La famille Addams, la beauté du macabre
Rédigé et vérifié par critique de cinéma Leah Padalino
La famille Addams est sans aucun doute, l’une des plus connues du petit et du grand écran. Rien qu’en entendant son nom, on a envie de claquer des doigts au rythme de sa musique inoubliable. Cela fait des années que la famille la plus spéciale du monde anime nos soirées d’Halloween, en se moquant de la mort et en nous surprenant par leur goût pour le macabre.
Quand nous pensons au cinéma d’horreur, nous cherchons des films qui nous surprennent, qui nous font expérimenter la sensation de peur dans notre siège. Nous voulons sentir l’horreur mais tout en sachant que ce n’est rien d’autre qu’une fiction. Nous y trouvons un certain plaisir.
Certains pensent que le cinéma d’horreur est comique en raison du caractère invraisemblable de certains films et du grand nombre de clichés qui y sont présents. D’autres ne verraient jamais un film de ce genre seuls.
Faire ressentir de la peur à un spectateur est plus compliqué qu’il n’y paraît. En effet, différentes émotions entrent en jeu, ainsi que la subjectivité. Nous pourrions appliquer la même hypothèse à la comédie. Faire rire est une tâche réellement compliquée, et plus encore si nous souhaitons que le rire soit unanime.
Et si nous prenions tous ces clichés de l’horreur et que nous les appliquions au registre comique ? C’est précisément ce que fait La famille Addams et c’est là que réside le secret du succès.
Un rappel de l’Histoire
Tout au long de l’Histoire, il existe un nombre infini d’œuvres artistiques en lien avec la mort. En outre, la quantité d’oeuvres cultes que nous trouvons depuis la naissance de l’humanité nous rappellent le caractère éphémère de la vie. L’être humain est toujours très attiré par la mort, par l’inconnu.
Ainsi, cette inquiétude a été représentée par différentes œuvres artistiques. Même les cimetières peuvent devenir des espaces artistiques en plein air ; de bons exemples seraient le cimetière monumental de Milan ou le cimetière de la Recoleta à Buenos Aires. N’oublions pas non plus toutes les œuvres antérieures telles que les pyramides de Gizeh ou le culte de la mort dans la préhistoire représenté par les dolmens.
En définitive, nombreuses sont les traces du passé qui vouent un culte à la mort. Qu’importe la culture ou l’endroit du monde, nous trouverons toujours une représentation qui nous rappelle cet adage latin si célèbre, Memento Mori. En effet, nous savons que nous sommes tous mortels bien que notre manière d’interpréter cela diffère d’un lieu à l’autre. Ce culte, quant à lui, a été enveloppé de mystère et avec le temps, s’est transformé en terreur.
Tout ce qui est inconnu ou ce qui suppose, d’une certaine manière, une menace pour notre vie, se transformera en terreur. Le genre s’est ainsi alimenté des peurs, de l’occulte et surtout, de la mort pour réaliser des œuvres -qu’elles soient littéraires ou cinématographiques- qui se connectent à notre désir de rester vivants. Mais, peut-on envisager une autre lecture ?
Bien sûr, l’horreur en soi a évolué et s’est adaptée aux différentes époques qu’elle a traversées. Néanmoins, ce genre possède certains éléments esthétiques facilement identifiables et susceptibles de flirter avec la comédie. S’il y a quelque chose de plus osé que l’horreur elle-même, c’est précisément fait d’en rire. Ainsi, les monstres qui faisaient peur peuvent devenir des amis voire des objets ridicules.
Au XIXe siècle, la fiction gothique a pris une importance fondamentale. Par conséquent, elle a généré plusieurs sous-genres. Nous avons un bon exemple qui illustre ce qu’on appellera plus tard une “comédie horrifique” : Sleepy Hollow de Washignton Irving publié en 1820. À partir de ce moment-là suivront un grand nombre de titres.
Plus récemment, au cinéma et à la télévision, nous pouvons citer quelques films connus comme Gremlins (Joe Dante, 1984), La Petite Boutique des horreurs (Franck Oz, 1986), Hocus Pocus (Kenny Ortega, 1993), Mars Attacks (Tim Burton, 1996) ou Beetlejuice (Tim Burton, 1988).
Le cinéma nous invite parfois à nous moquer de nos peurs, à rire des conventions absurdes qui, parfois, entourent nos vies.
Cependant, il n’y a aucun doute sur le fait que la famille qui nous intéresse aujourd’hui est l’une des meilleures pour rire de la mort. Elle a survécu au passage du temps et a réussi à combiner le rire et l’horreur dans une parfaite harmonie. La famille Addams fait partie de l’imagination de plusieurs générations en matière de comédie horrifique.
La famille Addams, un rire macabre
Le caricaturiste américain Charles Addams a surpris en 1933 avec une série de caricatures dans le journal The New Yorker. Ces personnages macabres parodiaient la vie dans un humour noir. Dans les années 1960, ces caricatures finissent par inspirer une célèbre série télévisée : La famille Addams. Mais ce n’était pas la seule famille qui régnait sur la télévision à l’époque, sur une autre chaîne. Cette série parlant d’une famille relativement similaire s’appelait Les Monstres.
L’humour noir et l’adoption des clichés de l’horreur pour ensuite les parodier servaient de base à une authentique satire des valeurs contemporaines. Ainsi, ce qui était normal devenait bizarre. Et tout ce qui était hors des conventions était vénéré. Cette technique dessine une sorte de monde à l’envers qui amuse le téléspectateur par cet aspect bizarre. Néanmoins, en même temps, cela l’invite à s’interroger sur ses propres valeurs.
Nous naissons tous dans une société qui exerce une influence sur nos décisions. Elle nous rend capables de distinguer le bien du mal. Ce type de genres nous invite cependant à adopter une nouvelle perspective, un point de vue humoristique qui rompt avec les schémas traditionnels. Le succès de La famille Addams est tel qu’une série télévisée n’a pas suffi. Elle a été adaptée au cinéma et une comédie musicale est même née.
Ses personnages sont des calques du cinéma d’horreur, mais rapportés à la vie quotidienne. Ce ne sont pas des apparitions fantomatiques qui doivent terroriser le voisinage mais des “voisins” quelque peu particuliers. Cela nous renvoie à l’idée de freak qui caractérise tout individu qui, pour une raison ou pour une autre, ne correspond pas à la norme à un moment donné.
Les Addams échappent à toute convention mais possèdent leur propre morale, leurs propres règles. De plus, ils regardent notre monde en tentant d’en comprendre le sens.
En plus du caractère risible, il est intéressant de voir comment on parvient à rompre avec les valeurs conventionnelles, avec les règles et les remettre en question avec ironie. Cela n’est pas propre à la comédie horrifique. Nous pouvons également l’appliquer à la vie quotidienne. Et si le normal était complètement l’inverse ? Nous critiquerions sans doute tout comportement qui sortirait de ce cadre.
Par exemple, comme si on nous avait enseigné -comme à Morticia- que les roses sont plus belles sans leur fleur, seulement avec leurs épines. Nous les couperions et nous admirerions la beauté des épines en trouvant étrange que quelqu’un admire la fleur et ses pétales. En fin de compte, tout dépend du point de vue et de ce que nous avons appris en société.
Ce jeu avec le contraste, en définitive, fait rire mais ne met pas de côté la matière pour réfléchir. On inverse les valeurs, on considère que le macabre est beau et on finit par tout remettre en question. En outre, nous ne devons pas oublier que, pour de nombreuses personnes, l’esthétique de l’horreur peut s’avérer exceptionnellement belle. Et que la beauté, comme les goûts, est quelque chose de tout à fait subjectif.
Conclusion
Notre vie est éphémère, notre passage sur Terre est étroitement lié à la mort. Pourquoi avoir peur ? Pourquoi ne pas s’en moquer ? La famille Addams l’a fait avec succès pendant des décennies. Elle nous apporté une sorte de souffle, de soulagement qui rend notre passage par la vie (ou par la mort) plus agréable.
Notre vie est souvent tragique. Elle est amère et elle n’est pas comme nous l’avions rêvée. C’est pourquoi le rire est une thérapie, une catharsis qui nous soulage dans les moments les plus noirs.
Les Addams ont ainsi réussi à nous captiver avec leur point de vue particulier au sujet de l’esthétique, du correct, du moral, du comique. Et ils nous ont tellement captivé que, même des décennies plus tard, ils continuent à remplir les cinémas de nos villes.
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