L'art de se mentir à soi-même (auto-tromperie)

L'art de se mentir à soi-même (auto-tromperie)

Dernière mise à jour : 25 juillet, 2017

Le mot auto-tromperie fait référence aux phénomènes de mensonges envers nous-mêmes. Il s’agit de l’un des grands pièges de l’esprit. L’auto-tromperie se retrouve dans ces situations où nous essayons de nous convaincre d’une réalité qui est fausse, mais nous le faisons de manière inconsciente.

La différence entre le mensonge et l’auto-tromperie réside dans le fait que, dans le mensonge, la personne est consciente de ne pas dire la vérité. En revanche, dans l’auto-tromperie, on accepte comme vraie une réalité erronée, mais sans en être conscient-e.

En d’autres termes, celui/celle qui se trompe lui/elle-même ne se rend pas compte qu’iel est en train de le faire, ou du moins iel ne le réalise pas toujours : c’est là que se trouve le pouvoir de l’auto-tromperie. Puisque nous ne nous en rendons pas compte, l’auto-tromperie déploie son pouvoir, d’une façon que nous pourrions qualifier de silencieuse et caméléonesque.

Il existe différents types d’auto-tromperie, certains étant plus fréquents que d’autres. Par ailleurs, chacun d’eux a des effets psychologiques différents. Nous allons vous décrire les quatre types d’auto-tromperie les plus fréquents et leurs principaux effets au niveau psychologique.

1. Auto-tromperie fonctionnelle

L’auto-tromperie fonctionnelle s’observe dans des situations au cours desquelles la personne se ment en cherchant à se convaincre que sa décision est correcte. L’exemple le plus connu d’auto-tromperie fonctionnelle est celui de la fable du Renard et des Raisins.

Dans cette fable, le renard caractérisé par son astuce se sent attiré par une succulente grappe de raisins et essaye de l’atteindre en sautant plusieurs fois. Après plusieurs tentatives infructueuses, le renard abandonne et fait face à sa frustration en se mentant. Il se convainc de ne plus vouloir manger de raisins en pensant que la grappe n’était pas suffisamment mûre.

L’auto-tromperie décrire dans la fable du Renard et des Raisins s’appelle l’auto-tromperie fonctionnelle. Elle a une fonction très claire (et c’est pour cela qu’elle porte ce nom) : l’acte de se mentir est très utile au renard car il évite ainsi de ressentir du mal-être après avoir échoué à satisfaire ses besoins alimentaires.

Les problèmes de l’auto-tromperie fonctionnelle

L’auto-tromperie fonctionnelle à court terme est adaptative ; à long terme, en revanche, elle n’est ni positive, ni bénéfique. L’effet psychologique qui en découle est dû au fait que la personne décide de transformer une vérité (ne pas être capable d’atteindre un objectif) en un mensonge qui la tranquillise (cet objectif n’en vaut pas la peine).

Selon le psychologue Giorgio Nardone, toute bonne intention, à force d’être répétée, devient négative et contre-productive. En d’autres termes, tout ce qui est fonctionnel et est prolongé à l’excès ou pris à fortes doses, produit l’effet contraire à celui souhaité.

De cette façon, la personne qui utilise l’auto-tromperie fonctionnelle ne prend pas de risques et reste dans sa zone de confort de manière constante. Car au lieu de se préparer pour acquérir les capacités nécessaires à l’atteinte de l’objectif qu’elle souhaite, elle continue à se mentir en pensant que ce qu’elle désirait n’a plus autant de valeur ou ne mérite plus qu’on fasse des efforts pour l’atteindre.


“Mentir est un jeu de langage qui requiert d’être appris, comme tout autre.”

-Ludwig Wittgenstein-


2. Donner de la valeur pour croire

L’auto-tromperie qu’on appelle “donner de la valeur pour croire” surgit du besoin d’en finir avec la dissonance cognitiveElle se caractérise par la conviction que si quelque chose nécessite beaucoup d’argent, de temps ou d’efforts, alors nous lui donnons beaucoup plus de valeur qu’une chose pour laquelle nous n’avons pas payé si cher. C’est pour cela, par exemple, que nous donnons plus d’importance au fait d’appartenir à un groupe dans lequel nous avons eu du mal à entrer. Tout autre groupe, en comparaison, n’aurait que peu de valeur.

Dans des situations où la personne doit faire beaucoup d’efforts pour atteindre un objectif, que cet objectif lui soit important ou non, son attention se concentre d’une manière sélective sur tout ce qui confirme que son objectif a de la valeur. Elle finit donc par croire que son but est important pour justifier tous les efforts fournis. Sinon, la dissonance dont nous parlions au début apparaîtrait.

D’où vient l’auto-tromperie ?

Etant donné que, psychologiquement, les êtres humains ne peuvent pas garder très longtemps une contradiction dans leur système cognitif (des croyances, des pensées et des idées) et leur système comportemental (des actions et des comportements), l’auto-tromperie “donner de la valeur pour croire” apparaît comme une manière de résoudre la contradiction.

Le principal effet psychologique de cette auto-tromperie est que la personne continue à faire des efforts pour atteindre un objectif qui ne correspond pas souvent à son système de principes et de valeurs. C’est une auto-tromperie qui a une date d’expiration car son effet ne dure pas éternellement. À long terme, la personne finit par se rendre compte de cette tromperie et, d’une certaine manière, se sent déçue.

3. Auto-tromperie consolante

L’auto-tromperie consolante est l’étoile des auto-tromperies et est fréquemment observée chez les personnes souffrant de jalousie maladive. Le mensonge consolant se retrouve dans des situations où la personne se ment pour faire culpabiliser un agent externe et pour qu’on la plaigne.

Quelques exemples d’auto-tromperie consolante seraient de penser que l’on a une phobie parce que “ma mère m’a transmis sa peur des chiens” ou de penser “je suis très jaloux-se parce que mon/ma petit-e ami-e me donne des raisons de l’être”. Il s’agit de pensées que la personne extériorise fréquemment pour trouver de la consolation.

Ainsi, l’auto-tromperie consolante fournit une protection à l’auto-estime et à l’ego. Elle nous fait croire que rien de ce qui arrive n’est de notre faute et que nous sommes victimes de la situation. D’un côté, il s’agit d’un fait positif car, très souvent, nous ne sommes pas à 100% responsables des circonstances que nous affrontons. Cependant, recourir à des causes du passé et à des facteurs qui nous sont externes nous immobilise face au changement.

Le piège de l’auto-tromperie consolante

Le mensonge consolant nous protège. Le problème d’une protection qui dure trop longtemps est qu’il nous empêche de grandir d’un point de vue psychologique. L’effet psychologique de cette auto-tromperie est de nous empêcher d’affronter les problématiques qui nous font nous sentir mal et de nous confirmer qu’il est impossible de les surmonter.

4. Mentir aux autres pour se convaincre soi-même

L’une des manières les plus subtiles de se tromper soi-même est de mentir aux autres afin de se mentir personnellement. Nous faisons ici référence à ces situations où la personne transmet des histoires, des situations et des perceptions qui sont biaisées. Au début, on est conscient-e de cette petite distorsion de la réalité puis, petit à petit, la personne finit par être absorbée par son récit et son personnage.


“Celui qui dit un mensonge ne sait pas quelle lourde tâche il a entamé car il sera obligé d’en inventer vingt de plus pour que le premier soit enfin crédible.”

-Alexander Pope-


Si ce mécanisme qui consiste à mentir aux autres se répète plusieurs fois, le mensonge se transforme en vérité, même pour celui:celle qui l’a créé. Une possible explication de ce phénomène réside dans le fait que le cerveau s’adapte à la malhonnêteté et que le mensonge est vécu comme une réalité.

C’est comme si la personne oubliait qu’elle avait construit une fausse vérité. Même devant l’évidence empirique de leur propre mensonge, ces individus continuent à nier la réalité, non pas par manque d’honnêteté, mais à cause de l’effet d’auto-tromperie.

Personne n’est à l’abri de l’auto-tromperie, il s’agit d’un phénomène psychologique très fréquent et, jusqu’à un certain point, normal. Être libéré-e de tout mensonge requiert une grande réflexion personnelle. Plonger à l’intérieur de notre être, apprendre à connaître nos valeurs, idéaux et désirs est le premier pas pour nous protéger de toute auto-tromperie et pour nous consacrer à des objectifs que nous voulons réellement atteindre. 


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