Le trouble bipolaire : en quoi consiste-t-il réellement ?
Dans la psychologie “populaire” ou “de rue”, le trouble bipolaire a été défini comme ce trouble qui fait qu’une personne change d’humeur avec plus de fréquence et moins de retenue que la normale (elle est parfois triste puis devient subitement joyeuse, ou est irascible puis se calme soudainement). Cependant, cela n’est pas entièrement exact et requiert une définition plus détaillée et rigoureuse.
Il existe deux formes de trouble bipolaire : le trouble bipolaire type I et le trouble bipolaire type II. Le trouble bipolaire type I se caractérise fondamentalement par la présence d’épisodes maniaques (états euphoriques) et le type II par la présence d’épisodes hypomaniaques et de dépression majeure. Nous allons maintenant définir clairement ces deux concepts.
Episode maniaque et épisode hypomaniaque
Qu’est-ce qu’un épisode maniaque ?
Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (créé par l’Association américaine de psychiatrie, APA), un épisode maniaque se caractérise par une période bien définie d’états d’âme anormaux et constamment élevés, expansifs ou irritables, ainsi que par une augmentation anormale ou persistante de l’activité ou de l’énergie.
Un état dans lequel se trouverait la personne la majorité du temps, au quotidien, pendant une période d’au moins une semaine (indépendamment d’une durée précise, cet état peut être très aigu et requérir une hospitalisation). Accompagné d’au moins trois symptômes additionnels (diminution du besoin de dormir, augmentation de l’estime de soi ou d’un sentiment de grandeur, participation excessive à des activités qui peuvent avoir beaucoup de conséquences douloureuses, etc).
L’état d’âme au cours d’un épisode maniaque est normalement décrit comme euphorique, excessivement joyeux, élevé ou “au-dessus du monde”. Par exemple, l’individu peut entamer de façon spontanée de longues conversations en public avec des inconnus. Les pensées vont souvent beaucoup plus vite que ce qui peut être exprimé verbalement.
L’état d’âme au cours d’un épisode maniaque est normalement décrit comme euphorique, excessivement joyeux, élevé ou “au-dessus du monde”.
L’humeur expansive, l’excès d’optimisme, la grandeur et le manque de jugement poussent souvent l’individu à réaliser des activités imprudentes, comme des achats excessifs, des dons, une conduite téméraire, des investissements insenses et une promiscuité sexuelle inhabituelle pour lui. Des initiatives qui, très souvent, n’occasionnent que des pertes pour la personne, qu’elles soient économiques ou arrivent dans son réseau de soutien social.
Cet épisode est suffisamment grave pour causer une détérioration importante dans le fonctionnement social ou professionnel, pour requérir une hospitalisation ou parce qu’il existe des caractéristiques psychotiques (délires, hallucinations, etc.).
Qu’est-ce qu’un épisode hypomaniaque ?
Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Association américaine de psychiatrie, APA), un épisode hypomaniaque se caractérise par une période bien définie d’états d’âme anormaux et constamment élevés, expansifs ou irritables, ainsi que par une augmentation anormale ou persistante de l’activité ou de l’énergie, qui dure au moins quatre jours consécutifs.
À la différence de l’épisode maniaque, l’épisode hypomaniaque n’est pas suffisamment grave pour provoquer une altération importante du fonctionnement social ou professionnel ou pour requérir une hospitalisation. En outre, il n’existe pas de caractéristiques psychotiques.
À la différence de l’épisode maniaque, l’épisode hypomaniaque n’est pas suffisamment grave pour requérir une hospitalisation.
Episode de dépression majeure
La dépression est un concept qui est en général mieux connu par la population. Nous utilisons familièrement le mot “dépression” pour décrire des états de tristesse, de mélancolie, un manque d’énergie, une somnolence, une lenteur, etc. Comme nous l’avons fait avec la manie et l’hypomanie, nous allons voir quels critères doivent être respectés pour diagnostiquer un épisode de dépression majeure.
Pour la diagnostiquer, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) établit la présence d’au moins cinq des symptômes suivants, presque quotidiennement et tout au long de la journée, pendant au moins deux semaines. En outre, la présence d’états d’âme déprimés ou d’une perte d’intérêt ou de plaisir est nécessaire.
Etat d’âme déprimé
Au moins 90% des patient-e-s déprimé-e-s paraissent tristes ou abattu-e-s. Il est important de savoir quel est le pire moment de la journée, ainsi que le meilleur, et si quelque chose aide à se sentir mieux car ces aspects sont liés à la mélancolie.
Anhédonie
Il s’agit de la diminution du plaisir dans les activités quotidiennes. Ainsi, rien n’aide les personnes à se sentir bien (ni le fait de sortir dans la rue, de voir leurs petits-enfants ou neveux/nièces, de regarder un film…).
Troubles de l’appétit et/ou changement de poids
Le critère est celui d’une augmentation ou d’une diminution du poids (5% en un mois par rapport au poids habituel), même s’il peut parfois être compliqué d’estimer ce symptôme.
Troubles du sommeil
L’insomnie a toujours été considérée comme un symptôme de dépression, alors que l’hypersomnie fait davantage douter car elle peut se révéler atypique. Nous devrions aussi bien explorer l’insomnie initiale que l’insomnie moyenne et terminale, puis analyser l’état de somnolence du patient au cours des 24 heures de la journée pour savoir si son sommeil est réparateur ou non, connaître le nombre d’heures passées au lit, etc.
Un critère habituel pour l’insomnie initiale est de mettre plus de 30 minutes à s’endormir. L’insomnie moyenne apparaît quand le/la patient-e se réveille plus de 30 minutes au milieu de la nuit et à du mal à se rendormir. L’insomnie terminale existe quand le/la patient-e se réveille entre 1h et 3h plus tôt que l’heure habituelle et ne peut plus dormir. Pour l’hypersomnie, il n’y a pas de critères établis.
Troubles psychomoteurs
On fait aussi bien référence au retard psychomoteur qu’à l’agitation psychomotrice et son diagnostique requiert une manifestation comportementale qui soit visible par d’autres personnes.
Absence ou perte d’énergie
Parfois, les patients disent manquer d’énergie alors qu’il s’agit en réalité d’une diminution de l’intérêt.
Sentiments excessifs de manque de valeur, auto-reproches ou culpabilité
Il peut être important de demander au patient de se décrire lui-même et d’indiquer de quelle façon le décriraient ses proches ou sa famille.
Difficultés à se concentrer, à prendre des décisions ou à réfléchir
Ici, les questions typiques ont un lien avec la capacité du patient à suivre une conversation, un programme télé, à se concentrer sur son travail, etc.
Pensées récurrentes de suicide ou de mort
Entre 60% et 80% des suicides sont commis par des patient-e-s qui ont été diagnostiqué-e-s comme dépressif-ve-s. Avoir une dépression augmente jusqu’à 30 fois le risque de suicide par rapport à la population générale.
Le fait qu’une personne souffre de 5 de ces symptômes ou plus n’implique pas automatiquement la présence d’un “épisode dépressif majeur”. Par ailleurs, elle doit faire face à une détérioration psychosociale importante et vérifier que toutes ces conditions ne sont pas dues à des effets secondaires de médicaments, à une condition médicale (par exemple, la démence) ou aux effets d’une réaction de deuil normale.
Pour diagnostiquer un épisode dépressif majeur, il est nécessaire d’avoir affaire à un état d’âme déprimé ou à une perte d’intérêt/de plaisir.
Quelques caractéristiques et curiosités à propos du trouble bipolaire de type I
Comme nous l’avons vu précédemment, le trouble bipolaire de type I se caractérise par la présence d’un épisode maniaque. Avant (ou après) celui-ci, des épisodes hypomaniaques ou de dépression majeure peuvent se produire.
Au cours des épisodes maniaques, les patients ne se rendent normalement pas compte de leur maladie et affirment de ne pas avoir besoin de traitement ; ils refusent avec véhémence de le prendre. Ils changent leur façon de s’habiller, leur maquillage ou leur apparence personnelle en adoptant un style plus voyant ou suggestif d’un point de vue sexuel.
Certain-e-s patient-e-s peuvent devenir agressifs et proférer des menaces physiques ; s’ils délirent, ils peuvent attaquer physiquement d’autres personnes ou se suicider. Comme conséquence de la capacité de jugement appauvrie, de la faible conscience d’être malade et de l’hyperactivité, l’épisode maniaque peut avoir des aboutissements catastrophiques.
L’état d’âme peut rapidement basculer vers la colère ou la dépression. Au cours des épisodes maniaques, certains symptômes dépressifs peuvent apparaître et durer quelques instants, quelques heures ou, plus rarement, quelques jours.
Le trouble bipolaire de type I se caractérise par la présence d’un épisode maniaque.
Risque de suicide dans le trouble bipolaire de type I
“On estime que le risque de suicide tout au long de la vie des patients souffrant de trouble bipolaire est 15 fois plus élevé que celui de la population générale. En fait, le trouble bipolaire mène à un quart des suicides que l’on recense.” (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, DSM-5).
Quelques caractéristiques et curiosités à propos du trouble bipolaire de type II
Comme nous l’avons vu précédemment, le trouble bipolaire de type II se caractérise par la présence d’un épisode hypomaniaque et de dépression majeure. L’épisode maniaque est une caractéristique exclusive du type I. Les patient-e-s souffrant du trouble bipolaire de type II vont normalement consulter un médecin au cours d’un épisode dépressif majeur et il est peu probable qu’iels se plaignent, au début, de symptômes d’hypomanie. Normalement, les épisodes hypomaniaques ne causent pas de dysfonctionnements en eux-mêmes.
Le dysfonctionnement est la conséquence d’épisodes dépressifs majeurs ou d’un schéma persistant de changements indispensables et fluctuants de l’état d’âme, ainsi que d’un schéma de relations interpersonnelles ou professionnelles peu fiables. Les patients avec un trouble bipolaire de type II peuvent ne pas voir les épisodes hypomaniaques comme étant pathologiques ou défavorables, même si le comportement erratique de l’individu peut déranger d’autres personnes.
L’impulsivité est un trait commun dans ce trouble et peut mener à des tentatives de suicide ou à des troubles en raison d’une consommation de substances.
Le trouble bipolaire de type II se caractérise par la présence d’un épisode hypomaniaque et de dépression majeure.
Risque de suicide dans le trouble bipolaire de type II
“Le risque de suicide est plus élevé avec le trouble bipolaire de type II. Environ un tiers des patient-e-s souffrant du trouble bipolaire II a des antécédents de tentative de suicide. La létalité des tentatives, définie par un taux plus faible de tentatives par rapport aux suicides commis, est plus élevée chez les patient-e-s souffrant de trouble bipolaire II que chez les patient-e-s de trouble bipolaire I.” (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, DSM-5).
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