Le carrefour des deuils non autorisés

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Dernière mise à jour : 16 mars, 2018

La mort d’un être cher est une source majeure de souffrance émotionnelle. Nous ne sommes jamais tout à fait prêt à perdre quelqu’un que nous aimons, même dans les hypothèses où la mort ne nous prend pas par surprise. Il existe néanmoins des cas dans lesquels il est plus difficile de traiter la douleur. Il s’agit des deuils non autorisés.

Nous entendons par deuils non autorisés ceux qui ne peuvent pas être manifestés ouvertement car ils sont en quelque sorte interdits par l’environnement particulier ou la société en général. Dans ces hypothèses, les personnes sont contraintes de souffrir seules et même souvent de cacher leurs manifestations de la douleur.

Cette difficulté pour exprimer des émotions et légitimer la souffrance rend les deuils non autorisés plus compliqués à supporter et à résoudre. La difficulté pour recevoir du soutien ajoute une dose de complexité à ces processus. Nous parlerons ci-après des principaux cas où, d’une certaine manière, socialement, le deuil est interdit.

“Toute tentative d’éliminer le deuil l’irrite encore plus. Vous devez attendre qu’il soit digéré et ensuite la diversion dissipera ses restes.“

-Samuel Johnson-

La non-reconnaissance de la perte

Il s’agit de l’un des types de deuils non reconnus qui causent le plus de dommages aux personnes endeuillées. Il correspond aux cas dans lesquels aucune valeur sociale n’est accordée à la mort d’une personne. Lorsque cette mort n’est pas moralement significative pour les autres.

Ce peut être le cas, par exemple, de la mort d’une personne qui était socialement rejetée, tel qu’un criminel dangereux, craint ou de très mauvaise réputation. Ce dernier est supposé être indésirable et sa mort bénéfique aux autres. Sa famille ou ses amis, s’il en a, peuvent néanmoins avoir une tout autre perspective. Il s’agit malgré tout de quelque chose qui souvent n’est pas toujours compris par les autres, raison pour laquelle il est commun pour les personnes endeuillées de ne pas exprimer leurs souffrances.

Un autre exemple de deuils non autorisés est celui qui se produit lorsqu’un animal meurt. Pour de nombreuses personnes il semble excessif que quelqu’un puisse souffrir profondément de la mort d’un chien, d’un chat ou d’un cheval. Malgré cela, un nombre incalculable de personnes souffrent de cette perte comme de celle d’un parent proche.

Les relations interdites et les deuils non autorisés

Dans ce type de cas, les deuils non autorisés sont dus au fait que ce type de relation est considéré comme proscrit, immoral ou non tolérable. L’exemple typique est le deuil de la mort de l’amant. Il est basé sur l’idée que la douleur légitime est celle de l’épouse ou du mari, pas celle d’une tierce personne qui se trouvait entre les deux. Cette troisième personne souffre néanmoins et a droit à sa douleur.

Bien que la société soit nettement plus ouverte aujourd’hui, il existe encore des cas de relations homosexuelles non reconnues. Ces cas génèrent également des deuils non autorisés lorsque le lien a été gardé secret. La même chose se produit lorsque existent des amours impossibles. Lorsque quelqu’un aime profondément celui qui est décédé, mais que cet amour ne fut jamais réciproque.

Les circonstances du décès

Si la mort se produit par suicide, par exemple, le deuil se réalise dans des conditions spéciales. Très probablement, au moins au début, les proches du défunt auront des difficultés à parler de leur douleur. Il s’agit de l’une de ces situations où règne une atmosphère d’incompréhension, de recherche d’un “pourquoi cela a-t-il fini ainsi ? Pourquoi n’a-il pas trouvé une autre issue ?” Souvent, sans parvenir à trouver de réponse ou en en trouvant une qui correspond aux interrogations que se posent les personnes.

Quelque chose de semblable se produit lorsque la mort survient dans des conditions violentes, notamment si elles impliquent la famille ou sont le résultat d’un acte d’irresponsabilité. Si, par exemple, quelqu’un meurt dans une voiture qui roulait à une vitesse extrême, de nombreuses personnes penseront qu’il “l’a mérité”. Se crées par conséquent des conditions propices pour générer des deuils non autorisés. Il en va de même pour les décès résultant d’overdoses, de maladies sexuellement transmissible, etc.

La personne endeuillée n’est pas reconnue

Ce type de deuils non autorisés correspond à des cas dans lesquels la capacité à ressentir de la personnes endeuillée n’est pas reconnue. Cela arrive fréquemment avec les enfants. Il est souvent considéré que ces derniers ne comprennent pas ce qu’est la mort et, par conséquent, qu’ils se consolent avec un simple “il est allé vivre au paradis”. Nombreux sont ceux qui pensent que les enfants ne souffrent pas un processus de deuil alors qu’il est parfois beaucoup plus difficile que celui des adultes, précisément à cause de leur immaturité.

Quelque chose de semblable se produit avec des personnes ayant un certain type de déficience cognitive. Nous supposons que leur douleur n’a pas la même profondeur que les autres. Il en va de même avec les personnes âgées souffrant d’une certaine limitation neurologique.

Lorsque des deuils non autorisés existent, existe également davantage de probabilités qu’ils finissent par se transformer en deuils pathologiques. Si l’expression de la souffrance est limitée ou annulée, surmonter la douleur sera beaucoup plus difficile.