La communication paradoxale : 6 clés pour la comprendre
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Pourquoi disons-nous parfois oui alors qu’en réalité nous pensons non dans notre tête ? Pourquoi préférons-nous nous taire et ne rien dire alors que nous savons très bien ce que nous voulons ? Quel mécanisme se cache derrière ces situations ? La communication paradoxale en est responsable.
Nous sommes quotidiennement plongés dans un grand nombre de relations. C’est pour cela que la base et, en même temps, l’objectif de la communication humaine est de parvenir à se comprendre. Est-ce si difficile ?
Oui mais non et tout le contraire
La relation que nous maintenons avec les autres est déterminée, dans une grande mesure, par la manière dont nous communiquons. Les sous-entendus, les suppositions, les mensonges ou les ambiguïtés ne sont pas du tout amis avec la clarté communicative.
Plus concrètement, la communication paradoxale est une contradiction qui surgit d’une déduction correcte faite à partir de prémisses congruents. Même si cela peut ressembler à un vrai casse-tête, vous le comprendrez mieux avec cet exemple de conversation entre une mère et sa fille :
– Ma chérie, aide-moi à mettre la table.
– Maman, je ne vais pas rester avec vous pour manger. Je préfère aller au cinéma avec une amie, d’accord ?
– Bon, comme tu veux…
Même si la mère souhaite certainement que sa fille reste pour dîner, ses mots laissent le pouvoir de décision entre les mains de sa fille. La mère pense une chose, dit le contraire et sa fille doit en déduire qu’elle veut qu’elle reste. Elle va donc douter entre céder à la demande cachée de sa mère ou suivre le contenu de la phrase. Quoi qu’elle fasse, cela aura une répercussion sur sa mère et changera leur relation. Voici un exemple de communication paradoxale.
Pour que la réponse de la mère soit congruente avec ce qu’elle veut, elle devrait dire:
– Non. Je préfère que tu restes ici, que tu manges avec nous et que tu ailles au cinéma avec ton amie un autre jour.
Tout comme cet exemple, beaucoup de situations se produisent dans notre quotidien. Nous en sommes à peines conscients. Il est évident qu’il n’y a pas que le contenu du message que nous voulons transmettre qui importe: l’intention qui se cache derrière est tout aussi essentielle.
Le paradoxe se caractérise par l’ambiguité
“Explique-moi pour que je me calme” mais “peu importe ce que tu vas me dire, rien ne réussira à me calmer”. Une chose et son contraire.
La communication paradoxale se base sur la diversité des façons dont nous pouvons interpréter un même message. Nous doutons des intentions de l’autre personne et nous choisissons d’interpréter ce qu’elle nous dit de la façon qui nous convient le plus ou dont nous pensons qu’elle correspond à ce qu’elle veut dire.
Le fait est que cette explication que nous construisons n’a pas à coïncider avec celle que veut nous transmettre l’autre. Ou si. C’est là que réside l’incertitude, la confusion et l’incompréhension.
Plus nous serons concrets dans ce que nous voulons transmettre et moins nous laisserons d’espace à l’ambiguïté: nous aurons donc une meilleure qualité de communication avec les autres.
La logique du malentendu de Watzlawich
Paul Watzlawick était un théoricien et psychologue autrichien qui est devenu une référence dans le champ de la psychothérapie. Ses recherches ont essayé d’expliquer pourquoi il est parfois si difficile d’atteindre une méta-communication et pourquoi le contraire est si facile: ne pas se comprendre. Voici donc 5 axiomes de la communication humaine à connaître :
- Il est impossible de ne pas communiquer : la communication se produit continuellement car, au minimum, on transmet le message selon lequel on ne veut pas communiquer.
- Toute communication a un niveau de contenu (quoi) et un niveau de relation (comment).
- La nature d’une relation dépend de la gradation que les participants font entre les séquences communicationnelles: le processus de communication est un système de rétroaction, généré par un émetteur et un récepteur.
- La communication humaine implique deux modalités : un niveau digital et un niveau analogique. Nous approfondirons ces deux points par la suite.
- Les échanges communicationnels peuvent aussi bien être symétriques que complémentaires : cela dépend de l’égalité ou non dans la relation.
La communication humaine implique deux modalités
Pour Watzlawick, il existe deux types de langage pour exprimer un même contenu : le niveau analogique et le niveau digital.
- Niveau digital : ce qu’on dit. On fait ici référence au contenu du message, ce qui est compréhensible, direct et qui n’a pas besoin d’être traduit. Quand on dit “j’ai besoin de plus de tendresse”, “je me sens très joyeux”, “je veux que tu m’estimes davantage”. Ici, il n’y a pas besoin d’interprétations. Le signifiant et le signifié coïncident.
- Niveau analogique : ce qu’on veut réellement dire. L’intention ou le fond que cachent ces mots. Cela implique un plus grand niveau d’inférence.
Dans l’exemple précédent, la mère transmettrait à sa fille, selon ces deux types de langage:
- Niveau digital : “tu décides entre rester pour manger ou aller au cinéma”.
- Niveau analogique : “tu restes ici parce que tu dois faire ce que ta mère te dit de faire”.
La théorie du double lien
Tout comme ces deux niveaux peuvent coïncider, ils peuvent aussi se contredire. Le langage et les mots n’ont pas, en eux-mêmes, de double sens: nous sommes ceux qui leur en attribuons.
Des auteurs comme Bateson, Jackson, Haley et Weakland ont continué à approfondir ce phénomène et ont parlé de l’existence d’un double lien : le paradoxe qui se transforme en contradiction. Ils ont étudié ce type de phénomène sur des patients souffrant de schizophrénie.
Avec les résultats de leur recherche, ils ont essayé d’expliquer comment influent le contexte familial et la communication dans l’apparition et le maintien de ce type de pathologie. Ils ont défini le double lien comme une relation maladive qui a les propriétés et caractéristiques suivantes :
- Il se produit quand une situation très intense ou très forte émotionnellement a lieu.
- Il existe une communication paradoxale : deux messages contradictoires sont émis en même temps. Dans la majorité des cas, un de façon verbale et l’autre de façon non-verbale. C’est le fruit d’un degré d’incongruence entre les deux niveaux antérieurs (analogique et digital).
- Il existe une relation de pouvoir entre celui qui émet le message et celui qui le reçoit. La personne qui émet le message empêche l’autre de le déchiffrer et de parler de la contradiction. Par ailleurs, il ne lui laisse pas de marge pour agir. Quoi qu’elle fasse, elle est prise au piège.
Bateson illustrait le double lien par un exemple très révélateur. Il utilisait le cas d’une famille dans laquelle le frère aîné se moque constamment du plus jeune, qui est par ailleurs un garçon très timide.
La moquerie atteint un niveau tel que le petit se met à crier de frustration et d’impuissance à cause du mépris qu’il ressent. La conséquence est que le grand frère cesse de l’embêter et que les parents punissent le petit pour avoir hurlé.
Dans cette situation, l’enfant reçoit deux messages complètement contradictoires. D’un côté, il doit exprimer ses sentiments pour être accepté (et ne pas être l’objet de moqueries). De l’autre, il ne doit pas le faire pour être également accepté (s’il les montre, les conséquences ne sont pas bonnes pour lui). Alors, que doit-il faire ?
Les auteurs en ont conclu que le double lien est une forme dysfonctionnelle et déséquilibrée de communication, qui désoriente et trouble les personnes. Le sujet ne sait pas à quoi se tenir et cela peut mener à une série de troubles et de difficultés dans la relation avec les autres et avec soi-même.
Comme nous pouvons l’observer, nous sommes entourés de communication paradoxale et de doubles liens. Par exemple, quand nous voyons un message qui dit “ne lisez pas ceci”, quand quelqu’un nous dit “soyez plus spontané” ou “ne soyez pas si obéissant”. Tout cela implique des réponses contradictoires en lien avec ce qui est annoncé.
La communication paradoxale comme source de conflit dans le couple
Quand des problèmes surgissent dans une relation amoureuse, on cherche normalement l’erreur dans le manque de communication mutuelle. Tout comme dans le contexte familial, nous transmettons des messages contradictoires à notre conjoint-e sur la façon dont nous nous sentons ou ce que nous voulons.
- Femme : “J’ai eu une journée épuisante. Regarde l’état du salon avec les enfants qui y ont joué !”
- Mari (qui réfléchit) : “Et qu’est-ce que tu veux ? Je viens aussi d’arriver à la maison et je suis aussi fatigué. Tu ne veux pas non plus que je range le salon, n’est-ce pas ?”
- Mari (qui parle) : “Tu vas le ranger, non ?”
La façon de parler du mari à sa femme est révélatrice. Il sait que sa femme lui demande indirectement de ranger le salon et sa réponse est totalement hors de contexte, voire grossière.
Le plus convenable serait qu’il lui demande : “Tu veux que je le range ? Je t’aide ? Tu as besoin de quoi ?”. Mais il décide, à cause de ses croyances et de ses suppositions enracinées, que l’intention de sa femme est de ne pas ranger.
Cela reflète le fait que tous deux ne transmettent pas leurs intentions de façon suffisamment claire. Par ailleurs, la communication paradoxale n’est habituellement pas quelque chose de ponctuel: elle a plutôt un effet boule de neige. Elle se traîne normalement de conversation en conversation et peut même devenir chronique dans une relation.
Dans les consultations communes réalisées par le thérapeute, on peut observer comment un couple émet des critiques agressives tout en déguisant son hostilité par un langage qui semble affectueux, ou vice-versa.
Identifier le paradoxe aide parfois à lire l’autre, à savoir ce qu’il pense, même s’il reste silencieux. Malgré tout, en d’autres occasions, la compréhension n’est pas aussi simple; les conséquences peuvent être très nocives pour la relation et mener à d’importants conflits. Nous insistons pour dire que pour pouvoir communiquer d’une manière adéquate, la première chose à faire est de nous comprendre nous-mêmes.
“Le jour où vous cesserez de faire des suppositions, vous communiquerez avec habileté et clarté, libre de tout venin émotionnel.”
-Miguel Ángel Ruiz-
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