qui nous encourage à exister d’une manière différente. D’une manière où nous pouvons mieux nous comprendre, où nous pouvons être plus transparent et respectueux. Peu d’héritages culturels sont aussi puissant que ces quelques versets, dont nous devrions nous souvenir plus souvent pour façonner une réalité plus belle, digne et bénéfique pour tous.

Alors faisons-le, comptons jusqu’à douze et taisons-nous. Laissons-nous embrasser par le silence.


Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.