Savoir attendre n'est pas signe de faiblesse, mais de courage
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Savoir attendre. Attendre le temps nécessaire pour que les graines poussent, que les sentiments apparaissent et que les faits donnent des signes. Tout a son temps, ses propres rythmes, même si nous refusons de l’accepter. En réalité, si nous nous arrêtons et regardons autour de nous, tout est en mouvement d’une manière ou d’une autre. C’est le flux de la vie. L’impulsion créatrice du changement. Celle qui se nourrit de tout ce qui arrive pour cultiver les résultats.
L’attente est le temps de l’ennui, de l’oisiveté, de l’impatience ; mais c’est aussi l’antichambre qui abrite l’art de la patience et le chemin de l’apprentissage – parfois volontaire et parfois presque inconcevable. Ainsi, on peut même dire que l’attente est le temps de la durée de ce désir qui, nous l’espérons, viendra germer. Porter ses fruits. Mais avec la force du calme en lieu et place d’une accélération brutale.
“Un homme qui est un maître de la patience est le maître de tout le reste.”
-George Savile-
Le chaos de vivre en accéléré
Byung-Chul Han, expert philosophique en études culturelles et professeur à l’Université des Arts de Berlin, affirme dans son livre, La société de la fatigue, que la société du 21ème siècle n’est plus une société disciplinaire, mais une société de la performance, où l’accent est mis sur le pouvoir de faire sans limites.
Aujourd’hui, nous voulons tous faire plus en moins de temps. Nous vivons en accéléré – et sous pression – dans un monde de stimuli excessifs. Nous sommes ainsi plus préoccupés par les résultats que par la route. Le problème, c’est qu’ignorer les mesures que nous prenons et, plutôt, la façon dont nous le faisons, mène à l’épuisement physique, mental et professionnel.
De plus, notre perception est fragmentée par tant de stimulations. Maintenant nous sommes multitâches, nous faisons tout et rien en même temps. En fait, selon Byung-Chul Han, le multitâche, ce n’est pas un progrès. C’est plutôt une régression, car il empêche la contemplation et l’attention profonde. Nous vivons au-dessus, sur la pointe des pieds, sans nous immerger dans l’expérience et avec un rythme de vie effréné.
Nous n’aimons plus attendre, nous avons du mal à être patients parce que nous voulons tout instantanément, immédiatement et impulsivement, sans être conscients des conséquences. Stress, anxiété, dépression, ennui ou même vivre dans l’inconfort le temps du repos. Cela nous dérange de ne rien avoir à faire parce que nous nous faisons face à nous-mêmes et que nous ne sommes pas prêts pour cela.
L’ennui est un ennemi et, quand il se manifeste, nous cherchons immédiatement quelque chose à faire, quelque chose qui occupe notre temps. Au milieu de cette tourmente, nous oublions que la pure agitation ne génère rien de nouveau et, dans le même temps, nous perdons le don de l’écoute, comme l’affirme le philosophe Walter Benjamin. En somme, nous nous perdons dans une spirale d’hyperactivité, de stress et d’agitation.
Le plaisir d’attendre
Que se passerait-il si nous nous arrêtions ? Découvririons-nous quelque chose de nouveau si nous ralentissions ? Comment nous sentirions-nous ? En effet, s’arrêter à sec et interrompre notre vitesse brutalement au début nous effraie. Nous ne pouvons le nier. Ainsi, cela peut même nous faire du faire mal, puisque nous sommes habitués à l’immédiateté.
La patience est un art qu’il faut apprendre par la formation et la tolérance face à l’ignorance et à l’incertitude. Nous paniquons lorsque nous sommes contraints d’attendre. Ne pas savoir ce qu’il va se passer ou imaginer que les choses peuvent échapper à notre contrôle est une idée qui nous est insupportable. Mais il est évident qu’à certains moments, il est impossible de l’éviter. N’oublions pas que la patience est liée à l’être et son contraire, l’impatience, est liée à l’avoir.
Pensez un instant à ce que vous ressentez lorsque vous vous trouvez dans une situation qui n’est pas sous votre responsabilité. Mais qui vous met mal à l’aise. Réfléchissez à ces moments où vous vous disputez avec quelqu’un à qui vous tenez et qui, à cause de ce qui s’est passé, décide de ce qui va se passer entre vous. Inconfortable, n’est-ce pas ? Comment vous sentez-vous quand quelqu’un vous fait attendre ? Que ce soit au travail, dans une relation ou dans votre famille ?
Attendre est tout un défi. Et d’autant plus si l’on tient compte du fait qu’être patient est perçu comme une faiblesse, car la plupart du temps, nous la confondons avec le fait de se résigner ou d’être apathique. Maintenant, la patience avec la conscience n’a rien à voir avec cela, elle tient plutôt du courage et de la bravoure, de l’espoir et de la vision à long terme. I l s’agit de se rebeller contre la difficulté mais d’une manière à laquelle nous ne sommes pas habitués.
Savoir attendre, c’est se protéger de l’éventualité de l’immédiat et être capable de vivre des situations adverses sans s’effondrer. Celui qui a de la patience comme ami, connaît très bien les pièges de l’impulsivité et des conséquences qu’elle peut apporter. Il le sait car il a dominé ses passions. Sa tendance à la recherche incessante du plaisir et à la nécessité de l’immédiateté.
L’attente nous apprend qu’il est impossible et dangereux de tout contrôler. Réfléchir pour comprendre, prioriser sont des attitudes importantes, mais aussi prendre du temps pour soi, pour découvrir ce que l’on veut et où l’on va, pour observer le chemin en perspective. Et cela n’est possible que par la pratique de la patience, cette capacité d’évaluer soigneusement, d’être calme et de ne pas être assombri par le bruit de la nécessité et du plaisir.
Etre patient, ce n’est pas se laisser emporter par les circonstances. C’est savoir agir au bon moment. Choisir et renoncer avec calme. Et apprendre au rythme de la vie.
“La vitesse est la forme d’extase dont la révolution technique a fait cadeau à l’homme. Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ?”
-Milan Kundera-
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- Byung-Chul Han. (2012) La sociedad del cansancio. Barcelona: Herder.
- Kundera, Milan (2001). La lentitud. Barcelona: Tustquets.
- Schweizer, Harold (2010). La espera. Melodías de la duración. Madrid: Sequitur.
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