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« Les heures dorées » ou l'importance d'agir juste après un traumatisme

7 minutes
Juste après une expérience négative et traumatisante s'ouvre une fenêtre décisive pour le traitement psychologique. Si nous recevons une aide émotionnelle juste après un événement douloureux, l'impact mental sera atténué.
« Les heures dorées » ou l'importance d'agir juste après un traumatisme
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater

Dernière mise à jour : 26 mai, 2023

Avez-vous vécu un traumatisme émotionnel ? Si l’on posait cette question à l’ensemble de la population, une grande partie d’entre elle répondrait avec force « oui ». Et peut-être même plus d’un. Après tout, personne n’est à l’abri de ces rebondissements inattendus du destin dans lesquels notre équilibre s’effondre avec l’arrivée de l’adversité sous toutes ses formes.

Une chose que beaucoup de ceux qui font face à un traumatisme psychologique ont tendance à exprimer est la solitude éprouvée tout au long de ces expériences. Il n’est pas fréquent de recevoir une assistance spécialisée, par exemple, immédiatement après que cet événement douloureux se soit produit. Ca ne l’est pas parce que ces types de circonstances sont très divers, délicats, et nombreux sont ceux qui se taisent, tout simplement.

Réfléchissons, par exemple, au cas des enfants. Des drames comme l’abus ou la maltraitance configurent des dynamiques qu’ils ne partagent généralement pas avec les adultes pour les dénoncer. Lorsque nous subissons la perte d’un être cher ou que nous vivons quelque chose de compliqué dans notre propre peau, nous ne cherchons pas toujours immédiatement une aide spécialisée. Nous laissons passer le temps en supposant que, peut-être, le passage des jours atténuera cette fracture invisible.

Cependant, ce qui se passe, c’est que la plaie se referme avec la douleur à l’intérieur. Mais que se serait-il passé si nous avions été assistés juste après cet événement ? C’est ce que nous allons analyser.

Si nous laissons passer les jours et les mois sans aborder l’impact d’une expérience douloureuse, la probabilité de trouble de stress post-traumatique augmente.

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« Les heures dorées » représentent la fenêtre d’opportunité qui s’ouvre pour soigner une personne juste après avoir subi un traumatisme psychologique.

Que sont « les heures dorées » ?

Lorsqu’une personne subit un accident et reçoit un choc à la tête, elle est admise et reçoit une assistance médicale immédiate. La présence éventuelle d’une lésion cérébrale est évaluée et des mesures sont prises sans perdre de temps : la spéculation est inutile. Évidemment, il n’en va pas de même pour les personnes qui viennent de subir un traumatisme émotionnel. Cependant, cette intervention précoce changerait tout.

Les « heures dorées » mettent en place une fenêtre d’opportunité qui s’ouvre pour un traitement psychologique, juste après que quelqu’un vient de subir une adversité. Une prise en charge clinique précoce éviterait l’apparition à court et à long terme de nombreux troubles psychologiques, de grandes souffrances et plus d’une vie écourtée en raison d’expériences de fortes douleurs émotionnelles.

S’il est vrai que chaque personne affronte ces creux du destin d’une manière différente, un pourcentage très élevé finira par développer un problème de santé mentale. De plus, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V) inclut ce concept et sa pertinence. Et dans un article du National Post-Trauma Center de Sheba, en Israël, l’accent est mis sur cette idée.

Le temps qui s’écoule juste après l’événement traumatique offre une bifurcation décisive pour recevoir les interventions cliniques pertinentes et, ainsi, pouvoir réduire l’apparition de l’état de stress post-traumatique (ESPT).

Les traumatismes psychologiques sont comme les traumatismes physiques : plus vite on reçoit une assistance spécialisée, moins il est probable que des problèmes surviennent à l’avenir.

Quels mécanismes sont mis en œuvre pendant cette période des « heures dorées » ?

Le Dr Joseph Zohar, directeur de la psychiatrie au centre médical Sheba susmentionné, est l’un des principaux spécialistes de la gestion des « heures dorées ». Dans plus d’une conférence, il a détaillé les actions les plus recommandées dans ces cas ainsi que les gestes à éviter lorsqu’on a affaire à quelqu’un qui vient de vivre une expérience traumatisante.

Il faut bien comprendre que tout ne fonctionne pas et, dans ces circonstances, même si les souhaits sont bons, les actions peuvent être complètement contre-productives. Voyons donc quels sont les mécanismes les plus performants dans ces contextes délicats.

1. Brouiller certains faits afin de ne pas constituer de mémoire traumatique

Un événement traumatique ne s’oublie jamais, mais on peut minimiser son impact afin que l’empreinte dans le cerveau ne soit pas marquée par des images, des pensées et des émotions difficiles à gérer. Qu’est ce que cela signifie ? Cela signifie que les professionnels doivent s’assurer que la personne détourne l’attention de la menace et ne se concentre pas sur les aspects désagréables.

Bien que cela puisse nous surprendre, le mécanisme d’adaptation répressif est utile dans ce cas. Cela signifie essentiellement placer mentalement la victime sur un autre plan juste après cette expérience compliquée. Cela lui permet de ne pas se concentrer sur des détails qui peuvent intensifier insupportablement le souvenir de cet événement.

2. Fournir sécurité, protection et confort

L’un des piliers essentiels qui doit être apporté à la victime pendant les « heures dorées » est la protection. Il faut réduire son exposition au stress, l’amener dans un espace dans lequel elle se sente protégée et en sécurité. De même, il y a un aspect essentiel que nous devons considérer après un événement traumatique : non seulement l’esprit est fracturé, mais cette expérience peut aussi s’imprégner dans le corps.

Offrir du confort et rétablir un équilibre physiologique adéquat est déterminant : nourriture, boisson, chaleur, etc. Ces facteurs assurent la sécurité.

3. Attente de normalité et d’information

Après une expérience dramatique, compliquée ou stressante, la personne reste à un niveau d’activation maximum. Son cerveau, quant à lui, est en mode survie, c’est-à-dire que ses seules réponses possibles peuvent être : s’échapper, combattre ou avoir une réponse de congélation. Les professionnels, dans ces cas, doivent se rapprocher avec un niveau émotionnel serein et détendu, afin de ne pas aggraver davantage cette confusion.

La chose la plus appropriée – malgré la gravité de la situation – est de fournir un cadre de proximité et d’empathie, ainsi que de normalité. À partir de cette attitude, on leur partagera toutes les informations sur ce qui va se passer à partir de ce moment et on leur transmettra l’idée qu’ils sont en sécurité, qu’ils recevront de l’aide et, bien sûr, qu’ils ne sont pas seuls.

Après un événement adverse, les trois heures suivantes sont décisives. Au cours de celles-ci, des besoins fondamentaux tels que la protection, le confort et la compréhension doivent être satisfaits.

4. La règle des « 3 P » pendant les « heures dorées »

La fenêtre des « heures dorées » accorde une attention particulière aux trois heures qui suivent l’événement adverse. Dans cet intervalle, les experts en traumatologie psychologique établissent ce qu’on appelle « la règle des 3 P ». Ce sont les suivants :

  • Éviter les psychotropes. Ce n’est pas le moment d’administrer des anxiolytiques ou des calmants. Il n’est pas nécessaire de narcotiser ou d’engourdir l’expression de la douleur ou des larmes.
  • Ne pas pathologiser. La réaction émotionnelle que subit la personne est tout à fait normale compte tenu des circonstances. Les larmes, les questions, la colère et la perplexité sont des expériences compréhensibles dans ces contextes.
  • Ne pas psychologiser. Pendant « les heures dorées », la thérapie psychologique n’est pas utile mais seulement l’accompagnement, la protection et l’orientation de la victime pour concentrer son attention sur des stimuli qui n’intensifient pas davantage l’empreinte émotionnelle.
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Après une expérience traumatisante, la personne doit se sentir protégée et accompagnée.

Réflexion finale

Les premiers secours psychologiques prodigués pendant ces « heures dorées » serviront de médiateur pour le rétablissement ultérieur de la personne et dans la manière dont elle gérera ce qu’elle a vécu. Comme on peut le voir, ces stratégies peuvent nous sembler très basiques. Or, elles ne le sont pas tellement. La procédure doit être menée de manière méticuleuse et professionnelle, en tenant compte de la situation de chaque victime.

Il est nécessaire de fournir ce type de proximité au millimètre près, qui ne crée pas l’architecture d’un futur traumatisme. Ce temps et cette assistance sont décisifs, et c’est quelque chose que tout le monde devrait recevoir dans de tels cas.


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