La perte de mémoire due à la dépression : en quoi consiste-t-elle ?
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
La perte de mémoire due à la dépression est une évidence. Le cerveau déprimé nous déconnecte de la réalité pour nous éloigner tel un bateau à la dérive. Il nous entraîne dans sa tempête neurochimique. Il nous enferme dans une grotte où le monde extérieur devient chancelant et indéfini, où il est difficile de maintenir la concentration, de se souvenir, de réagir, de penser…
Nous visualisons presque instantanément une personne allongée sur le canapé ou dans son lit avec les stores baissés lorsque nous parlons de la dépression. Nous associons ce trouble psychologique à la quiétude, le découragement et la vulnérabilité. Cependant, la dépression est souvent “portative”. En effet, des milliers de personnes affrontent leurs responsabilités quotidiennes avec cette blessure invisible qui interfère dans presque n’importe quel domaine ou activité.
La dépression affecte négativement la mémoire épisodique et le souvenir des événements vécus.
La dépression va en effet au-delà d’un état émotionnel spécifique. Cette condition correspond au désordre interne, à l’épuisement physique, à la réticence, l’apathie. Le désespoir s’installe dans l’esprit tel un cheval de Troie. Plus encore, elle détériore le fonctionnement cognitif. Ce dernier aspect est incontestablement pertinent même si nous n’en parlons pas souvent. Il est pourtant essentiel de le prendre en compte pour constituer une approche thérapeutique plus intégrale, adaptée et sensible.
La perte de mémoire due à la dépression, que m’arrive-t-il ?
Difficulté à comprendre les indications et encore plus à en fournir. Des problèmes pour comprendre ce que nous entendons ou lisons. Avoir le nom de quelqu’un sur le bout de la langue sans s’en souvenir. Rester vide en conduisant sans nous souvenir où nous allions. Percevoir que les autres se fâchent contre nous parce que nous ne nous leur prêtons attention pendant qu’ils parlent. Vivre de plus en plus de malentendus avec ceux qui nous entourent parce nous ne parvenons pas à nous concentrer, à nous rappeler ce qu’ils nous disent, à faire des déductions simples, etc .
Comme nous le voyons, la perte de mémoire due à la dépression dépasse le simple oubli. C’est vivre enveloppé dans un brouillard mental, où tout semble trop loin ou trop diffus pour attirer l’attention et comprendre ce qui se passe, où nous sommes, ce qui nous est demandé. Tout ceci génère du mal-être, de l’incompréhension sociale et, pire encore, aggrave la sensation de dépression.
Pourquoi se passe-t-il cela ? Pourquoi tous ces épuisants processus se produisent-ils ?
Neurones “accélérés”
Le stress est en outre un autre facteur qui favorise le risque de dépression. La sensation de menace, de peur, de pression, de sensation d’alerte, d’angoisse … Toutes ces dimensions favorisent la libération de glucocorticoïdes, le plus commun étant le cortisol.
Un cerveau régi par l’impact du cortisol fonctionne différemment. Les neurones sont “accélérées” et favorisent des processus bien connus comme la rumination, l’inquiétude, les pensées obsédantes… Quelque chose de très graphique se produit face à cette hyperactivité. Ces cellules se “déconnectent” pour réduire cette sur-activation, l’épuisement et même la mort neuronale.
L’information cesse de se transmettre avec une telle agilité. Les choses sont oubliées, la mémoire s’affaiblit et le cerveau ralentit soudainement pour entrer en mode “pause”.
L’hippocampe réduit sa taille
La perte de mémoire due à la dépression trouve également son origine dans une structure cérébrale très spécifique : l’hippocampe. Cette région, entre autres fonctions, est responsable du stockage de la mémoire. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette zone est la plus affectée par l’effet du cortisol. Il est presque telle une cible où termine toute la toxicité des glucocorticoïdes. Dans le cas où la dépression devient chronique ou si nous subissons des épisodes récurrents, sa taille sera de plus en plus réduite.
Il convient cependant de noter que l’hippocampe est l’une de ces structures caractérisées par une grande plasticité. Il peut revenir à sa taille originale grâce à la thérapie, à des exercices de mémoire et des stratégies cognitives appropriées. Notre attention, nos souvenir, etc, s’en trouveront améliorés.
Les circuits dopaminergiques
L’anhédonie caractérise les personnes souffrant de dépression. Ce trouble psychologique nous fait perdre la capacité de profiter des choses les plus simples, d’éprouver de l’intérêt, du plaisir, de la motivation, de l’énergie pour commencer quelque chose de nouveau, pour sortir de chez nous, pour entreprendre, se connecter …
Les circuits dopaminergiques sont chargés de nous “récompenser” pour ce genre de chose. Pour ces activités que le cerveau considère comme positives. En revanche, un cerveau déprimé est un organe où la dopamine ne fonctionne plus efficacement. De sorte que tout change, tout s’altère. Nous perdons la motivation. Plus encore, un déficit de ce neurotransmetteur implique également l’apparition d’altérations du système sérotoninergique, glutamatergique, opioïde et endocannabinoïde…
Si tous ces systèmes et processus neurochimiques ne fonctionnent pas correctement, nous perdons la curiosité, la capacité de faire attention, l’agilité pour apprendre, stocker de nouvelles données et les récupérer, pour prendre des décisions efficaces…
Que pouvons nous faire ?
La perte de mémoire due à la dépression est un fait. Cependant, chaque personne l’expérimentera d’une manière particulière. Nous savons par exemple que le déficit cognitif est récupérable par des thérapies cognitives, des exercices, des groupes d’entraide, etc, dans les cas de dépression légère à modérée.
Dans les cas les plus graves, une stratégie multidisciplinaire est cependant nécessaire. L’approche pharmacologique est ainsi associée à des thérapies psychologiques, des thérapies axées sur le travail de la mémoire et même avec des compléments alimentaires à base de magnésium et de vitamines du groupe B. Nous ne devons par ailleurs pas négliger l’importance de disposer du soutien de notre environnement. La compréhension, la proximité et la sensibilité à l’égard de la personne atteinte de dépression est essentielle.
Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.