Dune : un voyage vers la transformation psychique
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
La dernière adaptation cinématographique de Dune par le Canadien Denis Villeneuve est acceptable et même prometteuse. Il est possible que très peu de gens sachent que l’auteur de ce roman, Frank Herbert, se documenta en profondeur d’un courant psychologique très spécifique pour raconter cet univers épique-futuriste particulier et complexe entouré d’un sable désertique très fin.
Certains font remarquer depuis des décennies qu’il est plus facile de plier l’espace et le temps que de faire une bonne adaptation de Dune. Il en est en effet ainsi. David Lynch avait déjà essayé en 1984 sous la production de Dino de Laurentis. Le résultat était curieux et incohérent, avec un Sting fumant et un Baron Harkonnen pustuleux gravitant dans les pièces.
Il fallait une perspective plus sereine et introspective. Il était donc essentiel que celui qui reprenait le témoin de son tournage, connaisse d’abord la trajectoire de l’auteur de cette saga et comment il l’a construite. Frank Herbert était passionné par la psychologie, notamment de Carl Jung. Une grande partie de Dune découle de plusieurs de ses postulats.
“Les rêves sont de bonnes histoires, mais tout ce qui est important se passe quand nous sommes éveillés.”
-Duncan Idaho, Dune (2021) –
Dune : le dormeur qui doit se réveiller
La vérité est que Dune a toujours attiré l’attention de la communauté scientifique et des psychologues. Un exemple en est l’article que publia le magazine The Lancet en 2014. Il met l’accent sur une image bien précise qui résume ce premier volet de la saga de Frank Herbert. Nous sommes face à un dormeur (Paul Atréides) qui doit se réveiller.
Dans la psychologie de Carl Jung, le monde des rêves acquiert une pertinence indéniable. Rappelons-nous une des phrases du célèbre psychiatre suisse : « qui regarde dehors, rêve ; qui regarde à l’intérieur, se réveille ». Le jeune protagoniste de Dune doit transiter entre ses rêves et ses visions pour comprendre son rôle dans le monde.
Frank Herbert étudia pendant un certain temps les travaux de Carl Jung et sa conception de l’inconscient collectif. Plus tard, en 1949, il rencontra les psychologues et les professeurs Ralph et Irene Slattery, qui furent les propres étudiants de Jung à l’Institut polytechnique fédéral de Zurich. Ce qu’il apprit au cours de ces années servit de base et d’inspiration pour l’écriture de sa saga épique.
Frank Herbert, auteur de Dune, pensait qu’il fallait donner à ses livres une perspective psychologique pour proposer de vraies métaphores sur l’être humain et son avenir sur Terre.
Dune, une combinaison de sciences dures et sciences douces
L’encyclopédie de la science-fiction stipule qu’un livre ou un film utilise les sciences dures lorsqu’il intègre des figures technologiques, des principes scientifiques, des vols spéciaux, des robots et les combine avec des théories de la physique. De leur côté, les sciences douces appliquent la psychologie, l’anthropologie, la philosophie, l’écologie, la linguistique, la sociologie…
Dune est une symbiose entre les sciences dures et douces, mais ces dernières se démarquent davantage. Nous nous situons dans un contexte futur-passé, dans lequel le médiéval se mêle au technologique, mettant notamment en évidence ces petits navires / ornithoptères, symbolisant les libellules.
L’écologique prévaut, comme ces scénarios désertiques dominés par des vers gigantesques, ainsi que le psychologique. Notamment les compétences extrasensorielles, comme celles dont témoigne Paul Atréides, qu’il hérita de sa mère. Dune souligne que la chose la plus importante pour l’être humain est de développer ses capacités psychologiques, avant celles technologiques.
L’importance du subconscient et de l’éveil
Frank Herbert reprend les conseils que lui donne Irene Slattery, une élève de Carl Jung. La meilleure écriture doit toucher l’inconscient et prendre contact avec les archétypes de l’être humain : le héros, la grande mère, le grand père, le rebelle, le sage, l’ombre, l’âme… Si nous analysons bien, toutes ces images font partie du récit qu’il créa pour sa célèbre saga.
Ses collègues psychologues lui expliquèrent par ailleurs que l’inconscient doit avoir une voix. De sorte que nous voyons comment Paul Atréides non seulement entend des voix dans ses rêves, mais aussi qu’il parvient à parler avec “la Voix” dans ce processus d'”éveil”, comme sa mère le lui apprit, pour ainsi dominer la volonté des autres.
Herbert emprunta ces théories à Jung concernant l’inconscient collectif. Tout ce que nous sommes, y compris cette “Voix” interne, se transmet à travers une mémoire génétique, comme celle que Jessica Atreides conserve pour sa Confrérie secrète et léguée à son propre fils.
Dune est une subtile alchimie de différentes influences. D’un côté, nous avons le courant psychologique de Carl Jung. Également des problèmes environnementaux tels que les efforts pour contrôler les immenses dunes de sable de Florence, dans l’Oregon. Un fait dont Frank Herbert fut témoin et qui lui servit d’inspiration.
Un héros en conflit avec son destin
Rappelons-nous, Dune n’est que le premier volet de deux trilogies. Entre 1965 et 1985, son auteur écrira six livres sur cet univers. Nous ne savons pas si l’industrie cinématographique suivra ce sillage commun dans lequel, dans le plus pur style Star Wars, ils essaient d’épuiser autant que possible “le filon” de chaque saga avec des préquelles et des suites.
Soulignons néanmoins que Dune est un produit littéraire complexe lorsqu’il s’agit de le diffuser sur grand écran. C’est vrai que Denis Villeneuve dispose d’un bon CV, avec des œuvres comme Premier Contact et Blade Runner 2049. Et c’est vrai aussi que les atmosphères qu’il parvient à créer dans ses films sont aussi belles que poétiques et introspectives.
Il devra cependant se plonger dans la personnalité d’un leader messianique, mêlé à une guerre sainte imminente qui est en conflit avec son propre destin. Il est pour l’instant normal dans ce premier film de rencontrer un Paul triste, qui avance dans certaines scènes comme un clochard effondré enveloppé dans une mer de brouillard.
Dans les productions futures (le cas échéant), ils devront retracer avec précision les symbolismes qu’Herbert a intelligemment construits. Ils seront obligés de combiner des éléments de mysticisme oriental, de colonialisme, de problèmes écologiques, de choc des cultures et de complexité psychologique d’un héros plongé dans ses propres conflits.
Le défi est aussi immense que ces grands vers qui traversent le désert sur la planète désolée d’Arrakis.
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- McCrea, Christian. (2019). The Sleeper Has Awakened: After Dune. 10.3828/liverpool/9781911325826.003.0005.
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