Esclaves de jour, tyrans de nuit
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Nous sommes souvent des esclaves de jour et des tyrans de nuit. Nous réclamons une certaine compréhension par rapport à nos conditions mais faisons aussi avancer le système pour que ces dernières se reproduisent. Nous avons vu éclater la nourriture low cost, les vols low cost et, désormais, les livreurs low cost commencent à se multiplier dans les villes. Ceux-ci représentent peut-être la plus grande dégradation de ce mot d’ordre qui dit que celui qui a envie de travailler finit toujours par travailler.
Nous sommes ceux qui achetons ces vêtements de marque fabriqués dans des pays qui connaissent des conditions de travail encore plus précaires que les nôtres. Dans cette société, au final, nous ne faisons que faire tourner cette roulette qui nous pousse à gaspiller, avec toute cette anesthésie créée par la consommation, notre ressource la plus précieuse : le temps. Une anesthésie qui est en même temps nécessaire car, sinon, nous nous empoisonnerions avec notre propre dissonance, avec cette différence entre ce que nous voulons être et ce que nous faisons réellement.
Nous sommes des esclaves de jour et des tyrans de nuit. Nous nous plaignons de nos conditions mais encensons ceux qui les imposent.
La survie, une illusion
Du temps pour entretenir une famille que nous ne voyons pas, pour nous payer un voyage dont nous ne profitons pas, pour nous acheter un appareil photo avec lequel nous ne photographierons rien. Du temps qui nous glisse entre les doigts comme des gouttes d’eau gelée. Des gouttes qui, petit à petit, érodent nos os et façonnent des rides sur notre visage.
Nous sommes des esclaves parce que nous travaillons dans des conditions plus que précaires pour gagner de l’argent qui nous permet de survivre. Nos rêves ne se matérialisent que très rarement. Nous sommes des tyrans parce que nous faisons fonctionner ce même système. Nous appelons ce restaurant pour qu’il nous livre notre repas à domicile, tout en sachant que ses employés travaillent dans des conditions misérables. Pourquoi le faisons-nous ? Parce que la nourriture est moins chère, parce que c’est plus rapide. Parce que nous avons la sensation de bénéficier de plus de temps libre. Voici l’illusion qui nous transforme en esclaves et en tyrans.
Nous acceptons un travail alors qu’il ne paye presque rien. Nous sommes conscients que si nous ne l’acceptons pas, quelqu’un d’autre le fera, et même pour un peu moins d’argent. Car il y aura toujours d’autres personnes qui en auront besoin. Cette indolence permet notre survie et, en même temps, met fin à nos battements de cœur. Ceux-ci se perdent dans les heures que nous passons derrière une caisse, devant un écran ou dans un camion, à regarder toutes ces voitures qui nous dépassent…
Une révolution personnelle face à un trou noir créé par l’inertie actuelle
Une révolution est nécessaire. Peu importe si elle est petite ou grande… Mais elle doit commencer avec nous. Nous devons cesser d’être des esclaves de jour et des tyrans de nuit. Nous devons dénoncer les conditions de travail précaires, renoncer à la tentation d’acheter des produits moins chers. Car oui, le dernier de la chaîne paye toujours le prix de cette différence, ne l’oublions pas.
Mettons de côté cette illusion qui nous dit que huit heures de travail sont égales à trois ou quatre heures où tout passe à toute vitesse. De la nourriture rapide, du sport rapide, du sommeil rapide… Pourquoi rechercher la rapidité dans un monde qui va déjà beaucoup trop vite ? Pourquoi faire moins de sport dans un monde qui grossit à vue d’œil ? À quoi sert toute cette technologie si, au final, nous ne faisons que travailler encore plus? Pourquoi faire toutes ces offres si, avec ce caddie plein, nous ne ressentons même pas cette sensation de soulagement que nous procure un rayon de soleil après une journée de pluie ?
Toute cette rapidité n’est qu’une illusion créée par le système. Il cherche à nous faire croire que nous avons suffisamment de temps libre et de ressources. Mais est-ce vraiment le cas? Pour ceux qui pensent avoir un salaire décent, demandez-vous une chose: si vous mettez de côté ces low ou fast, votre salaire est-il toujours aussi digne ?
Nous travaillons beaucoup d’heures mais gagnons-nous vraiment l’équivalent en temps réel ou en temps fast ? La rapidité, sans le moindre poids transcendant, s’en va quand un petit courant l’emporte. À ce moment précis, nous faisons face au vertige et nous nous retrouvons face à nous-mêmes, tout nus, sans le moindre vêtement empêchant le contact avec l’air. Nous nous regardons dans le miroir et nous nous sentons comme des étrangers. Nous sommes là et, en même temps, nous sommes absents. Loin de notre corps, des personnes que nous aimons, qui sont dans le salon et regardent un écran, parlant d’une reine ou de personnes qui veulent se séparer d’autres…
Nous avons beaucoup de raisons de commencer une petite révolution. Une révolution qui nous permettrait d’être autre chose que des esclaves de jour et des tyrans de nuit.
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