Personne n'a le droit de juger ce que je ressens

Personne n'a le droit de juger ce que je ressens

Dernière mise à jour : 27 avril, 2017

Personne n’a le droit de juger ce que je ressens… alors que nous nous sommes tou-te-s déjà senti-e-s tristes sans larmes ou joyeux avec les yeux mouillés. Nous avons tou-te-s déjà essayé d’avoir une vie normale alors qu’elle était brisée en mille morceaux. Et il n’y a rien de mal à cela. Mais, parfois, nous recevons un message qui a l’air de nous signifier que nous ressentons quelque chose de différent que ce que nous devrions ressentir. C’est là que la culpabilité apparaît.

C’est comme s’il y avait des situations qui étaient tellement caractéristiques d’un ensemble d’émotions que ces dernières devaient s’imposer d’office. Par exemple, les accouchements sont liés, dans l’inconscient collectif, à la joie. Une nouvelle vie = une raison de sourire. La fin d’une attente qui dure neuf mois. Cependant, les personnes qui ont de l’expérience dans les accouchements savent que ce n’est pas toujours ces moments-là qui sont des moments de joie, chez les mères notamment.

C’est la même chose avec les rites funéraires et les décès. Dans l’inconscient collectif occidental, la mort de quelqu’un est liée à la tristesse. Nous savons qu’il est logique de pleurer, d’avoir un visage sérieux et de montrer des manifestations de douleur. Mais, ce n’est pas toujours ainsi que ça se passe dans d’autres cultures. Cette manière de ressentir les choses face à la perte n’est peut-être pas aussi naturelle que nous le pensons ou que l’on nous l’a appris.

… Et personne n’a le droit de juger la manière dont nous nous sentons.

Émotions et mécanismes de défense

Ce que nous disent les spécialistes qui ont aidé les proches des personnes qui sont décédées de manière soudaine (accident de voiture, catastrophe naturelle, attentat terroriste etc.), c’est que beaucoup se trouvent en état de choc. L’impact émotionnel a été tel que leur circuit émotionnel s’est défendu en stoppant toute émotion.

De fait, elles aimeraient pleurer et libérer tout ce qu’elles ressentent, mais elles ne parviennent pas à décoincer ce mécanisme de défense qu’elles se sont imposées à elles-mêmes.

Vous vous êtes sûrement déjà cogné le genou avec un coin de table ou de lit. Il y a un moment entre le coup et la douleur, non ? Un moment où vous vous préparez mentalement à l’arrivée de la douleur. Eh bien, dans ces situations, c’est la même chose qui arrive. Le coup de la perte arrive mais la douleur, pas encore. En échange, il y a un vide, un rien qui génère culpabilité et terreur en même temps.

Voici un autre exemple où la douleur ne se voit pas -ou apparaît en décalage- face à la perte : c’est lorsque nous activons un autre mécanisme de défense, qui se nomme le déni. Nier la perte élimine automatiquement la partie consciente du deuil. Il est fréquent que ces personnes pleurent car elles font tomber une assiette ou car elles sont en retard de cinq minutes, mais ce ne sera jamais à cause de la véritable source de la douleur car elles l’ont déplacée.

Comme nous le disions précédemment avec l’exemple de l’accouchement, la tristesse peut non seulement être absente alors qu’on attendrait qu’elle soit présente, mais c’est la même chose avec les émotions de valeur positive, comme la joie. Pensez à ce désir qui vous a tant coûté et auquel vous avez consacré tant de temps. Lorsque vous l’avez atteint, peut-être que vous étiez très content, mais il y a une grande probabilité que vous ayez ressenti une sorte de vide, et même de tristesse.

Pensez que le désir cache un paradoxe sur lequel se base une bonne partie du pessimisme philosophique du XXe siècle : quand on l’atteint ou qu’on le satisfait, on meurt ou on chute.

Prenons l’exemple de l’amour ; imaginons que quiconque est amoureux a les yeux qui brillent et se sent heureux. Mais il est très fréquent que l’amoureux-se soit un-e amoureux-se stressé-e. Iel se trouve dans un moment d’idéalisation de l’autre, où iel sent qu’iel ne peut correspondre et plaire à l’autre que lorsqu’iel lui présente la meilleure version de lui/d’elle-même.

Cela provoque un état de tension dans lequel la joie part en courant et est remplacée par une incertitude qui est difficilement supportable. Où est-iel ? Que fait-iel ? M’aime-t-iel plus ou moins qu’il y a une heure ?

Personne n’a le droit de juger nos émotions

Il n’y aurait aucun problème si ce décalage entre l’attendu et le ressenti n’existait pas, car cela déclenche un grand sentiment de culpabilité chez beaucoup de gens. Quelqu’un qui ne pleure pas suite à la mort d’une personne qu’il aimait beaucoup peut se sentir coupable. Une mère qui ne ressent pas une joie débordante de devenir mère peut aussi se sentir coupable.

Un autre ressenti aussi pernicieux lors de ces situations, qui peut s’ajouter à la culpabilité, est le fait de ne pas se penser humain. On peut finir par penser que l’on ne parvient à atteindre cette tristesse car en réalité, on est un-e psychopathe. Une personne non humaine et sans sentiments, avec tout ce que cela comporte de négatif.

Les commentaires de l’environnement social n’aident pas beaucoup. Autour d’un nouveau-né, il y a toujours une poignée de “mères artificielles” qui pensent qu’elles sont le monopole de la sagesse et disent aux autres comment elles doivent s’occuper de leur enfant pendant les premiers mois. Leur aide, si elle est bienveillante est un vrai soutien, mais lorsqu’elle juge, elle se transforme en une pierre qui fait plonger l’estime de soi de la mère au plus profond.

Les autres peuvent aussi faire des commentaires pour critiquer le fait que nous ne ressentions pas de tristesse. Cela arrive, par exemple, quand quelqu’un souffre de la perte d’un être cher et dans sa bataille pour la vie, on lui dit : “Tu disais que tu l’aimais et au bout de deux jours, tu fais la fête” ou “Tu ne l’aimais pas tant que ça si tu as pu aller au travail le jour suivant”. Ces phrases sont profondément injustes et souvent prononcées avec insensibilité… en oubliant que personne n’a le droit de juger la manière dont nous ressentons les choses.

D’une manière ou d’une autre, notre monde émotionnel est très sensible aux conditions particulières de chacun-e. Ainsi, personne, pas même nous-même, n’a le droit de juger ou de nous juger pour ce que nous ressentons. Pensez que les émotions ne nous rendent ni mieux ni pires et que la manière dont nous agissons n’est souvent pas corrélée à la manière dont nous nous sentons. C’est pour cela que la culpabilité que l’on peut ressentir ou que l’on provoque chez les autres n’a souvent pas de sens.

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