Le trouble mental, victime d'une vision sociale perverse
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Le travail des psychologues a été attaqué à de nombreuses reprises et sur d’innombrables fronts. A notre grand regret, pas toujours injustement. Mythes populaires, blagues de taverne, débats internes, ignorance… Sans parler de l’intrusion de travail, de la reproduction de modèles et de la paresse à établir des bases méthodologiques solides pour enquêter sur le trouble mental.
Ce problème n’a pas eu de conséquences insignifiantes. Cela a eu un impact direct sur le concept social de trouble mental et sur tous ceux qui en souffrent. De plus, en psychologie, il y a le faux paradoxe de l’apprentissage par l’expérience. Or, sans avoir étudié la médecine, personne n’aurait l’idée d’opérer une appendicite.
Et pourtant, nombreux sont ceux qui écrivent sur la dépression, validant leur discours ou leur livre de recettes sur la souffrance qu’ils ont un jour réussi à laisser derrière eux. Ils croient même qu’un modèle, pour eux logique, contracté à partir d’expériences personnelles, peut parfaitement être extrapolé à tout le monde.
Un regard différent sur la psychologie
Jusqu’à il n’y a pas longtemps, ceux qui venaient demander conseil à un ami étaient considérés comme normaux, et ceux qui frappaient à la porte du psychologue étaient considérés comme des fous. Consultations, diagnostics et interventions étaient cachés comme de la poussière sous le tapis à l’arrivée des visiteurs.
La peur associée à la confession était celle du rejet, celle de devenir le centre des commérages dans le quartier. Et dans les modes de vie modernes, la peur d’être le centre d’attention sur les réseaux sociaux ou groupes de messagerie.
Heureusement, cela est en train de changer et le psychologue se fait une plus grande place dans la société. La santé mentale n’est plus seulement une garantie de réussite professionnelle. L’intelligence émotionnelle et la capacité à retarder les récompenses sont aussi importantes.
Mais cela va plus loin, la psychologie est source de bien-être. Elle permet de se connaître soi et de sentir bien. Un investissement mental, tout comme nous le faisons sur le plan le plus physique lorsque nous faisons du sport régulièrement et prenons soin de notre alimentation.
Ceux qui ont le plus souffert de cette période d’obscurité pour la psychologie, ce sont les personnes atteintes d’un trouble mental. Prenons un exemple pour mieux comprendre, un fragment de texte tiré d’un dialogue du roman de Lousie Penny intitulé Still Life.
Ce roman est fortement recommandé pour tout lecteur qui aime les romans policiers et qui apprécie les histoires dans lesquelles les personnages sont là pour nous en apprendre plus. Voici un extrait :
“- Il y a quelques années, j’étais psychologue à Montréal. La plupart des gens ont frappé à ma porte parce qu’ils avaient subi une crise. Et la plupart de ces crises se résumaient à une perte. Perte d’un mariage ou d’une relation importante, perte de sécurité. Un travail, un foyer, un père ou une mère. Il y avait quelque chose qui les poussait à demander de l’aide et à regarder à l’intérieur. Et, souvent, le déclencheur était le changement ou la perte.
– C’est la même chose ?
– Cela peut l’être pour quelqu’un qui n’a pas la possibilité de s’adapter.”
Je reprends ce témoignage de ce psychologue littéraire, car il reflète en grande partie une perception sociale superficielle. Je dis superficiel parce que le dénominateur commun, l’impulsion de demander de l’aide, ne vient pas de la perte, mais de la souffrance.
Une souffrance qui, d’une part, n’est pas exclusive à ceux qui n’ont pas la possibilité de s’adapter. D’autre part, l’utilisation d’une ressource, comme une consultation psychologie, est un signe d’adaptation dans la plupart des cas.
Le patient comme coupable de son trouble mental
Le dialogue se poursuit et atteint le point le plus intéressant et le plus dangereux. Le psychologue/écrivain nous dit :
“Après vingt-cinq ans à écouter leurs plaintes, j’ai finalement fermé. Je me suis réveillé un matin et j’ai vu quelque chose qui ne convenait pas chez un patient de quarante-cinq ans qui agissait comme s’il avait seize ans.
Chaque semaine, il venait avec les mêmes regrets : “Quelqu’un m’a fait du mal, la vie n’est pas juste, ce n’est pas ma faute.” Je lui ai proposé des choses pendant trois ans et pendant tout ce temps il n’a rien fait. Puis, ce jour-là, en l’écoutant, j’ai soudain compris. Cela n’a pas changé parce que je ne voulais pas, je n’avais pas l’intention de le faire. Nous allions continuer à mettre en scène la même farce pendant encore vingt ans. Et à cet instant, j’ai réalisé que la plupart de mes patients étaient exactement les mêmes.”
Dans ces lignes, il fait une erreur lorsqu’il se réfère aux troubles mentaux. Une erreur qui, dans une large mesure, constitue encore un mythe : l’idée que quiconque ne trouve pas de soulagement -remède- pour un trouble mental manque en réalité de volonté.
Parce que les gains secondaires de la situation dans laquelle un patient qui souffre d’un trouble mental se trouve sont généralement suffisamment puissants pour vaincre toute tentative d’intervention. En d’autres termes, la souffrance n’atteint pas un degré tel que le patient envisage d’adopter des changements qui rendraient ses coutumes/habitudes/dynamiques plus adaptatives.
Nous parlons d’une conceptualisation très dangereuse du trouble mental. Soit par omission, soit par commission. Cette façon de voir la réalité suggère que le patient est coupable de son non-rétablissement. Être coupable/responsable ne serait pas digne de l’attention qu’il pourrait mériter de son environnement ou des ressources que le système pourrait mettre à sa disposition.
“Quand je veux…, tout peut changer”, pensent plus d’un. Peut-être l’une des phrases les plus perverses. Gardons cela à l’esprit.
Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.