Le complexe d'Érostrate : spécialistes dans l'art de l'apparence
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
Nous sommes tous témoins du complexe d’Érostrate. Nous le voyons chez ces personnes qui ont fait de l’art de l’apparence leur mode de vie. Certains lui donnent le nom de « postureo » (néologisme espagnol, quelqu’un qui s’affiche, qui pose), d’autres le définissent comme de l’exhibitionnisme social. Ce sont également les personnes en quête de likes sur les réseaux sociaux. Des personnalités qui font de l’apparence un masque sophistiqué, derrière lequel ils peuvent cacher leur complexe d’infériorité.
Certains disent que, dans cette nouvelle ère de culture technologique, nous sommes devenus un peu plus vaniteux. Beaucoup d’entre nous aimons (pourquoi n’aimerions-nous pas ?) exhiber un aspect de notre vie sur les murs de Facebook ou dans les stories d’Instagram. Le faire de temps en temps n’a rien de répréhensible. Cependant, avoir besoin de ces likes au quotidien et de cette approbation constante dérive sans aucun doute vers des réalités pathologiques plus préoccupantes.
Le complexe d’Érostrate ne se retrouve pas seulement dans l’univers cybernétique. Nous le voyons, par exemple, dans l’«affichage» de cette personne que l’on connaît et qui accapare la communication d’un groupe, dans ce collègue “fantôme” au bureau qui s’efforce de ressembler à un véritable gagnant, et dans une infinité de personnes (et personnages) qui peuplent, avec leur culte obsessif du “moi”, le paysage social.
Celui qui vit pour faire semblant ne fait pas que créer une existence aussi vide que malheureuse. Au-delà du côté anecdotique, nous ne pouvons pas oublier un détail : en poursuivant la notoriété, l’érostratisme peut pousser beaucoup de personnes à développer des comportements extrêmement nocifs et usants.
Le complexe d’Érostrate, l’homme qui a détruit l’une des sept merveilles pour être célèbre
Les historiens racontent que la nuit du 21 juillet de l’an 365 av. J-C., un fait fort regrettable se produisit et entra dans l’histoire. Le protagoniste de cet acte n’était autre qu’Érostrate, un jeune berge d’Éphèse ; depuis qu’il était enfant, il avait cette obsession aveugle d’avoir été choisi par les dieux pour faire quelque chose de grand, quelque chose qui le rendrait célèbre.
Son rêve était de devenir prêtre d’Artémis. N’ayant pas de père reconnu, on lui refusa ce souhait. Obsédé par ce désir de célébrité, il eut alors une idée, un plan qu’il mit à exécution la nuit du 21 juillet. Il se rendit jusqu’au temple d’Artémis, l’une des sept merveilles du monde. Ensuite, après avoir embrassé la statue de la déesse, il mit le feu à toute la construction.
Après ce désastre, Artaxerxès, roi de Perse, le fit torturer pour comprendre la raison qui l’avait poussé à commettre une telle offense. Érostrate avoua alors son but : entrer dans l’histoire comme l’homme qui avait incendié le magnfiique temple d’Artémis. Après avoir entendu cela, le monarque le condamna à l’ostracisme. Il interdit également, sous peine de mort, de citer le nom de cet homme et de le relier à la destruction du temple.
Mais cet ordre ne servit à rien. L’historien grec Théopompe fit le compte-rendu de l’incendie et mentionna le nom d’Érostrate. Cela explique pourquoi nous connaissons ce fait aujourd’hui. Par ailleurs, dans le champ de la psychologie, on a choisi cette figure comme nom pour le complexe d’Érostrate et ainsi définir ces personnes capables de faire quasiment n’importe quoi pour se démarquer, pour acquérir une renommée et une célébrité.
La recherche de notoriété, la faible estime de soi et les actes délictueux
Alfred Adler, célèbre thérapeute autrichien du début du XXe siècle, a réalisé une étude très intéressante qui explique ce qui peut mener à générer un sentiment sous-jacent d’infériorité. Chez une bonne partie de ces profils, un même patron se dégageait souvent. Un patron que, d’une certaine façon, nous avions déjà pu voir chez Érostrate d’Éphèse lui-même.
Ces personnes ont tendance à tracer un plan de vie chargé d’idéalismes, qu’ils ont du mal à atteindre. Elles présentent, par ailleurs, un désir exacerbé de se distinguer, en projetant même une attitude méprisante vis-à-vis de tous ceux qui les entourent. Dans de nombreux cas, en voulant si désespérément être le centre de l’attention et en n’y parvenant pas, elles finissent par accumuler une grande hostilité.
Une telle attitude peut être extrêmement dangereuse. On sait que, dans certains cas, ces personnes souffrant du complexe d’Érostrate peuvent finir par commettre des actes délictueux. C’est ce qu’Érostrate lui-même a fait le 21 juillet de l’an 365 av. J-C., en brûlant le temple d’Artémis. C’est aussi ce qu’a fait David Chapman, le 8 décembre 1980, en tuant John Lennon, ou encore John Hinckley qui, le 30 mars 1981, a tenté d’assassiner Ronald Reagan.
Le rejet intérieur qui conduit à la violence
Tous ces personnages révèlent, dans leur quête de notoriété, des comportements clairement pathologiques. C’est pour cela qu’ils n’ont pas hésité à porter atteinte à des figures iconiques et pouvoir ainsi avoir une place dans l’histoire. Et ils ont réussi. Nous ne pouvons donc pas banaliser ou considérer comme anecdotique le comportement de ceux qui ne vivent que pour faire semblant, de ceux qui ont ce besoin constant d’être le centre du monde et d’idéaliser leur “moi” en méprisant les autres.
Toute apparence est le reflet de sérieuses carences. Ce sont des personnalités frustrées qui rejettent ce qu’elles sont. Elles cherchent, par ailleurs, à s’agripper à une image inventée, qui est plus difficile à réaffirmer devant un public. Étant donné qu’elles n’atteignent pas toujours cet objectif, elles peuvent avoir recours à des actes plus extrêmes. Il peut s’agir de faire couler d’autres personnes dans le domaine professionnel ou de répandre des rumeurs. Ou bien encore de fermer les yeux, sans le moindre scrupule, devant cette division entre ce qui est éthique et moral et ce qui ne l’est pas.
Le complexe d’Érostrate ne limite pas seulement notre potentiel pour être heureux. Bien souvent, il peut conduire l’être humain à révéler son côté le plus obscur. Gardons cela à l’esprit.
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- Bagby, E. (1923). The inferiority reaction. Journal of Abnormal Psychology and Social Psychology, 18(3), 269–273. https://doi.org/10.1037/h0066946
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