Le garçon en pyjama rayé, une amitié au-delà des barrières
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Le garçon en pyjama rayé est une oeuvre littéraire de John Boyne publiée en 2006 qui fut ensuite portée au grand écran par Mark Herman. Le film et le livre présentent de nombreuses différences mais nous n’allons pas nous attarder sur ces points car ils ne sont pas importants pour la suite de cet article. En revanche, nous allons nous centrer sur les principales valeurs et réflexions transmises par l’oeuvre ; le film et le livre serviront tous deux de référence.
Le garçon en pyjama rayé se déroule au cours de l’un des moments les plus cruels et honteux de l’humanité, l’Holocauste de la Seconde Guerre Mondiale. Un épisode critiqué et répudié mais qui ne doit pas être oublié car, c’est bien connu, l’Histoire nous sert à apprendre et à ne pas répéter les mêmes erreurs.
La base de l’histoire
Nous nous trouvons en Allemagne nazie, dans la maison d’une famille militaire, avec des valeurs et une idéologie déjà très fixées, du moins c’est l’impression que l’on a. Le chef de famille est un militaire de haut rang au service d’Hitler qui, en raison de son “grand travail”, sera envoyé à Auschwitz pour y poursuivre sa mission. Toute la famille déménage dans ce nouveau foyer, une maison complètement isolée mais très proche du camp de concentration. C’est là que nous connaîtrons mieux les personnages :
- Les enfants : le protagoniste est Bruno, le plus jeune fils du commandant. Comme tous les enfants de son âge, il ne connaît pas le monde extérieur et veut seulement jouer. Il aime les livres d’aventure et veut être explorateur. Par opposition, on retrouve Gretel, sa grande soeur ; au début, nous la voyons entourée de poupées, puis celles-ci disparaissent de sa chambre pour laisser place à de la propagande nazie. Enfin, il y a aussi Shmuel, un enfant de l’âge de Bruno qui, puisqu’il est juif, vit dans le camp de concentration.
- Les parents : le père de Bruno est un militaire haut placé, très strict, qui passe peu de temps à la maison. Son épouse, au début, ignore une grande partie du “travail” effectué par son mari ; cependant, nous pouvons voir comment cette situation d’ignorance change et comment, en découvrant la réalité, les sentiments de cette femme envers son époux changent, à cause de la répulsion que lui inspire le travail de ce dernier.
- Les grands-parents : ce sont les parents du militaire. Le grand-père est fier de son fils. La grand-mère, elle, est contre le nazisme et le travail de son fils la révolte.
Deux réalités présentes dans Le garçon en pyjama rayé
Dans le livre Le garçon en pyjama rayé, nous voyons que Shmuel et Bruno sont nés exactement le même jour et que leurs vies sont pourtant complètement différentes. Bruno vit dans une famille aisée, il est le fils d’un militaire et sa plus grande préoccupation est de n’avoir personne avec qui jouer. Il souffre parce qu’il s’ennuie et parce qu’il n’aime pas le nouvel endroit où il doit vivre. Il ne comprend pas pourquoi il doit déménager et abandonner ses amis de toujours.
Shmuel est juif et a donc été condamné à vivre dans un camp de concentration. Par conséquent, ses préoccupations sont très différentes de celles de Bruno, même si l’on retrouve en elles tous les désirs et toute l’innocence des enfants.
Ce contraste de réalités nous montre comment notre origine peut nous marquer pour la vie et nous condamner; personne ne choisit l’endroit où il naît, personne n’est responsable de sa naissance dans telle ou telle famille. Les enfants ne comprennent pas ces différences et considèrent l’autre comme un égal, un ami avec qui jouer et partager des aventures. Ils ne peuvent pas comprendre pour quelle raison une barrière les sépare alors qu’ils sont nés le même jour et se ressemblent beaucoup.
La barrière, dans ce cas, est réelle ; nous pouvons cependant la voir comme un symbole. Deux enfants nés le même jour, deux enfants égaux, deux réalités très distinctes. Nous regardons actuellement les nazis avec mépris mais, au moment où il est né, Bruno a eu de la chance. Du moins, plus de chance que Shmuel. Nous pourrions dire que cette barrière, ce contraste de réalités, existe encore de nos jours ; il y a encore une grande différence entre naître dans un pays ou un autre, dans une famille aisée ou dans une famille qui manque de ressources.
La relation avec le Surhomme de Nietzsche
Les idées du philosophe Friedrich Nietzsche ont été adoptées et réinventées par le nazisme. Ce philosophe croyait en une classe d’hommes aux caractéristiques supérieures : forts, intelligents, créatifs, capables de penser et de raisonner. Ces hommes étaient les survivants, ceux qui sortaient du lot dans le troupeau. Les nazis s’identifiaient à ce surhomme.
Par ailleurs, pour Nietzsche, ce statut de surhomme était atteint à travers diverses phases :
- Chameau : il représente l’obéissance, les charges et les responsabilités que nous devons supporter.
- Lion : le chameau, quand il ne veut plus être chameau, se transforme en lion. Cette étape représente la libération des charges, la rébellion et le rejet des valeurs traditionnelles.
- Enfant : l’ultime phase de la métamorphose. L’enfant vit loin des préjugés et des valeurs établies, il se charge de créer les siennes. Comme s’il s’agissait d’un jeu, l’enfant construit tout à partir de rien.
Nous aimerions faire un lien entre cette image de l’enfant et les personnages de Shmuel et Bruno; tous deux se montrent libres de préjugés -ou à moitié libres-, tous deux sont les seuls à franchir cette barrière à laquelle les adultes se heurtent. En traversant la grille, ils défient les valeurs établies. Peu importe ce qu’ils ont appris, leur amitié va au-delà de tout. Bruno s’habille avec ce pyjama rayé et ressemble ainsi à Shmuel. Pour les enfants, l’amitié est plus forte que tout et il n’y a pas de différences.
En d’autres termes, ils émettent eux-mêmes des jugements sur l’autre au fur et à mesure qu’ils se connaissent, ils créent eux-mêmes leurs propres valeurs à partir de rien et, à partir de celles-ci, prennent des décisions.
“Apparemment, nous ne devons pas être amis ; nous devons être ennemis, tu le savais ?”
-Bruno, Le garçon en pyjama rayé–
Le poids des idées
Le garçon en pyjama rayé expose les problèmes que peuvent causer une certaine idéologie et les principes qui vont avec. Dans l’histoire et dans le film, nous voyons que les idées peuvent faire, de manière indirecte, beaucoup plus de mal que n’importe quelle arme, surtout si nous prenons en compte le pouvoir de certaines d’entre elles, à des moments déterminés, pour unir des volontés. Ainsi, la conviction des gens par rapport à une certaine cause peut les pousser à commettre n’importe quel type d’acte, aussi injuste et cruel soit-il.
Pour qu’une idée perdure dans le temps, il est important de l’inculquer aux plus jeunes. C’est ce que nous voyons dans les cours reçus par Gretel et Bruno. Leur professeur leur enseigne l’histoire en suivant les principes de l’idéologie nazie : de cette façon, il s’assure de transmettre aux enfants les valeurs qu’il juge correctes. L’idée qu’ils appartiennent à une race supérieure ou privilégiée pourra ainsi perdurer au cours des générations suivantes…
Les allusions à la propagande nazie sont aussi intéressantes. Nous la retrouvons dans les affiches que Gretel accroche dans sa chambre ou dans la façon de “vendre” la qualité de vie des camps de concentration.
Le dénouement est déjà anticipé par les phénomènes atmosphériques, grâce à un topique littéraire qui est connu sous le nom de locus terribilis ; les images de pluie nous préviennent et nous indiquent que quelque chose va se passer. Ce dénouement nous propose une réflexion : nous ne sommes pas conscients de la souffrance de l’autre avant d’être à la place de l’autre. En inversant les rôles, en ressentant dans notre chair la douleur de l’autre, nous en prenons conscience.
Tout cela a lieu, bien sûr, dans une ambiance d’histoire passée, d’horreur et de cruauté humaine. Mais on en vient à se demander si, d’une certaine façon et depuis le confort de notre foyer, nous avons beaucoup changé et si nous ne continuons pas à être étrangers à la souffrance des autres.
“Tout cela, bien sûr, s’est passé il y a longtemps, très longtemps. Rien de tel ne pourrait jamais se répéter. Aujourd’hui, non”.
-John Boyne, Le garçon en pyjama rayé-
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