Les ultracrépidariens : des personnes qui donnent leur avis sans avoir de connaissances sur le sujet
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
Les ultracrépidariens, loin d’être en voie d’extinction, sont de plus en plus nombreux chaque jour. Ce sont ces personnes qui donnent leur avis sur tout mais sans avoir de connaissances ou de compétences sur les sujets évoqués. Elles ne se taisent jamais, nous corrigent, nous suggèrent des tonnes de choses, veulent sauver le monde et sous-estiment les véritables experts dans un domaine.
Il est curieux de voir à quel point notre langage est riche. Nous disposons de termes vraiment spéciaux pour définir ces comportements que nous voyons si souvent autour de nous. L’ultracrépidarianisme est sans aucun doute l’un de ces mots aussi difficile à retenir qu’à prononcer. Il est cependant surprenant de savoir qu’il existe depuis très longtemps et qu’on l’utilise presque partout dans le monde.
En anglais, on utilise le mot ultracrepidarianism, en espagnol, ultracrepidarianismo, en bosniaque, ultrakrepidarianizam… Nous avons tous donné un nom à ce profil qui possède une tendance presque obsessionnelle à donner son avis sur des sujets qu’il ne contrôle même pas. Il est évident que nous avons tous le droit d’exprimer notre opinion sur n’importe quel point.
Cependant, le faire avec humilité et en comprenant que nous ne pouvons pas dominer tous les sujets de la vie peut en dire beaucoup sur nous. Il est donc intéressant de savoir que le comportement des ultracrépidariens est une matière de grand intérêt pour le domaine de la psychologie. Étudions ce point plus en détails.
Les ultracrépidariens : qui sont-ils et pourquoi agissent-ils de cette façon ?
Si vous donnez votre avis sur les images de la face cachée de la Lune fournies par la sonde chinoise Chang’e-4, les ultracrépidariens essayeront de vous faire un commentaire digne de Carl Sagan. Si vous discutez de politique, ils feront tout pour vous offrir un discours digne de Winston Churchill. Et si vous parlez de football, d’économie ou de physique quantique, ils voudront toujours vous démontrer tout ce qu’ils savent.
- Les ultracrépidariens ont réponse à tout. Ils ne se taisent jamais. Ils ne sont pas non plus conscients de leurs limites et, pire encore, ne respectent pas les autres. Pour eux, il est essentiel de se démarquer à tout prix : ils n’hésitent donc pas à discréditer les autres personnes.
- Pour retrouver l’origine de ce mot, nous devons remonter à l’époque d’Apelle de Cos, un peintre de l’an 352 av. J-C.
- On raconte que pendant que l’artiste préféré d’Alexandre le Grand travaillait sur l’une de ses œuvres, un cordonnier entra dans son atelier pour lui remettre une commande. Lorsqu’il vit les peintures et les gravures, il commença à critiquer beaucoup de détails.
- Face à ces commentaires, Apelle de Cos lui dit la chose suivante : “Ne supra crepidam sutor iudicaret” (Que le cordonnier ne juge pas au-delà de la sandale).
Les ultracrépidariens et l’effet Dunning-Kruger
Les ultracrépidariens se caractérisent généralement par un principe très élémentaire : moins ils en savent, plus ils croient en savoir. Cette relation répond à ce que l’on appelle l’effet Dunning-Kruger en psychologie.
- L’effet Dunning-Kruger est un biais cognitif très commun qui fait que les personnes qui ont le moins de compétences cognitives et intellectuelles ont tendance (en moyenne, pas dans tous les cas) à surestimer leurs propres capacités.
- Du point de vue de la psychologie sociale et à travers des études comme celles réalisées par les psychologues Marian Krak et Andreas Ortman, de l’université de Berlin, on nous rapporte la chose suivante. Dans un premier temps, les ultracrépidariens peuvent même réussir à atteindre des postes de pouvoir.
- Certaines personnes, dans notre société, occupent des postes pour lesquels elles n’ont pas les compétences suffisantes. Cependant, cette auto-évaluation amplifiée, ajoutée à une attitude extravertie et résolue, peut leur permettre d’occuper des places que d’autres personnes plus aptes n’arrivent pas à obtenir.
Il ne faut pas sous-estimer les ultracrépidariens : leur effet peut être extrêmement nocif
Parfois, le comportement des ultracrépidariens peut être anecdotique. L’histoire de McArthur Wheeler, un homme qui a braqué une banque à Pittsburgh en 1990, est par exemple célèbre. Lorsque les policiers l’ont attrapé, il a été très surpris : il ne comprenait pas comment ils pouvaient le voir.
Il disait avoir appliqué du jus de citron sur son visage et son corps pour être invisible. Il est évident que le jeune Wheeler souffrait d’un trouble psychologique, mais la fermeté avec laquelle il défendait la relation entre le jus de citron et l’invisibilité a attiré l’attention des experts.
Au-delà de ces cas ponctuels, il y a une chose que nous devons bien garder à l’esprit. Les ultracrépidariens sont capables de faire beaucoup de mal. Avoir un père, une mère, un chef ou un voisin qui cherche de façon obsessionnelle à boycotter nos habiletés, à discréditer chacun de nos commentaires, peut générer un grand épuisement psychologique.
L’idéal est de ne pas tomber dans leurs provocations, évidemment. Cependant, si nous sommes obligés de passer beaucoup de temps avec eux, nous devrions prendre des mesures plus drastiques pour freiner leur effet. Leur expliquer clairement que leurs comportements sont offensifs et nocifs est une stratégie. L’autre consisterait à être plus catégorique et à maintenir une distance adéquate avec ce type de profils. Pensons-y.
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- Kruger, J., & Dunning, D. (1999). Unskilled and unaware of it: How difficulties in recognizing one’s own incompetence lead to inflated self-assessments. Journal of Personality and Social Psychology, 77(6), 1121–1134. https://doi.org/10.1037/0022-3514.77.6.1121
- Krajc, M., y Ortmann, A. (2008). ¿Los no cualificados realmente son inconscientes? Una explicación alternativa. Journal of Economic Psychology , 29 (5), 724–738. https://doi.org/10.1016/j.joep.2007.12.006
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