L'effet Zeigarnik : l'angoisse de ne pas pouvoir terminer ce que l'on a commencé
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
L’effet Zeigarnik nous rappelle que le cerveau n’aime pas laisser les choses inachevées. Il n’aime pas non plus les choses qui nous fournissent une information ambiguë ou imprécise. Cela explique par exemple la raison pour laquelle il nous est difficile d’interrompre la lecture d’un livre qui nous intéresse. Cette caractéristique justifie également la raison pour laquelle nous ressentons de l’angoisse lorsque quelqu’un nous laisse sans donner d’explication.
Les scénaristes du cinéma et de la télévision connaissent parfaitement ce phénomène psychologique. Ils utilisent depuis des décennies l’effet Cliffhanger afin de fidéliser le public. Comme vous le savez, cette technique consiste à installer une tension maximale, des effets et de l’émotion à la fin des épisodes ou des productions cinématographiques.
Cette conclusion abrupte et inattendue obligera le spectateur a être en attente de la suite. Il est clair que nous sommes parfois fatigués par ce type d’approche car nous savons que nous sommes manipulés. Cependant, dans le quotidien il est pratiquement impossible de ne pas tomber dans le piège de ce mécanisme mental aussi intéressant que sophistiqué.
La psychologie cognitive a toujours été intéressée par l’effet Zeigarnik et par les pensées intrusives qui nous traversent lorsque nous avons des tâches en attente ou que nous vivons des expériences inachevées. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi nous fixons en priorité notre attention sur ce que nous n’avons pas fait en donnant moins d’importance à ce que nous avons réalisé.
“Demain n’est qu’un adverbe de temps”.
-Graham Greene-
L’effet Zeigarnik et un restaurant autrichien
Nous sommes en 1920, dans un petit restaurant d’Autriche. Une jeune psychologue russe appelée Bulma Zeigarnik est assise. Elle est impatiente car son professeur Kurt Lewin est en retard. A un moment donné, elle cesse de regarder sa montre et en tant que bonne observatrice scientifique, elle scrute tout ce qu’il se passe autour d’elle.
Elle se rend compte de quelque chose d’étrange. Les serveurs avaient une mémoire incroyable leur permettant de se rappeler des commandes de chaque client. Peu importe la complexité de la combinaison des assiettes ou le type de boissons. Ils ne se trompaient jamais. Cependant, Bulma remarqua quelque chose d’encore plus surprenant : lorsque les clients payaient les factures, les serveurs oubliaient instantanément les commandes de chaque personne.
Néanmoins, les détails concernant ce qu’ils n’avaient pas encore encaissé restaient gravés dans leur cerveau. Cela signifie que les transactions inachevées étaient des tâches en attente que le cerveau ne pouvait pas oublier. C’était des comptes non bouclés qui ne pouvaient pas être oubliés.
La jeune Bulma Zeigarnik ne tarda pas à retourner à l’Université et à initier sa fameuse étude qui sera finalement publiée en 1927 sous le titre “On Finished and Unfinished Tasks” (tâches terminées et non terminées).
L’angoisse des choses inachevées ou non réalisées
On dit souvent que ce qui n’est pas terminé ou ne s’est pas déroulé est doté d’une beauté singulière. Dans ces choses se trouve une certaine mélancolie et de la tristesse. Nous développons une angoisse étrange vis-à-vis des choses qui, à cause des circonstances, n’ont pas pu être terminées ou pas même commencées.
Un exemple peut être celui de la Symphonie n°8 “L’inachevée“. Selon les experts, c’est une pièce musicale magnifique que l’auteur a dû abandonner au milieu à cause d’une maladie. Lorsque nous ne souhaitons pas initier une relation avec quelqu’un ou d’autres phénomènes du genre sont décrits comme des “omissions douloureuses” par des auteurs tels que Savitsky, Medvec et Gilovich (1997).
Lorsque les personnes ne répondent pas à nos questions, lorsqu’elles promettent des choses qu’elles ne respectent pas ou lorsque les relations affectives s’interrompent sans pouvoir en comprendre clairement la cause, nous ressentons du mal-être, de la colère ou nous sommes inconsolables.
Le cerveau n’aime pas l’ambiguïté
Schiffman et Greist-Bousquet (1992) ont réalisé une étude à l’Université de Michigan dans laquelle ils ont démontré une autre caractéristique de l’effet Zeigarnik. Le cerveau n’apprécie pas l’ambiguïté. Cela signifie que l’angoisse apparaît en nous lorsque :
- Nous ne pouvons pas finaliser quelque chose
- Nous nous trouvons dans l’incapacité de le comprendre
- Une information ambiguë fait son apparition
- Une information apparaît et remet en question tout ce qui s’est produit antérieurement
Dans l’histoire de la télévision, nous mentionnons par exemple souvent le phénomène Lost. Cette série émise entre 2004 et 2010 a eu un impact important sur de nombreuses personnes. Ces dernières ont expérimenté un impact psychologique important pour différentes raisons, notamment la fin. Pour la majorité des téléspectateurs, la série fut trop ambiguë et difficile à comprendre.
Dans ce cas, l’effet Zeigarnik fut double. Les spectateurs ont dû accepter la présence de nombreuses questions sans réponses. Les réponses apportées par d’autres téléspectateurs ont souvent également manqué de clarté. C’est certainement ce qui explique que l’impact de cette série ait été si important et soit encore d’actualité.
En conclusion
Pour conclure, il serait intéressant de penser à quelque chose. Que nous le souhaitions ou non, notre réalité quotidienne et le tissu de notre vie sont dirigés par l’effet Zeigarnik. Certains aspects resteront pour toujours sans réponse, seront ambigus, voire même inexplicables. Cela nécessitera une implication personnelle, comme lorsque nous nous lançons dans l’analyse d’une production de David Lynch.
Nous devons être capables de tolérer aussi bien l’incertitude que les vides où la logique n’existe pas. La vie n’est pas un jeu-vidéo, un monde où l’on peut cliquer sur pause au milieu d’un combat et le recommencer ensuite. Certains aspects ne peuvent parfois pas être complétés et ils resteront pour toujours en attente dans l’univers de notre esprit. C’est quelque chose que nous devons considérer.
Quoi qu’il en soit, il est toujours intéressant d’approfondir les phénomènes psychologiques afin de comprendre la métrique et la singularité de notre merveilleux cerveau.
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- Reeve, J., Cole, S., and Olson, B. (1986). The Zeigarnik Effect and Intrinsic Motivation: Are They The Same? Motivation and Emototion, 10(3), 233-245.
- Schiffman, N., Greist-Bousquet, S. (1992). The effect of task interruption and closure on perceived duration. Bulletin of the Psychometiric Society, 30 (1), 9-11.
- Zeigarnik, B. (1927). Uber das Behalten yon erledigten und underledigten Handlungen. Psychologische Forschung, 9, 1-85.
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