De l'autre côté, une histoire de l'au-delà
Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas
Une histoire de l’au-delà, voici le titre que j’ai donné à mon premier article sur la compassion humaine. Cette émotion semble être de moins en moins présente. Quand je suis témoin d’un acte de bonté, j’ai l’impression d’assister à une histoire qui va au-delà de la réalité.
Il est l’heure de rentrer chez moi. La rédaction est vide. Mon téléphone sonne encore une fois. Je décroche mais je n’entends qu’une voix étrange. Il n’y a plus de réseau et l’appel est stoppé. Je me demande qui peut m’appeler de façon si insistante. Il est l’heure de rentrer chez moi.
L’orage
La pluie tombe de plus en plus fort. Je passe de 110 à 80km/h. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Il n’y a personne sur l’autoroute. Il est 23h30 et les gens sont déjà chez eux, à se préparer pour le lendemain. La pluie n’a pas cessé de tomber depuis 6h30 et, selon les prévisions météorologiques, elle va continuer pendant deux ou trois jours. Mon téléphone sonne à nouveau. Mais je ne réponds jamais quand je conduis.
Un éclair à l’horizon me fait comprendre que la pluie n’était qu’un avant-goût de ce qui arrive. L’orage se rapproche; il vaudrait mieux que j’arrive rapidement chez moi. Je ne veux pas subir sa colère.
Je me gare dans la rue, je descends de la voiture et j’entre chez moi. Un nouvel éclair illumine le ciel et un grondement annonce le plus grand déluge qu’il m’ait jamais été donné de voir. J’accroche ma veste au porte-manteau, je me change et me mets à l’aise. Le téléphone sonne. “Allô ?”, dis-je. “Je pensais que je ne réussirais pas à t’entendre”, me répond une voix masculine. “Qui êtes-vous ?”, demandé-je. “Alberto, ton grand-père”. Je ne dis rien pendant quelques secondes. “Je vais vous reposer ma question : qui êtes-vous ?”. “Ton grand-père, je viens de te le dire”. “Mon grand-père est mort”, je poursuis, en colère. “Cela fait trente-neuf ans, je n’ai pas eu le temps de te connaître…”.
À minuit
Un coup de tonnerre me tire de ce moment gênant et je découvre que la conversation a été coupée. J’ai peut-être raccroché ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais aimé les blagues téléphoniques. Cependant, mon grand-père est décédé il y a trente-neuf ans et je ne l’ai jamais connu, même si quelqu’un pourrait être au courant de ce fait. Je regarde ma montre: il est minuit. Il se fait tard. Je m’assois dans le canapé pour lire un article. Après cela, j’irai me coucher. Je commence ma lecture et un nouvel appel m’interrompt.
Je décroche. “C’est normal de douter, nous n’avons pas l’habitude de parler à nos proches décédés. Mais ne t’en fais pas, ce n’est qu’une expérience, une histoire de l’au-delà comme tu les aimes. Avec le temps, tu l’apprécieras à sa juste mesure”, affirme cette voix qui dit venir de l’autre côté. Je ne sais pas quoi répondre. S’il s’agit d’une blague, je n’ai aucune envie de poursuivre la conversation. Si ce n’en est pas une, alors… Je me sens ridicule de penser que cela peut être vrai. “En quelle année es-tu né ?”, demandé-je sans réfléchir. “En 1920”, répond la voix. “Le 8 mai 1920”.
“Celui qui nie l’inexplicable ne pourra rien découvrir. La réalité est un puits d’énigmes”.
-Carmen Martín Gaite-
Le doute
La pluie s’abat contre les vitres des fenêtres. L’orage est de plus en plus fort et la lumière commence à se couper de temps en temps. La date de naissance est correcte. Mais cela ne prouve rien. “Laisse-moi te dire que je suis heureux de voir une photo de moi sur ton étagère et mon pendentif autour de ton cou”, ajoute la voix.
Je me lève et cours vers l’étagère. J’habitais dans cette maison depuis deux mois et personne ne m’avait jamais rendu visite. Comment l’homme du téléphone pouvait-il savoir que j’avais une photo de mon grand-père dans le salon ? Et comment pouvait-il savoir que je portais le pendentif qu’il avait porté toute sa vie ? “Calme-toi, n’aies pas peur. Assieds-toi”, essaye de me dire la voix. “Ecoutez, si c’est une blague, si quelqu’un a mis une caméra dans ma maison, je vais appeler la police”, dis-je en colère. Je m’assois et tente de retrouver mon calme. On dirait que je vais vivre ma propre histoire d’au-delà et que ce jour de tempête ne va pas disparaître de ma mémoire.
Schémas brisés
“Je sais que ce qui t’arrive n’est pas très fréquent. Que l’on t’a appris que parler aux morts est complètement fou. Tu dois penser qu’on te fait une blague ou que tu es en train de perdre la tête. Mais dis-toi que tout n’est pas aussi simple dans la vie. On nous a toujours appris à n’avoir qu’un seul de point de vue et cela nous limite au moment d’accepter de nouvelles réalités”, raconte la voix. “Ne crois pas en tout ce que tu vois ou en tout ce qu’on te dit. Doute de tout. Base-toi sur ta propre expérience”.
“La mort n’existe pas, les personnes ne meurent que lorsque nous les oublions; si tu peux te souvenir de moi je serai toujours avec toi.”
-Isabel Allende-
Mon incrédulité est à son apogée. Les histoires d’au-delà, les manifestations surnaturelles, tout ça m’a toujours attiré. Mais maintenant que cela m’arrive, je ne peux rien faire d’autre que douter. Je refuse de le croire. Pour je ne sais quelle raison, j’ai toujours ressenti un très grand amour pour ce grand-père que je n’ai jamais connu. Il a toujours fait partie de moi. Peut-être parce que je n’ai jamais pu passer de temps avec lui. Dans tous les cas, j’ai toujours ressenti une immense tendresse envers lui.
“D’accord, admettons que ce soit vrai, que tu es bien mon grand-père. Comment as-tu pu m’appeler au téléphone?”, lui dis-je. “Grâce à l’orage, une brèche s’est ouverte. Ce n’est pas toujours facile de communiquer avec ce monde mais c’est parfois possible. Nos univers sont à la fois très proches et très éloignés. Nous occupons le même endroit mais, étant donné qu’il s’agit d’une autre dimension, nous ne pouvons pas nous voir”, répond-il.
Une nouvelle fleur
“Je comprends. Et quand l’orage sera terminé, nous ne pourrons plus parler ?”, demandé-je. “Je ne sais pas, ce sera probablement plus difficile. De toute façon, je ne resterai pas longtemps ici. Je dois abandonner ce monde et retourner dans le tien. Ton histoire d’au-delà ne va plus durer très longtemps”. “Que veux-tu dire ? Nous allons nous voir ?”. “Peut-être, oui, mais nous n’allons pas nous reconnaître”, répond mon grand-père. “Explique-moi”, lui dis-je, intrigué.
“J’ai passé plus de temps que je n’aurais dû dans cette dimension. Lorsque nous abandonnons notre corps, nous revoyons tout ce que nous avons appris, que ce soit les bonnes choses ou les mauvaises choses. Et si nous pouvons résoudre quelques histoires en attente, nous le faisons. Tu avais besoin de cette preuve pour continuer à évoluer. Tu t’es toujours demandé s’il y avait une vie de l’autre côté, mais je n’ai jamais réussi à entrer en contact avec toi avant aujourd’hui”.
“Pourquoi ? Pourquoi n’as-tu pas réussi ?”. “Tu n’étais pas prêt. Même si tu veux croire aux signes de l’au-delà, tu ne m’aurais pas cru. Maintenant que j’ai réussi, je dois partir”. “Attends ! Je peux savoir où tu renaîtras ?”. “Aucune idée. Je peux renaître dans le corps d’une femme ou d’un homme. Je ne me souviendrai de rien à propos de cette vie. Ou j’aurai peut-être quelques souvenirs isolés que j’interpréterai comme des bizarreries de mon esprit. Mais rien de plus”, répond-il.
“Grand-père…”. “Dis-moi”. “Merci, tu as toujours été présent dans mon cœur et tu le seras toujours”. “Je le sais. Je dois m’en aller, je t’aime”. “Moi aussi…”. La conversation se coupe. Je m’allonge sur le canapé. J’observe le plafond, incrédule. Mon esprit oscille entre croyance et auto-tromperie.
Le petit garçon
Il a déjà quatre ans et ne fait que jouer et dormir. Il s’appelle Alberto, comme son arrière grand-père. L’année où j’ai parlé avec mon grand-père, j’ai connu ma femme. Nous avons rapidement eu un enfant. Ce jour d’orage a fait basculer ma vie. Les étapes se sont enchaînées plus rapidement que prévues, mais nous sommes heureux. Albert adore jouer et ouvrir tous les placards. Parfois, son énergie me désespère. Quand c’est le cas, j’abandonne et je m’affale sur le canapé.
Aujourd’hui, je viens d’entrer dans la chambre et tombe sur des cartons vides. Tout est étalé sur le sol, en désordre. Alberto est assis sur le tapis et joue avec des bijoux. Je me précipite et le soulève. “Regarde ce que tu as fait, tu vas devoir tout ranger maintenant!”. Puis je me rends compte qu’il a mis le pendentif de mon grand-père. Je l’avais rangé la nuit où j’avais parlé avec lui. Souvent, je me dis qu’il a constitué un lien dans mon histoire avec l’au-delà.
Le pendentif
Je tends le bras pour le lui enlever mais Alberto résiste. “Mon cœur, nous devons le ranger, il était à ton arrière grand-père et il peut se casser”. Il me fixe avec les sourcils froncés et me dit “non, il n’est pas à toi, il est à moi”. Je n’ai pas envie de me battre avec lui. Sa mère est extrêmement têtue et moi aussi. Il a de qui tenir. Je me limite donc à lui dire “un jour, je te le donnerai, mais pour l’instant tu es trop petit et je ne veux pas le perdre”.
“Non, tu ne vas pas me le donner parce qu’il est à moi”, me répond-il à nouveau en me regardant avec indignation. “Ah oui ? Et qui te l’a offert ?”. “La dame du salon”, me dit-il. “Quelle dame du salon? Maman n’est pas là et dans le salon, il n’y a que…”. Je pâlis. “La photo de mon arrière grand-mère”.
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