La blessure primitive : des marques latentes de l'enfance qui survivent dans le présent
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
La blessure primitive ou primale est un trauma non résolu. Il illustre et signale la vulnérabilité de l’attachement, la faiblesse de ce lien essentiel entre un enfant et ses progéniteurs; c’est une trahison face à des besoins émotionnels non satisfaits et négligés. Cette douleur, qui est apparue à un âge précoce et n’a pas été résolue, est quelque chose que nous avons essayé d’anesthésier à un âge adulte… mais qui, d’une certaine façon, continue à nous conditionner.
L’un des termes les plus communs dans le monde de la psychologie et, plus particulièrement, du point de vue de la psychanalyse, est la figure de la blessure ainsi que celle du trauma. Freud nous expliquait que ces lésions psychiques vont de l’extérieur à l’intérieur. Elles se produisent dans notre environnement le plus proche, surtout dans notre enfance. Ainsi, et loin de se dissoudre avec le temps, cette blessure originelle survit, reste bien présente et s’introduit dans notre être, en se façonnant plusieurs niveaux, et commence à graviter dans tous les domaines de notre vie…
“Il n’y a pas d’étendue plus grande que ma douleur, celle que personne ne voit.”
-Miguel Hernández-
Si Sigmund Freud et sa fille Anna Freud nous ont révélé pour la première fois la transcendance qu’avaient les expériences précoces dans le développement de notre personnalité, dans les années 90, un livre décisif a été publié sur ce sujet. Primal wound ou la blessure primitive a dressé le portrait d’une réalité qui allait bien plus loin. Dans ce travail, on nous expliquait le trauma silencieux, invisible mais permanent vécu par les enfants adoptés.
Nancy Verrier, qui a écrit le livre, a pointé des idées clés sur le lien brisé ou sur ces blessures souvent inconscientes que l’être humain a l’habitude de traîner derrière lui à l’âge adulte, à cause d’une enfance habitée par des vides.
Qu’est-ce que la blessure primitive ?
L’être humain a des besoins qui vont bien au-delà du simple fait de se nourrir. Quand un bébé vient au monde, il a avant tout besoin de se sentir protégé, enveloppé d’affection et abrité par la tendresse. L’amour nous donne un sens et nous nourrit. Il nous aide à nous développer, à nous mouvoir en toute sécurité dans un environnement empathique, où nous nous savons importants pour quelqu’un.
Ainsi, quand un psychologue ou thérapeute reçoit son patient, il essaye de créer une ambiance où l’empathie et la proximité sont toujours patentes et palpables. Nous avons besoin de ce type de nutriments car si nous ne les percevons pas, ne les voyons pas ou ne les sentons pas, notre cerveau réagit presque instantanément. La suspicion apparaît, tout comme la peur et la tension.
C’est ce que ressent un enfant quand il ne reçoit pas d’attachement sécure. La blessure primitive reste imprimée quand les progéniteurs ne sont pas accessibles émotionnellement, psychologiquement et/ou physiquement. Petit à petit, l’esprit de ce bébé, de ce tout petit enfant, est envahi par l’anxiété, la faim, l’angoisse émotionnelle, le vide, la solitude, l’abandon et la négligence.
Nous pouvons presque comprendre la blessure primitive comme un sacrilège évolutif. Ce processus “d’hominisation” que traverse tout être humain part avant tout d’un échange d’affection solide et d’une proximité constante entre la mère et son enfant. Nous ne pouvons oublier qu’un bébé vient au monde avec un cerveau qui n’est pas encore développé. Il a besoin de cette peau et de cet attachement sécure pour continuer à grandir et donner forme à une exo-gestation qui lui permette de favoriser la continuité de son développement.
Si quelque chose échoue dans ce processus, si quelque chose se produit au cours des trois premières années de notre vie, une fracture invisible et profonde surgit. Une blessure que personne ne voit. Celle qui nous handicapera (probablement) dans le futur et dans plusieurs domaines de notre existence. Étudions cela plus en profondeur.
Les effets de la blessure primitive
Il existe un livre très intéressant que l’on considère comme le manuel de référence dans l’étude de l’attachement. Il s’agit de Handbook of attachment des psychologues Jude Cassidy et Philip R. Shaver. Dans ce dernier, ils nous rappellent que la fin de l’être humain est l’auto-réalisation. Notre finalité est de transcender, d’avancer en toute sécurité pour favoriser notre croissance personnelle et émotionnelle en profitant ainsi d’une vie pleine, avec nous-mêmes et avec les autres.
L’une des conditions les plus importantes pour que cela se produise est d’avoir disposé d’un attachement sécure lors de nos premières années de vie. Un attachement mature, proche et intuitif par rapport à nos besoins. Si cela ne se produit pas, la blessure primitive surgit, avec toutes ses conséquences :
- Insécurité et faible estime de soi.
- Impulsivité, mauvaise gestion émotionnelle.
- Plus grand risque de souffrir de divers troubles psychologiques.
- Difficulté à établir des relations affectives solides.
- Une “personnalité de survie” se développe. On essaye de faire preuve d’autonomie et de sécurité mais le vide est toujours bien présent. Il est habituel de traverser des époques où l’on a besoin d’isolement et de solitude. Parfois, on a aussi un très grand besoin de proximité, quelle qu’elle soit, même si elle finit par être nocive ou fausse.
Comment guérir notre blessure primitive
Le plus adéquat est de solliciter l’aide d’un professionnel. Au cours de ces dernières années, des thérapies comme l’EMDR (Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires) ont acquis une plus grande transcendance. Il s’agit d’une technique à travers laquelle sont combinés différents types de stimulation et de traitement de l’information pour que les personnes extériorisent des expériences traumatiques, des blessures de l’enfance. Il s’agit d’en parler, de les reconnaître et de mieux les gérer.
Par ailleurs, il vaut aussi la peine d’énoncer ces stratégies de base qui sont souvent utilisées pour affronter et guérir notre blessure primitive. Ce seraient les suivantes :
- Prendre conscience de nos émotions latentes et leur donner un nom.
- Exprimer nos besoins non satisfaits (affection, soutien, proximité, empathie…). Nous devons les légitimer et ne pas les réprimer.
- Réfléchir sur la solitude que nous avons ressentie au cours de notre enfance. Nous le ferons sans la moindre peur, rage ou honte. Certains évitent de penser au vide qu’ils ont ressenti dans leur enfance, d’autres préfèrent ne pas poser leur regard sur ces années de souffrance parce qu’ils ressentent de la douleur et de l’inconfort. Nous devons extérioriser ce “moi” blessé, cette part de nous-mêmes qui est encore pleine de colère parce qu’elle n’a pas reçu suffisamment d’affection et de sécurité.
- Vous devez comprendre que vous n’en êtes pas responsable. La victime n’est coupable de rien.
- Libérez-vous de cette tristesse et de vos émotions internes.
- Engagez-vous avec vous-même pour changer. Vous avez la possibilité de vous transformer, de vous responsabiliser afin d’atteindre un bien-être intérieur.
Enfin, les experts en gestion et affrontement de la blessure primitive et du trauma nous recommandent de pardonner. Pardonner nos progéniteurs ne les exempt pas de toute culpabilité mais cela nous permet de nous libérer de leurs figures. De cette façon, nous acceptons ce qu’il s’est produit. Nous assumons la responsabilité de tout ce dont nous avons souffert tout en étant capables d’accorder un pardon qui nous permet de mettre un terme à la douleur. En faisant cela, nous avancerons plus facilement. Plus légèrement. Libérés de la douleur, de la rage et des souvenirs d’hier.
Pensons-y. Le thème de la blessure primitive suscite sans doute un grand intérêt et il vaut la peine de comprendre cette réalité psychologique très complexe.
Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.