Thelma et Louise, un cri féministe dans un monde d’hommes
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Thelma et Louise est l’un des films qui, malgré les années, sont restés gravés en nous en nous offrant des scènes mémorables et immortelles. Pourquoi Thelma et Louise nous plaît autant ? Pensons au cinéma commercial, au cinéma « Hollywoodien », du siècle précédent notamment. Combien de rôles de femmes avons-nous à l’esprit ? Combien d’histoires au cours desquelles les femmes ont le rôle principal connaissons-nous ? Et surtout, combien d’entre elles sont liées à un homme ou ne possèdent pas de forte charge romantique ?
Il est certain que peu de films ayant ce profil nous viendrons à l’esprit. Dans ce monde d’hommes, de machos dominants, de femmes soumises dont l’intrigue est associée à une histoire d’amour ou maternelle, un titre brille : Thelma et Louise. Il résonne comme un cri de guerre, comme des tambours menaçants qui font trembler tout le reste, qui effraient et fâchent les hommes forts et dominants et qui font vaciller la virilité qui se dégage du cinéma.
Ce n’est certainement pas le film le plus féministe de l’histoire et pas non plus le film le plus touchant. Mais c’est un cri, un chant de liberté féminine, à la manière d’un martèlement sur les fondements du patriarcat. Une raison à cela : le cinéma, surtout le plus commercial ; a toujours été un monde d’hommes et l’intégration de la femme y fut très tardive. D’ailleurs, aujourd’hui, les noms de femmes dans le domaine de la direction sont toujours minoritaires.
Thelma et Louise, bien que dirigé par un homme (Ridley Scott) fut écrit par une femme (Callie Khouri) et joué par deux autres (Susan Sarandon et Geena Davis). Nous sommes en 1991 et le cinéma nord-américain est en pleine apogée mais avec peu de femmes comédiennes. Thelma et Louise rompt cette tradition, rompt les règles et nous invite à crier, à détruire la bulle de la soumission et à prendre le contrôle. Il invite les femmes à être maîtresses de leurs décisions et de leurs vies. C’est un road movie féminin qui fit la différence.
« Je ne suis jamais sortie de la ville sans Darryl.
Comment t’a-t-il laissée venir ?
Je ne lui ai pas demandé. »
-Thelma et Louise-
Les personnages
De nos jours, une grande partie de la population connaît le film, mais si vous ne l’avez pas vu. Il est possible que cet article contienne des spoilers. L’une des choses les plus surprenantes du film est l’évolution des personnages principaux, des deux comédiennes.
Les deux sont originaires de l’Amérique profonde, d’un monde totalement patriarcal où leurs rôles sont relégués au plan domestique. Leur amitié sera le moteur qui les poussera à vivre ensemble ce film d’aventure. Très différentes, mais très unies, elles développeront un réel changement de mentalité. Elles avanceront donc dans les routes infinies du centre des Etats-Unis.
- Thelma est une femme d’une trentaine d’années, tristement mariée à Darryl, un homme absolument machiste qui croit avoir le contrôle sur son épouse, ses vêtements, son argent… C’est l’homme de la maison, celui qui fait vivre le foyer, tandis que Thelma doit prendre soin de la maison et être à son service. Elle a été élevée de cette manière, elle a grandi en croyant que son but dans la vie était le mariage et bien qu’elle soit fatiguée de vivre avec Darryl, elle n’a jamais pensé à lui faire face.
- Louise, contrairement à Thelma, travaille en tant que serveuse et a une relation instable avec un musicien, Jimmy. Ce dernier n’est jamais à la maison et ne semble pas vouloir s’engager. Louise est beaucoup plus décidée que Thelma qui paraît plus innocente.
Ensemble, elles décident de quitter leur routine le temps d’un week-end. Elles souhaitent s’éloigner de leur logement, loin de la ville afin de pouvoir se déconnecter du monde dans lequel elles vivent soumises. Louise est beaucoup plus consciente de la réalité qui l’entoure. Thelma de son côté est toujours très soumise et innocente, elle manque de méchanceté et fait trop confiance.
Le voyage prendra un tournant radical lorsqu’elles seront confrontées à leur situation de femmes, au visage amer de la domination masculine : le viol. C’est une facette que Louise connaissait et qui la poussait à agir de la manière la plus inattendue possible.
A partir de cet instant, le chemin sera beaucoup plus différent. Ce qui au début ne devait être qu’une semaine de relaxation et de déconnexion se transforme alors en une route vers le réveil intérieur, vers une guerre des femmes vivant prisonnières dans un monde d’hommes. Le paysage ne sera plus idyllique, leurs vêtements ne seront pas ceux de « femmes exemplaires » et bien entendu, elles ne seront plus les mêmes.
Thelma et Louise face au patriarcat, rébellion
De quelle garantie dispose une femme souffrant d’un viol ? Qu’est ce qui attendait Thelma et Louise après avoir tué un homme par légitime défense ? Pourquoi choisir de vivre si ce n’est pas pour être libre ? Toutes deux savaient que si elles appelaient à la police et qu’elles racontaient les évènements, personne n’allait les croire et qu’elles finiraient en prison. Elles ne voulaient pas non plus être victimes, elles voulaient juste être libres, choisir leur futur en marge de la société patriarcale qui les entourait.
Ainsi, elles passèrent de femmes soumises à deux fugitives, deux rebelles, mais surtout amies. La loyauté et l’affection présentes entre les deux transperce l’écran. Cela nous montre une histoire très différente des autres contées par Hollywood. Les femmes ne sont plus des rivales qui entrent en compétition pour conquérir un homme, mais des camarades, des personnages et à la fois, les « voyous » d’une histoire qui, si elle avait été jouée par des hommes, aurait été celle d’un film de plus sur des « mauvais garçons ».
Fatiguées par la société, fatiguées d’être reléguées au second plan et surtout motivées par leur soif de liberté, Thelma et Louise entreprirent leur lutte face à un système injuste : un système qui allait les condamner ou les étiqueter en tant que victimes, ou pire encore.
Ce NON à être victimes, en étant au centre des regards et des commentaires machistes, ne sonnera pas uniquement dans le film, il aura un impact au sein de l’industrie. Ce NON est la réponse entendue par Callie Khouri de la part de son scénariste chaque fois qu’elle tentait de mener à bout un projet vers un producteur.
Nous avons toutes au moins ressenti une fois le pouvoir du patriarcat sur nous, nous avons toutes eu peur un jour en rentrant seules chez nous, nous avons toutes déjà vécu des situations désagréables. Thelma et Louise présente cela du point de vue d’une femme.
Tout le monde pensait qu’après Thelma et Louise quelque chose changerait, que davantage de films seraient vus avec des femmes au pouvoir, des rôles exclusivement réservés aux hommes accordés aux femmes, mais malgré le succès vis-à-vis du public, cette évolution ne s’est pas produite.
Ce voyage sur la route, la persécution et surtout l’inoubliable saut dans le vide nous invitent à chercher la liberté, à défier l’établi, à décider de notre futur. Le cinéma a souvent commis des actes machistes et c’est dangereux car il nous inspire, nous motive et prétend souvent à être un portrait de la réalité.
Thelma et Louise fut un réveil, un acte de rébellion dans un monde où cela paraissait impossible. Amitié, désobéissance, liberté ou mort, c’est ce que nous propose Thelma et Louise, son essence ; quelque chose qui ne devrait jamais disparaître.
« De nombreux mots passent dans ma tête tels que : prison, interrogatoires, chaise électrique, condamnation à perpétuité, des choses de ce genre… Et tu me demandes si je veux sortir vivante ? »
-Thelma et Louise-
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