Le Bossu de Notre-Dame, la plus sombre des histoires de Disney
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Le Bossu de Notre-Dame (1996), malgré le fait qu’il s’agisse d’un dessin animé, a une trame très sombre et difficile à digérer. Je ne fais pas référence à une noirceur joyeuse comme celle de L’Étrange Noël de monsieur Jack ou à la noirceur effroyable de Taram et le chaudron magique, l’une des grandes histoires méconnues de Disney. Non, la noirceur du Bossu de Notre-Dame n’a rien à voir avec tout cela: il s’agit d’une noirceur distincte, réelle et crue. C’est peut-être pour cela que beaucoup des enfants des années 90 n’ont pas su l’apprécier.
Le Bossu de Notre-Dame n’est pas un dessin animé méconnu car il a bénéficié d’une bonne publicité, a obtenu de bonnes critiques et de bonnes recommandations. Cependant, il est vrai qu’au moment de sa sortie au cinéma, beaucoup parmi nous étaient trop petits pour la comprendre. C’est peut-être la raison pour laquelle nous ne le retrouvons pas dans le top 10 des Disney.
Ainsi, il n’a pas bénéficié d’un bon accueil de la part du public infantile et a très souvent été relégué aux oubliettes. Par ailleurs, même s’il y a beaucoup de dessins animés de Disney qui cachent une trame trouble et un fond digne d’analyse, Le Bossu de Notre-Dame s’éloigne du stéréotype de Disney et nous présente une histoire chargée de critiques envers la société et le pouvoir, surtout celui de l’Eglise.
Le dessin animé est basé sur Notre-Dame de Paris, un roman de Victor Hugo publié en 1831. Ce fait a aussi fait reculer les admirateurs de l’écrivain français, qui espéraient trouver une oeuvre plus sombre et plus fidèle à l’originale. Mais, comme on devait s’y attendre, Disney a “adouci” une histoire qui n’avait rien d’un conte pour que les enfants ne s’enfuient pas du cinéma en courant. Cependant, même en ayant fait cet effort, le dessin animé a été trop lugubre pour un grand nombre d’enfants et n’a donc pas été apprécié à sa juste valeur.
L’adaptation de Disney n’est pas la seule qui a été faite du roman de Victor Hugo. Il existe d’autres oeuvres plus crues et destinées à un public adulte, comme Quasimodo (1939) ou Le Bossu de Notre-Dame (1956). En le regardant avec un point de vue d’adulte, nous nous rendons compte que nous sommes face à un grand film d’animation, avec des scènes fascinantes. Le message que cache Le Bossu de Notre-Dame, sans le moindre doute, nous surprend et nous captive.
La partie ecclésiastique du Bossu de Notre-Dame
La principale différence par rapport à l’oeuvre originale de Victor Hugo se trouve dans le personnage du juge Frollo. Dans la version originale, Frollo est l’archidiacre de Notre-Dame mais, dans la version de Disney, il s’agit d’un juge. C’est une chose parfaitement compréhensible quand on sait que ce dessin animé est destiné à des enfants.
L’image de l’église est très discréditée dans le film car même si Frollo est présenté comme un juge, le personnage est profondément lié à la cathédrale, a de fortes croyances religieuses et, parfois, sa tenue ressemble à celle d’un ecclésiastique.
Frollo devrait être un homme de loi, un personnage respectable et juste. Or, il est tout le contraire. Dès le début, nous voyons sa cruauté, son orgueil et son mépris pour les autres. Frollo déteste les gitans, il hait tous ceux qui ne sont pas comme lui; or, la vie lui jouera un mauvais tour et il finira par ressentir des émotions qu’il n’aurait jamais cru pouvoir ressentir un jour.
Frollo commence à être obsédé par la gitane Esméralda. Ses sentiments envers elles ne sont pas du tout sains. Esméralda devient une sorte d’objet précieux et tentant, ce sera l’incarnation du mal. En même temps, un désir malsain apparaît chez Frollo et le poussera à remettre sa foi en question. Frollo considère que son désir envers Esméralda est une sorte d’épreuve que lui impose Dieu et il doit éviter le péché. Or, ce désir est si obsessionnel qu’il en viendra à vouloir la posséder et, s’il n’y parvient pas, il devra mourir.
Toute cette obsession irrationnelle de Frollo débouchera sur l’un des moments musicaux les plus perturbants de tout l’univers Disney. Une chanson dans laquelle les connotations religieuses sont évidentes dès le début: des choeurs ecclésiastiques, un crucifix géant, la tenue de Frollo, etc. Tout cela, vu d’un point de vue d’adulte, nous fait penser que Frollo n’est peut-être pas qu’un juge: il peut être lié à l’Eglise.
“Tu es difforme/Et tu es très laid/Ce sont des crimes/Aux yeux des hommes/Qui sont sans pitié.”
-Frollo, Le Bossu de Notre-Dame-
Ce moment musical me semble crucial pour approfondir un peu plus le personnage; nous ne nous trouvons pas seulement face à un juge cruel et sans pitié qui impose sa loi en condamnant un grand nombre d’innocents mais face à quelqu’un qui cache autre chose. Frollo est un personnage réellement trouble et désagréable, ce désir irrationnel et obsessionnel envers Esméralda nous terrorise encore plus que n’importe quel autre moment du film et je crois fermement que toute cette scène était très risquée. On nous présente un méchant qui fait vraiment peur; derrière cette image de puritain et d’homme de loi se cache un homme à la morale très douteuse.
L’oeuvre de Victor Hugo ne fait preuve d’aucune compassion. Elle est sans pitié. En revanche, Le Bossu de Notre-Dame est une version plus douce, plus acceptable pour le public en général et crée, bien entendu, moins de polémique. Or, à travers le personnage de Frollo et plus particulièrement à travers la scène musicale, nous retrouvons une trace de l’oeuvre originale, une marque de cette critique acerbe de l’Eglise et de son indiscutable pouvoir.
Les différences dans Le Bossu de Notre-Dame
Au-delà de la critique de la société et de l’Eglise, Le Bossu de Notre-Dame est un hymne aux différences, à l’acceptation. La bonté n’apparaît pas clairement car nous faisons face à un juge cruel et à un personnage innocent au grand cœur dont l’image est désagréable pour la majorité des gens. Quasimodo ne peut pas être accepté dans la société à cause de son aspect et c’est pour cela que la seule journée où il ose sortir de la cathédrale se transforme en journée catastrophique, une espèce de carnaval où le grotesque est célébré.
Quasimodo génère une fascination du public en raison de son “déguisement” mais au moment où les gens découvriront qu’il ne s’agit pas d’un habit et que c’est son véritable aspect, il sera qualifié de monstre. Seul un personnage fera preuve de compassion envers Quasimodo : Esméralda, la jeune gitane qui, en raison de ses origines, est marginalisée et poursuivie, tout comme Quasimodo. Esméralda est une guerrière, la seule qui ose faire face au juge Frollo et qui demande la justice et l’égalité pour tous.
Quasimodo lui-même, en raison de sa réclusion, se qualifie comme un monstre. Frollo a créé une grande insécurité en lui. Etant donné qu’il n’a pas de contact avec la société, il a établi une sorte d’amitié avec les gargouilles de la cathédrale, qui seront une espèce de conscience pour lui. Esméralda, avec les gargouilles, sera celle qui parviendra à faire ouvrir les yeux à Quasimodo et à lui faire voir la réalité telle qu’elle est. Le capitaine Phoebus aura également un rôle important: il s’agit d’un soldat qui tournera le dos au juge Frollo et s’unira à la lutte pour l’égalité.
Qui est le véritable monstre de Notre-Dame ? Le dessin animé nous montre la véritable nature du monstre, un monstre camouflé qui se déplace parmi nous tous les jours et qui jouit du respect de la société. En définitive, Le Bossu de Notre-Dame est un film qu’il faut mettre en avant et dont la trame est plus complexe et ténébreuse que la majorité des dessins animés enfantins. Il est aussi chargé de profondes valeurs qui le transforment en une apologie de la justice et de l’égalité.
“La vie n’est pas un sport qui se regarde, si vous passez votre temps à observer, vous verrez votre vie passer et vous resterez derrière.”
-Gargouilles, Le Bossu de Notre-Dame-
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