Carl Mūller-Braunschweig : biographie, éthique et ambiguïté
Relu et approuvé par Psychologue Gema Sánchez Cuevas
L’histoire de Carl Mūller-Braunschweig constitue l’une des pages sombres de la trajectoire de la psychanalyse. Il est vrai qu’il a écrit des ouvrages intéressants, presque tous au sujet de l’éthique. Néanmoins, il incarne une remise en question importante au sujet de la pratique analytique, notamment parce qu’il a collaboré avec le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale.
Sa position pendant la guerre a fait l’objet de grands débats. D’un côté, il y a ceux qui pensent que la psychanalyse ne doit jamais être au service d’un régime manifestement pervers. Pour ces personnes, cette association est contradictoire, car une telle idéologie est en soi un affront à la santé mentale.
“L’acceptation officielle est le signe distinctif qui indique que la rédemption nous a été refusée encore une fois ; c’est le signe le plus évident d’une incompréhension fatale et c’est également le baiser de Judas.”
De l’autre côté, il y a ceux qui pensent que la psychanalyse est une pratique scientifique soumise aux lois de l’épistémologie et que, par conséquent, elle se situe au-dessus des idéologies et des formes de pouvoir. Depuis cette perspective, peu importe que cette discipline entretienne un lien avec un État fasciste ou avec un État libéral. La seule chose importante est qu’elle s’ajuste aux statuts méthodologiques qui la régissent. Carl Mūller-Braunschweig faisait partie de ce deuxième groupe.
Qui était Carl Mūller-Braunschweig ?
Carl Mūller-Braunschweig est né le 8 avril 1881 dans la ville de Braunschweig. Il est le fils d’un menuisier allemand, un homme avec une certaine prestance. Il ajoutera le nom de cette ville à son propre nom. À l’origine, son nom est tout simplement Carl Mūller.
Il reçoit dans un premier temps une vaste formation en philosophie. Parmi ses maîtres figurent Crock von Brockdorff, Jonas Cohn, Carl Stumpf, Paul Menzer, Georg Lasson et Alois Riehl, entre autres. Tous sont de grands penseurs. Carl Mūller-Braunschweig se forme également en d’autres sciences comme la physique, la biologie, l’anthropologie, l’histoire, la psychologie, la chimie et l’économie. Il obtient son doctorat en philosophie en 1905 à l’Université de Berlin.
C’est à ce moment-là qu’il découvre les idées psychanalytiques, des idées qui vont immédiatement attiré son attention. Il suit d’abord une psychothérapie avec Karl Abraham, puis ensuite avec Hans Sachs. La psychanalyse le fascinera totalement, raison pour laquelle il devient un véritable admirateur des idées de Sigmund Freud. Mais, finalement, sa carrière sera plus centrée sur des activités bureaucratiques que sur la psychanalyse.
Carl Mūller-Braunschweig et le nazisme
Comme vous le savez, la plupart des pionniers de la psychanalyse étaient des juifs. Avec la lente montée du nazisme, la psychanalyse qui n’est pas encore une pratique très connue est remise en question. Elle intéresse seulement certains groupes intellectuels, à savoir des secteurs réduits de la classe moyenne et de la classe haute. Par conséquent, à cette époque, le nombre de personnes soucieuses de protéger la psychanalyse n’est pas très élevé.
À cause du nazisme, tous les juifs qui occupent d’excellents postes au sein d’organismes au caractère scientifique ont été licenciés. À cette époque, les organisations psychanalytiques les plus importantes se trouvent à Berlin et à Vienne. C’est à ce moment-là que Carl Mūller-Braunschweig est chargé de s’occuper de l’organisation allemande que les nazis décident d’appeler “Société Psychanalytique Allemande”.
La nouvelle institution est, dès lors, au service des nazis et, peu de temps après, elle est rebaptisée sous le nom de “Institut Göring” en l’honneur de son fondateur, Mathias Göring, le cousin germain du fameux maréchal nazi. Freud demandera à ce que la psychanalyse soit maintenue en Allemagne, même sous un autre nom. Intéressés par ce courant, les nazis préserveront la discipline mais effaceront toute trace juive, d’où le changement de nom.
L’après-guerre
La position de Carl Mūller-Braunschweig est ambiguë. Il préserve la psychanalyse mais, dans le même temps, il s’adapte aux exigences du nazisme. Dès 1938, Carl Mūller-Braunschweig se retrouve plongé dans une crise dépressive. Ces épisodes se répéteront plusieurs fois tout au long de sa vie.
Vers l’année 1946, une fois la guerre terminée, il entreprend un travail de reconstruction de la psychanalyse en Allemagne. Il compte sur l’aide de Ernst Jones et de Ana Freud.
Plus loin dans le temps, John Rickman est chargé de visiter l’Allemagne afin d’évaluer les personnes responsables de la psychanalyse dans le pays. Sa mission est de déterminer si ces personnes sont aptes pour diriger la formation de nouveaux analystes. Selon lui, Carl Mūller-Braunschweig n’est pas apte pour cette mission.
Son argumentation est basée sur la détérioration psychique que présente Mūller-Braunschweig. Mais certains estimeront que cette conclusion est due à la relation que Mūller-Braunschweig a entretenu avec le nazisme. Il s’agirait, d’une certaine manière, d’une sorte de punition de la part de John Rickman envers Mūller-Braunschweig pour avoir adopté une position ambiguë.
Une nouvelle organisation psychanalytique
En 1950, Mūller-Braunschweig fonde une nouvelle organisation psychanalytique qui, avec le temps, sera reconnue par la communauté internationale des psychanalystes. Plus tard, Mūller-Braunschweig se consacre à la pratique privée de la psychanalyse et à l’enseignement de cette pratique au sein de l’Université de Berlin. Une bonne partie de ses écrits constitue une tentative de justifier sa collaboration avec le nazisme. Il meurt à Berlin le 12 octobre 1958.
Sans l’ombre d’un doute, l’histoire de Mūller-Braunschweig est une histoire un tantinet sombre qui montre comment les conflits politiques et internationaux peuvent exercer une influence sur la psychanalyse. Certaines situations de l’histoire ont rendu difficile l’adoption d’une position neutre ou d’une position quelconque.
Comme nous le disions au début de l’article, certains considèrent qu’il est inutile de tenir compte des personnes au pouvoir à l’heure de faire des recherches en psychanalyse, l’essentiel étant de pouvoir continuer à faire des recherches pour développer la discipline.
Ici une question d’éthique et de morale entre en jeu. Devons-nous nous soumettre afin de préserver la recherche ? Est-il préférable de se résigner ou bien de lutter même si la bataille est perdue d’avance ? La recherche et la science doivent-elles être au-dessus des intérêts politiques et des intérêts économiques ? Les réponses à ces questions ne sont pas si évidentes.
Toutes les sources citées ont été examinées en profondeur par notre équipe pour garantir leur qualité, leur fiabilité, leur actualité et leur validité. La bibliographie de cet article a été considérée comme fiable et précise sur le plan académique ou scientifique
- Müller-Braunschweig, C. (1951). “El “Neoanálisis” de Schultz-Hencke, desde el punto de vista psicoanalítico”. Revista de psicoanálisis, 8(2), 284-285.
Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.