La Norvège, pionnière dans le traitement non médical des maladies mentales

Le traitement des maladies mentales sans médicaments est une réalité à l'hôpital psychiatrique d'Åsgård en Norvège. Les psychiatres cherchent à répondre à la question de savoir si les antipsychotiques sont aussi efficaces qu'on le prétend.
La Norvège, pionnière dans le traitement non médical des maladies mentales
Sergio De Dios González

Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González.

Dernière mise à jour : 28 mai, 2020

Le traitement des maladies mentales sans faire usage de médicaments est une option qui a toujours été sur la table et cela reste aujourd’hui une option en Norvège. Cependant, à partir du milieu du XXe siècle, elle est devenu une sorte d’utopie pour la branche la plus médicale et physiologique de la psychologie.

Avec la découverte et la production de masse des neuroleptiques, on pensait qu’un tournant avait été atteint. Les créateurs et les promoteurs de ce type de médicaments ont fait valoir l’idée que les problèmes de l’esprit avaient eux aussi une racine fondamentalement organique. Il est donc devenu possible de les traiter par l’ingestion de composés chimiques. Ainsi, l’idée qu’il était impossible de traiter les maladies mentales sans recourir aux médicaments est alors devenue largement acceptée.

Cependant, il y a toujours eu un courant parallèle qui voyait les choses différemment. Il ne s’agissait pas seulement d’une position théorique, car il existe encore de nombreuses applications pratiques dont les résultats sont encourageants.

Sur la base de cette pratique parallèle, l’hôpital psychiatrique d’Åsgård, en Norvège, a commencé à traiter les maladies mentales sans recourir aux médicaments.

Un homme abattu

Le respect de l’autonomie des patients

Depuis plusieurs décennies, les droits des patients psychiatriques font l’objet d’une grande controverse. La plupart des systèmes de santé et les spécialistes de ces hôpitaux partent du principe qu’une personne diagnostiquée avec une maladie mentale n’est pas autonome et donc qu’on doit décider pour elle. En effet, contrairement à d’autres maladies, un patient psychiatrique ne peut pas s’opposer au traitement qu’on souhaite lui administrer.

De nombreux psychiatres dans le monde ne partagent cependant pas pas cette opinion. Ainsi, à l’hôpital psychiatrique d’Åsgård, les droits fondamentaux des patients forment un aspect essentiel des soins. Sa politique de traitement des maladies mentales sans qu’il soit fait usage de médicament s’affiche comme une défense des droits des patients.

Dans cette institution, ce sont donc les patients qui décident en dernier ressort s’ils veulent ou non prendre les médicaments qui leur sont prescrits. Ce sont également eux qui décident quand il est temps de réduire les doses, en vue d’arrêter de prendre des pilules ou des médicaments psychiatriques. Ici, le point de vue du patient compte également.

En Norvège, on traite certaines maladies mentales sans médicaments

En réalité, l’hôpital psychiatrique d’Åsgård se conforme à un mandat du ministère norvégien de la santé. Il s’agit d’une politique d’État qui vise principalement à donner aux malades mentaux un statut comparable aux autres citoyens en termes de droits.

Pour beaucoup, cela peut sembler tiré par les cheveux. Comment une personne ayant des problèmes mentaux peut-elle décider de manière responsable de ce qui est le mieux pour elle ? Beaucoup de gens se posent cette question car nombreux sont ceux qui ignorent les tenants et les aboutissants de ce qu’on appelle une “maladie mentale”.

En général, la société a des stéréotypes à ce sujet. On pense, par exemple, qu’une personne atteinte de schizophrénie “raisonne toujours mal” alors qu’elle ne le fait pas systématiquement. C’est un peu comme si l’on pensait qu’un diabétique est toujours en crise. Les “malades mentaux” connaissent des moments de crise en effet, mais dans beaucoup d’autres situations , ils sont stables.

En outre, de nombreuses études remettent en question l’efficacité des traitements médicamenteux. En fait, ce qui est le plus remis en question, ce n’est pas vraiment l’efficacité de ces substances chimiques, mais la manière dont elles sont administrées et utilisées. Elles sont en effet souvent prescrites par commodité et sans réel nécessité. Bien souvent, personne ne conteste le pouvoir de la pharmacologie comme moyen nécessaire afin de commencer à travailler avec un patient déséquilibré.

Une autre question est celle de savoir si la pharmacologie peut “guérir”. Si elle peut aller à la racine du problème. Et, c’est bien là la grande question. Particulièrement, si l’on craint que certains médicaments destinés au traitement des troubles mentaux aient des effets secondaires probables.

Une femme pensant à la Norvège et à son traitement non médicamenteux des maladies mentales

Un système inadéquat

Les réactions à la nouvelle stratégie de l’hôpital psychiatrique d’Åsgård ont été rapides. De nombreux psychiatres (et bien sûr de sociétés pharmaceutiques) ont sévèrement critiqué cette option. Ils affirment que cela est irresponsable envers les patients. Ils disent également que cela pourrait entraîner de plus grandes complications pour leur santé. Cependant, l’Association de psychiatrie de la Norvège a décidé de soutenir l’initiative, à travers une politique “d’ouverture d’esprit”.

La présidente de l’association, Anne Kristine Bergem, a indiqué qu’elle discuterait de cette nouvelle expérimentation lors de sa réunion annuelle. Cette réunion abordera deux thèmes : “Les antipsychotiques fonctionnent-ils ? Ont-ils l’effet que nous pensons qu’ils ont ?” Ces deux questions touchent au cœur même de la psychiatrie biologique.

Il existe de bonnes raisons et des éléments de preuves suffisants pour suggérer que la psychiatrie actuelle présente de graves lacunes. Beaucoup d’entre elles sont liées aux médicaments et au fonctionnement du système de soins de santé mentale. Des initiatives comme celle-ci surviennent à un moment opportun. Espérons que des réponses viendront de Norvège à propos de cette problématique importante.

 


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  • Galende, E. (2008). Psicofármacos y salud mental: la ilusión de no ser. Buenos Aires: Lugar Editorial.

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