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Quand décevoir sa famille signifie être soi-même

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Quand décevoir sa famille signifie être soi-même
Dernière mise à jour : 11 août, 2017

Parfois, décevoir sa famille est presque une obligation pour être libre, pour se réaffirmer en tant que personne, comme individu méritant de son propre bonheur et gestionnaire de sa propre indépendance. Briser ou questionner certaines injonctions familiales est un acte sain qui nous renouvelle de l’intérieur et de l’extérieur, et qui ensuite nous remet les outils de la croisade complexe et nécessaire qui consiste à nous accepter tels que nous sommes ou à nous laisser aller.

Ce n’est pas facile. Tout au long de la première étape du cycle de la vie, il y a toujours un moment où l’enfant se réveille et prend pleinement conscience de ces subtiles incongruences qui habitent de nombreuses dynamiques familiales. Il perçoit avec stupéfaction, par exemple, que ses parents n’appliquent pas du tout ce qu’ils lui conseillent pourtant avec sévérité. Il ressent avec inconfort également cette distance amère entre les attentes qui l’écrasent et celles qu’il construit librement, qu’il ressent et qu’il estime.

“Il ne peut pas y avoir de profonde désillusion là il n’y a pas d’amour profond.”

-Martin Luther King-

Les ordres familiaux sont comme de petits atomes qui se cognent entre eux. Ils créent une matière invisible de laquelle personne n’est conscient, mais qui asphyxie. Ils viennent de la force intergénérationnelle, de notre système de croyances, d’exigences et de codes inconscients. Ils s’expriment non seulement dans le type de messages émis dans la communication, mais aussi dans le ton et le langage non verbal.

Ainsi, et presque sans que nous nous en rendions compte, nous sommes modelé-e-s par une série d’attributs et de croyances que nous intériorisons en silence et en traversant de lourdes peines. Jusqu’à ce que tout d’un coup, nous percevions que nous ne nous emboîtons pas dans ce casse-tête. Nous nous rendons compte que notre famille “fonctionnelle” ne l’est peut-être pas tant que ça, car il y habite trop de silences, trop de regards baissés qui évitent de se croiser. C’est alors que l’on décide de prendre une décision, un chemin propre qui parfois aura un coût élevé : décevoir les nôtres.

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La complexité de certains liens familiaux

Quand Lucas est arrivé au monde, sa mère avait 41 ans et son père, 46 ans. Pour ses parents, avoir un fils unique n’était pas un choix mais le résultat d’un processus très difficile. Avant lui, sa mère avait souffert de quatre fausses couches et après lui, elle dut encore en affronter une. Sans le vouloir, bien sûr, il a toujours été ce survivant solitaire sur lequel sa famille a projeté tout un manuel d’attentes, tout un condensé d’espoirs et de rêves.

Cependant, Lucas n’a jamais été un bon élève. Il n’était pas non plus docile ni calme, et encore moins obéissant. Le pire de tout c’est que pendant cette période d’échecs scolaires, il a dû cohabiter avec le spectre de ses frères et sœurs invisibles, celleux qui ne sont jamais né-e-s et que ses parents avaient toujours à l’esprit. “Je suis sûr-e que l’un-e d’entre elleux aurait été ingénieur-e comme moi”, “Je suis sûr-e que l’un-e d’entre elleux aurait être plus équilibré-e, plus responsable“…

En plus de cette idéalisation constante et imaginaire de ses parents, Lucas a également dû affronter les messages peu appropriés de ses oncles, tantes et grands-parents : “Fais attention à ta mère, arrête la musique et concentre-toi sur une carrière. Tes parents ont beaucoup souffert pour t’avoir et cela ne coûterait rien de les rendre heureux pour une fois…”

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À présent, Lucas a l’âge où il peut enfin devenir responsable de ses décisions. Il prend la direction d’un pays étranger pour entrer au conservatoire. Il est conscient qu’il va décevoir les siens. Il sait qu’il va provoquer de la douleur, mais il est incapable de se conformer à ce paradigme familial habité par des fantasmes et des attentes impossibles. Lucas a besoin de se réaliser, d’aspirer à une vie cohérente dans laquelle il peut dire : “Je fais, je dis et je ressens”.

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Quand décevoir implique d’ouvrir les yeux des autres

L’année dernière, une intéressante étude a été menée à l’Université de l’Utah, dans laquelle il a été expliqué que des stratégies existaient pour aider ces personnes qui se considéraient elles-mêmes comme les “moutons noirs” de leur famille. Tout le monde comprend que ce type de situation, au-delà de la symbolique du terme, est extrêmement complexe. À tel point que beaucoup de nos problèmes émotionnels trouvent leur origine dans ce choc difficile de valeurs, de besoins et de croyances que nous avons avec notre propre famille.

“Le sang forme les parents, mais c’est l’amour qui forme la famille.”

Savoir réagir, savoir gérer efficacement ce type de réalité est essentiel pour notre bien-être. Ainsi les trois conclusions qui ont été tirées dans cette étude peuvent vous servir d’aide si vous traversez une telle situation.

  • Nous devons nous voir comme des “moutons noirs résilients”, des personnes capables de réagir face à l’adversité pour avancer, mais sans oublier tout ce qui a été vécu, tout ce qui a été appris.
  • Trouver de l’aide, du soutien et une direction hors du cercle familial est essentiel pour comprendre d’autres perspectives, pour réunir ses forces, sa confiance en soi et son courage pour prendre des décisions.
  • Il est également nécessaire d’être assertif-ve avec sa propre famille, car exprimer à voix haute ses propres besoins, ses pensées et ses désirs ne doit pas être une menace si on le fait avec respect, maturité et conviction. Si la déception intervient, ce n’est qu’un moyen efficace et nécessaire de les mettre devant le fait accompli.
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Pour finir, il est important de ne pas se percevoir comme “marginal-e”. Même si beaucoup de “moutons noirs” se fichent -en apparence- d’être cet élément “provocateur” du noyau familial, parfois ils finissent par devenir les esclaves d’une étiquette qu’on leur a posée et dans laquelle ils ont trouvé un certain réconfort. Quelqu’un peut par exemple s’opposer systématiquement à une norme ou un désir familial non écrit, même s’il préférerait une autre option.

Relativisons donc cette valeur biaisée que l’on nous a attribuée pendant longtemps, et comprenons aussi que décevoir n’est pas toujours négatif. C’est un acte grâce auquel nous nous réaffirmons entre tant que personne indépendante ayant une opinion personnelle.

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Images de Łukasz Gładki

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