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L'Expérience : la nature humaine

6 minutes
L'Expérience : la nature humaine
Sergio De Dios González

Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González

Écrit par Leah Padalino
Dernière mise à jour : 27 décembre, 2022

L’Expérience est un film allemand de 2001 réalisé par Oliver Hirschbiegel ; il se base sur l’oeuvre The black box qui, à son tour, s’est inspirée de l’expérience réelle réalisée à Standford en 1971. Cette expérience a été remise en cause un nombre incalculable de fois et, même si le film s’éloigne assez de ce qui s’est réellement produit, il nous pousse à nous demander comment est réellement la nature humaine : sommes-nous bons ou mauvais ? Y a-t-il de bonnes et de mauvaises personnes ? Il s’agit assurément d’un film où philosophie, éthique, morale, sociologie et psychologie se mêlent.

L’Expérience commence en nous présentant Tarek Fahd, un chauffeur de taxi avec des problèmes économiques qui décide de gagner de l’argent extra en participant à une expérience. En plus de l’argent que lui rapportera cette expérience, il décide de collaborer avec un journal pour lequel il travaillait dans le passé et de filmer tout ce qu’il se passe au cours de l’expérience. L’argent sera ce qui poussera les participants à collaborer comme des cochons d’Inde à une expérience qui finira par détruire leurs vies.

Les participants ont des vies très différentes : un chauffeur de taxi, un employé d’une compagnie aérienne, un cadre supérieur, un imitateur d’Elvis, etc. Tous sont en quête d’une nouvelle expérience et, principalement, d’une compensation économique. Ces participants seront soumis à différents tests psychologiques et à de nombreux entretiens. Après cela, un rôle leur sera assigné : celui de prisonnier ou celui de gardien. Nous voyons que certains participants affichent des insécurités, tandis que d’autres ont une grande confiance en eux… Tout cela aidera les docteurs chargés de l’expérience à leur assigner un rôle.

Aucun des participants n’a été en prison au cours de sa vie. Aucun ne paraît sortir de la “normalité”; ils ont tous une profession, une famille… En définitive, une vie parfaitement commune. Lorsqu’ils font connaissance dans la salle d’attente, avant de savoir quel rôle leur a été assigné, ils semblent tous avoir une conversation agréable et être contents de se connaître. Cependant, ce qui au début paraissait un simple jeu finira par se transformer en un véritable cauchemar qui nous fera nous poser des questions sur la nature humaine. 

“L’homme ne devrait pas intervenir dans la nature mais il le fait toujours”.

-L’Expérience-

L’expérience de la prison de Stanford

L’expérience sur laquelle se base le film a été menée à l’Université de Stanford (Etats-Unis) en 1971 par le professeur Zimbardo ; 24 élèves psychologiquement stables y ont participé. Cependant, l’expérience mit peu de temps à devenir incontrôlable car les personnes qui y participaient se plongèrent complètement dans les rôles qu’on leur avait assignés.

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Beaucoup de participants souffrirent de sérieuses séquelles psychologiques. Ceux qui avaient tenu le rôle de prisonniers montrèrent ensuite une grande résignation et une certaine soumission, tandis que les gardiens commencèrent à abuser de leur pouvoir et à appliquer des châtiments réellement cruels. Le film nous montre partiellement cette expérience mais présente quelques différences :

  • Les rôles assignés dans l’expérience originale furent aléatoires alors que, dans le film, on les assigne après avoir fait subir une série de tests aux participants.
  • Lors de l’expérience de Stanford, les prisonniers furent arrêtés comme s’ils avaient commis un délit réel. Cela ne se produit pas dans le film : on leur assigne simplement leur rôle après l’acceptation de leur participation.
  • Dans le film, la seule sécurité que nous observons est celle des caméras de surveillance et des trois docteurs qui supervisent l’expérience sans y intervenir. À Stanford, Zimbardo lui-même participa en tant que surintendant et deux policiers réels supervisaient l’expérience.

L’Expérience et les rôles sociaux

L’Expérience nous transporte dans une prison fictive, les lieux sont vraiment froids, il n’y a quasiment aucune couleur chaude dans tout le film et même avant le début de l’expérience. Les 20 participants devront passer 14 jours dans une prison fictive, les gardiens ne reçoivent aucun ordre, à part un petit règlement de la prison, et pourront agir comme bon leur semble quand un prisonnier ne leur obéit pas, même si on les avertit qu’ils ne doivent pas recourir à la violence.

Les prisonniers, au contraire, sont totalement dépouillés de leur identité ; ils passent d’un nom à un simple numéro, devront se défaire de leurs sous-vêtements et ne porter qu’un uniforme tout fin qui contraste avec celui des gardiens. Au début, beaucoup prennent cela à la légère, pensent qu’il ne s’agit que d’un jeu et qu’ils pourront rentrer chez eux au bout de quelques jours pour reprendre leur vie normale (avec quelques billets en plus).

“L’expérience n’est pas douloureuse, ils n’auront pas de médicament à prendre. Il s’agit d’un jeu de rôles dans une prison.”

-L’Expérience-

Cependant, à partir du moment où on leur assigne les rôles, nous voyons que certains participants prennent l’expérience très au sérieux, devenant plus soumis s’ils sont prisonniers ou plus agressifs et autoritaires s’ils sont gardiens. Le film acquiert un ton de plus en plus dramatique et claustrophobique, montrant le sadisme, l’abus de pouvoir des gardiens et la souffrance des prisonniers.

Certains prisonniers ont plus de mal à tenir leur rôle ; cependant, les gardiens semblent se sentir plutôt à l’aise avec le leur. La majorité des geôliers sont pères de famille, ont un bon emploi… mais face à une situation de pouvoir, ils agissent d’une façon qu’ils n’auraient jamais imaginée, en en arrivant à la violence la plus extrême et en soumettant les prisonniers à des pratiques atroces.

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“Vous avez vu? Ils font tout ce que nous leur disons de faire.”

-L’Expérience-

Plus les jours passent et plus la situation se complique ; les abus sont de plus en plus nombreux et la souffrance des prisonniers ne cesse de s’accroître. D’une certaine façon, Tarek crée quelques situations en essayant de capter une bonne histoire pour son journal, même si nous voyons que les délires et les idées de possible conspiration s’empareront de tous les participants, les faisant agir de manière inattendue.

L’un des personnages qui attire le plus notre attention est Berus, un homme qui travaille pour une compagnie aérienne, une chose qui nous fait penser qu’il est psychologiquement stable. Cependant, ce sera le plus cruel des gardiens; il adoptera le rôle de leader des gardiens, un leadership que les autres accepteront sans rechigner. 

L’Expérience nous présente une société privée de libertés où l’on réduit des personnes à des numéros, leur faisant perdre leur identité; on leur assigne un rôle et les personnes agiront donc en fonction de ce dernier, même en sachant que rien n’est réel. Les participants finissent par s’imprégner de ce rôle.

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Même si des millions de réponses possibles nous viennent à l’esprit et même si nous nous connaissons parfaitement, nous ne pouvons pas prévoir la façon dont nous réagirons face à une situation totalement incontrôlable ou sortant du quotidien. Il semblerait que nous ayons tendance à séparer les gens en deux catégories: les bons et les mauvais. Par ailleurs, nous ne nous considérons probablement pas comme de mauvaises personnes. Mais connaissons-nous véritablement notre nature ?

Le film et l’expérience nous poussent à nous demander si nous sommes réellement libres, si nous possédons ce libre-arbitre dont l’on nous parle si souvent en philosophie, si nous connaissons la nature humaine… Agissons-nous avec une totale liberté? Nous sommes peut-être tout simplement victimes d’un rôle que l’on nous a assigné et nous agissons en conséquence. L’Expérience nous invite à nous poser une infinité de questions sur notre propre nature et sur notre liberté.

“J’ai un libre-arbitre mais pas parce que je l’ai choisi. Je n’ai jamais choisi librement d’avoir un libre-arbitre. Par conséquent, j’ai un libre-arbitre, que je le veuille ou non”.

-Raymond Smullyan-

 

 

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