Quelle est l'essence d'une personne ?
Rédigé et vérifié par Psychologue José Padilla
Nous vivons dans un monde en mutation, où nous devons chaque jour relever de nouveaux défis. Bien que la routine puisse nous faire croire que les jours sont identiques, en réalité chaque jour est différent du précédent. La réalité change, et nous aussi. Alors pourquoi avons-nous une sensation de changement moindre que celle qui existe réellement ?
C’est précisément cette perception d’immuabilité et de permanence qui induit en grande partie cette sensation de permanence en nous. Quelle est exactement cette essence ? Naissons-nous avec ou la construisons-nous ? Si nous naissons avec, sommes-nous déterminés à être tel que nous sommes ? Si c’est une construction, comment la construit-on ?
Qu’est-ce que l’essence ?
On entend par « essence d’une personne » l’ensemble des qualités, traits ou caractéristiques qui font d’une personne ce qu’elle est. L’essence est invariable ou pratiquement invariable. En effet, la personne serait différente de la façon dont elle se reconnaît et est reconnue si elle variait.
Nous pouvons assimiler ce concept à celui d’identité, qui est comprise comme un ensemble de croyances, de comportements et de façons de ressentir qui font de nous ce que nous sommes et nous différencient des autres personnes. Cette identité devient comme une construction qui nous donne un sentiment de permanence et de singularité.
Mais qu’est-ce qui soutient ce sentiment de permanence? Notre constitution physique ou nos traits psychologiques ? Voyons cela. Nous sommes partis du postulat que l’essence est ce qui est constant, ce qui demeure dans la personne. Notre morphologie est-elle invariable ? L’expérience empirique nous montre chaque jour qu’il n’en est rien. Au fil du temps, notre corps change et vieillit. Ce sentiment de permanence ne vient donc pas de notre biologie.
Les caractéristiques de nos traits psychologiques sont-elles à la base de ce sentiment de permanence ? Soit. Nos pensées changent, les façons de ressentir et de vivre le monde varient d’instant en instant.
A aucun niveau, et même psychologiquement, on est identique à 5 ans et à 20 ans. Le développement cognitif et affectif fluctue d’une étape de la vie à l’autre. Donc, psychologiquement, nous ne sommes pas toujours les mêmes. Il y a des variations, quoique légères. Par conséquent, notre perception de la permanence ne vient pas de l’expérience directe de nos traits psychologiques.
Alors si tout change : corps et esprit, d’où vient ce sentiment de permanence ? De la conviction que nous ne changeons pas et du biais de confirmation qui nous amène à rechercher des informations confirmant ladite conception. Cette croyance est celle qui semble rester inchangée, mais pas parce qu’elle l’est essentiellement, parce que nous résistons à la changer et au changement lui-même.
Quand tout change et que la personne ne change pas, on peut affirmer que ce n’est pas que la personne elle-même ne change pas, mais plutôt qu’elle résiste à le faire. Cela ne devrait pas nous surprendre. En effet, nous le faisons tous car l’idée d’immuabilité que nous avons associée à l’identité nous donne la sécurité d’être quelqu’un. Si je change constamment, alors qui suis-je maintenant ? Il vaut mieux éviter l’angoisse de ne pas savoir et sentir la sécurité que je suis vraiment quelque chose.
L’essence : innée ou fabriquée ?
Venons-nous au monde prédéfinis par une essence qui détermine qui nous sommes pour le reste de notre vie ou construisons-nous cette essence ? D’un point de vue existentiel et psychologique, on peut dire que toute essence se construit à partir de l’existence. Comme le disait Jean Paul Sartre, l’existence précède l’essence. D’abord nous existons, puis nous sommes. Nous n’entrons pas dans ce monde préconfigurés, nous nous y configurons.
Donc, nous existons d’abord. C’est-à-dire que nous émergeons dans le monde, nous apparaissons et entrons en scène dans une structure sociale établie, puis nous nous définissons : « je suis médecin », « je suis père de famille », « je suis une personne charismatique ». Ainsi, nous ne naissons pas déjà en étant ce que nous sommes. Nous nous faisons en nous rapportant au monde et aux autres.
Maintenant, nous savons déjà que l’essentiel se fait, se construit. Mais comment? Pour ce faire, nous allons nous intéresser à une explication biopsychosociale, dans laquelle nous comprendrons que la construction de l’essence d’une personne se fait à partir de l’interdépendance ou des interrelations de plusieurs facteurs : biologiques, psychologiques et sociaux.
Construction biopsychosociale de l’essence d’une personne
Notre biologie est une partie importante de qui nous sommes. Les gènes jouent un rôle important dans notre personnalité. Ainsi, une partie de notre essence dépend du patrimoine génétique de nos parents. Mais cette influence ne doit pas être comprise comme déterminante, mais comme probabiliste. Nous avons une prédisposition qui peut s’activer ou non selon l’environnement.
Le facteur psychologique joue un autre rôle important dans la construction de l’essence. Ce que nous pensons, ce que nous croyons, la façon dont nous nous sentons et sommes excités dans le monde configure un modèle cognitif, comportemental et affectif de relation et d’être.
Au niveau cognitif, les récits que nous construisons sur ce qui nous arrive et sur nous-mêmes donnent lieu à une consolidation de ladite essence. À travers ces récits, nous maintenons une histoire cohérente qui renforce qui nous sommes.
Ces deux facteurs se déploient dans un contexte particulier, au sein d’une structure sociale dans laquelle interviennent non seulement des variables socio-économiques ou politiques, mais aussi familiales.
L’éducation que nos parents ou nos proches nous donnent est un élément clé de qui nous sommes et de l’activation de nos prédispositions génétiques. L’environnement établit pour nous un idéal d’être, le renforce, le façonne, le définit selon ses propres attentes.
Essence et changement
Si nous voulons définir l’essence d’une personne ou de l’être humain en général, nous pouvons nous risquer à dire que c’est le changement et l’interaction du biologique, du social et du psychologique. Bien que nous ayons l’impression de ne pas changer ou de ne pas résister pour continuer à réaffirmer ce que nous pensons être, cela n’implique pas que nous ne soyons pas un changement continu, un devenir constant.
S’il est vrai que certains éléments de notre dimension humaine sont plus stables que d’autres, comme la génétique ou l’ADN, nous ne devons pas considérer comme acquis que nous sommes immuables, car, rappelons-le, un seul facteur ne fait pas l’essence, mais plutôt l’interrelation entre eux.
Selon vous, quelle est votre essence en tant que personne ? Selon vous, quelles variables biologiques, psychologiques et sociales ont fait de vous ce que vous êtes ?
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