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Deuil congelé ou retardé, une douleur qui devient chronique

5 minutes
Accepter une perte n'est jamais facile. Tant et si bien qu'il y en a qui ne peuvent supporter la souffrance et la mettent de côté, refusant d'accepter l'absence. Un deuil retardé peut durer des décennies et former cette réalité où la douleur devient silencieuse et chronique.
Deuil congelé ou retardé, une douleur qui devient chronique
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater

Écrit par Valeria Sabater
Dernière mise à jour : 15 novembre, 2021

Le deuil congelé fait référence à une perte qui n’est pas surmontée. C’est la douleur qui devient chronique, qui rampe en permanence et se manifeste de multiples façons : anxiété, stress, épuisement, apathie, irritation constante… Ainsi, aussi frappant que cela puisse nous paraître, nous sommes confrontés à une réalité clinique qui survient assez fréquemment.

Il y a ceux qui ne savent pas très bien quoi faire avec cet ensemble de sensations adverses. Avec cette souffrance qui les paralyse et les place dans un vide très difficile à gérer. D’autres s’accrochent à leur vie quotidienne, à leur travail et à leurs obligations, essayant de se convaincre qu’ils peuvent continuer. Ils se disent que rien ne se passe, que la douleur peut être cachée comme quelqu’un qui garde un objet personnel dans un coffre-fort.

Dans les deux cas, la même anatomie de la souffrance est générée : celle du deuil pathologique, où il n’y a ni fermeture ni acceptation de la perte. Ainsi, s’il y a une chose que nous devons comprendre, c’est que la douleur n’a pas de date d’expiration. Elle peut durer des décennies et être intégrée dans tout ce que nous pensons et faisons. Le deuil congelé se masque dans de multiples maladies et obscurcit complètement notre chance d’être heureux à nouveau.

“L’esprit oublie toutes les souffrances quand le chagrin a des compagnons et que l’amitié le console.”

-William Shakespeare-

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Deuil congelé ou retardé, de quoi s’agit-il ?

La douleur peut être congelée, rester en suspension ou même rester emprisonnée comme une graine dans une goutte d’ambre. Nous le faisons quand nous refusons d’affronter une réalité douloureuse, quand nous nous disons qu’il vaut mieux la mettre de côté et reprendre notre vie en évitant de penser à la personne que nous venons de perdre.

S’il y a une chose que les spécialistes du deuil savent bien, c’est que ce processus psychologique se vit en chacun de nous d’une manière très différente. Cependant, l’opinion générale que l’on se fait généralement du sujet est qu’une perte est synonyme de tristesse et que, en moyenne, il faut entre un an et un an et demi pour aller de l’avant et faire son deuil.

Ces idées ne sont pas tout à fait correctes. Tout d’abord, lorsque vous perdez quelqu’un, vous ressentez quelque chose de plus que de la tristesse. Il y a de la colère, de la stupéfaction et même de l’angoisse. De même, l’expérience du deuil est directement liée à la personnalité de chacun d’entre nous. Également aux ressources, ainsi qu’au soutien social et personnel dont nous disposons.

Ainsi, comme l’explique la Docteure Katherine Shear, de l’Université Columbia, à New York, dans son étude, il est très difficile de prévoir comment chaque personne fera face à la perte d’un être cher. De plus, on estime qu’environ 5 % de la population connaîtra à un moment donné un deuil congelé ou retardé. Les caractéristiques de ce processus seraient les suivantes.

Les symptômes de deuil retardé ou congelé

Le deuil congelé ou retardé apparaît comme un mécanisme de défense. La personne refuse d’accepter la réalité de ce qui s’est passé, ne peut l’affronter, se sent incapable de faire face à une telle souffrance. Ainsi, le cerveau choisit de nier ou simplement “congeler” la souffrance, la laissant pour un autre moment.

Maintenant, tout ce surmenage psychologique et ce confinement émotionnel ont des conséquences :

  • Il est courant de souffrir de troubles anxieux et de stress.
  • La personne souffre d’hypersensibilité. Tout événement imprévu ou fortuit est vécu de façon surdimensionnée.
  • Il peut entraîner des troubles de l’alimentation ou des comportements de dépendance.
  • Il y a aussi un refus clair de parler ou de nommer la perte de cette personne importante.
  • Des symptômes psychosomatiques apparaissent. Il peut s’agir de problèmes digestifs, d’allergies, de maux de tête, de douleurs musculaires, de problèmes de peau ou de la perte de cheveux.
  • Un manque de vision ou de planification pour l’avenir survient. On cesse d’avoir des plans et des objectifs vitaux.
  • Des problèmes relationnels surgissent également. Il y a un manque de joie, de patience, de désir de partager, de profiter de moments de loisir… Parfois, les personnes touchées cessent même de se connecter aux autres de façon authentique. L’empathie échoue car la souffrance intérieure non acceptée opacifie presque tout.

Comment traiter un deuil congelé ou retardé ?

La personne qui vit avec un deuil congelé doit savoir qu’à un moment donné, tout ce fardeau émotionnel finira par émerger. Parfois, un déclencheur soudain suffit pour mélanger un nombre infini de sensations capables de déborder. Ainsi, la mort d’un animal de compagnie, le fait de voir quelqu’un de malade ou même de souffrir d’une petite mésaventure, déclenche une avalanche de sentiments difficile à gérer.

Dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), l’état clinique du deuil congelé n’apparaît pas comme tel. Cependant, il comprend des critères diagnostiques pour le “trouble de deuil complexe persistant”. Cependant, sachant que ce type de deuil pathologique existe, de nouvelles thérapies se sont développées ces dernières années et se révèlent très efficaces.

Un exemple est présenté dans une étude réalisée en 2012 par la Docteure Julie Wetherell de l’Université de San Diego, en Californie. C’est une approche qui combine la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie interpersonnelle et les techniques d’exposition prolongée. Le but fondamental est de faciliter l’acceptation de la perte. Mais aussi de travailler les émotions et un aspect qui se pose souvent dans de nombreux cas : le sentiment de culpabilité.

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En conclusion, faire face à une perte est quelque chose à laquelle personne n’est préparé. Le deuil n’est pas un processus universel ou normatif. Il est dynamique, brutal, complexe et même pathologique dans de nombreux cas. Le fait de pouvoir demander de l’aide (et de nous laisser aider) nous permettra de traverser cette réalité d’une manière plus adaptée et plus saine.

 


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  • Shear, M. K., & Mulhare, E. (2009). Complicated Grief. Psychiatric Annals38(10), 662–670. https://doi.org/10.3928/00485713-20081001-10

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