Kétamine : au-delà de l'anesthésie
Rédigé et vérifié par Psychologue Andrés Navarro Romance
“J’ai vu une lumière au bout du tunnel”. C’est la phrase bien connue que les médias, par le biais de la culture populaire, nous ont transmise comme une représentation de ce que certains considèrent comme des “expériences hors du corps” ou des “expériences de mort imminente”. Mais, au-delà des considérations surnaturelles, il existe une drogue anesthésique bien connue qui pourrait être à l’origine de certaines de ces expériences. Il s’agit de la kétamine.
Certaines des personnes qui relatent ces expériences d’évasion extracorporelle et de perception de celle-ci – d’un point de vue éloigné du corps physique lui-même – étaient à l’époque en train de subir une opération chirurgicale sous les effets sédatifs de la kétamine.
Nous parlons d’une drogue qui possède de puissantes propriétés psychotropes. Ces phénomènes populaires de fuite et de passage en tunnel au moment de la mort ont donc trouvé une logique scientifique.
La kétamine est capable, comme d’autres drogues récréatives, de générer des phénomènes de dissociation perceptive. La composition des perceptions, quelle que soit la modalité sensorielle – y compris la perception du temps et de soi-même en tant qu’être intégral mais différencié – se produit de manière désordonnée ou illogique.
Par conséquent, le phénomène perceptif final apparaît déformé, entremêlé. Des transferts sensoriels intermodaux (comme entendre une couleur, goûter un son, etc.) se produisent. Dans des cas un peu plus extrêmes, le sens directionnel du temps change ou s’inverse, s’étend ou se contracte. La personne cesse de reconnaître ses propres limites physiques et ses membres corporels.
Les hallucinations multisensorielles – visuelles, auditives, gustatives, tactiles et olfactives – sont alors fréquentes. Tout comme l’expérience “in situ” d’épisodes spatiaux et temporels réels, loin de la temporalité du temps et du lieu actuels de l’individu. Ce phénomène est connu sous le nom informel de “voyage” ou “trip”.
Très fréquemment, et selon les récits des personnes concernées, de véritables échanges dialectiques et expérientiels ont lieu avec des personnes déjà décédées, des personnages fictifs, voire une version différente de soi-même ; il est également fréquent que la croyance subjective que l’on est mort survienne et que l’individu éprouve une exaltation anxieuse et des émotions exorbitantes – en particulier celles liées à la peur.
À des doses thérapeutiques et contrôlées, comme sur une table d’opération, ces effets psychoactifs sont réversibles et transitoires. Mais ingérée à différentes doses, la kétamine peut induire un état dissociatif profond.
Elle peut également induire une perception des choses, des personnes et des situations non réelles dans une mesure difficilement conciliable avec la réalité elle-même, et au risque de provoquer des séquelles ou de favoriser des poussées psychotiques chez des personnes qui y sont biologiquement prédisposées.
Ce problème a fait de l’utilisation de la kétamine un sujet très controversé. C’est pourquoi son utilisation légale chez l’homme a été limitée ces dernières années. On l’utilise parfois seulement en dernier recours. Pour autant, elle demeure l’anesthésique de choix dans la chirurgie vétérinaire des grands animaux.
Qu’est-ce que la kétamine ?
La kétamine est un type de médicament que l’on utilise essentiellement pour l’induction et le maintien de l’anesthésie. Elle est utilisée en chirurgie humaine, tant chez l’adulte que chez l’enfant. Elle a la capacité d’induire un état de transe, tout en apportant :
- Soulagement de la douleur
- Sédation
- Perte de mémoire
Outre cet usage chirurgical, qui est également très répandu en médecine vétérinaire, la kétamine est utilisée dans la gestion de la douleur chronique et pour la sédation rapide dans les unités de soins intensifs (USI).
Pendant que le médicament exerce ses effets, on observe une relative préservation des fonctions cardiaques, respiratoires et des divers réflexes. Normalement, ce n’est que lorsque les effets commencent à s’affaiblir que des réactions secondaires indésirables apparaissent, telles que :
- Élévation de la pression artérielle
- Dépression respiratoire
- Contractions musculaires involontaires
- Agitation
- Confusion
- Hallucinations
Ce sont les effets qui peuvent être attribués à cette drogue lorsqu’on l’utilise illégalement et à des fins récréatives, à des doses plus élevées ou administrées d’une manière différente que strictement clinique.
Usages alternatifs
Malgré sa mauvaise réputation, les obstacles politiques et juridiques qui entourent cette substance – désormais largement considérée comme une drogue créant une dépendance – et les réticences des sphères cliniques et pharmaceutiques et de la communauté des patients elle-même, de nombreuses recherches ont été menées sur les utilisations alternatives.
“Le vin est une chose merveilleusement appropriée à l’homme si, en santé comme en maladie, on l’administre avec à propos et juste mesure suivant la constitution individuelle.”
-Hippocrate-
Son mécanisme d’action consiste à bloquer sélectivement le récepteur connu du NMDA (N-méthyl-d-aspartate), ce qui, en plus de réduire l’activité cérébrale globale, rend également difficile le maintien des symptômes mnémoniques et temporairement palliatifs de la dépression.
Cette action, ainsi que sa pharmacocinétique et sa pharmacodynamie, font de la kétamine un anesthésique et un sédatif puissants. Très pratique pour des applications médicales, mais également pour un usage récréatif. Ce médicament est fortement dissociatif, précisément en raison de son lien avec le récepteur NMDA.
Outre les utilisations mentionnées ci-dessus – considérées comme “typiques” dans la pratique clinique – il existe d’autres utilisations moins exploitées pour lesquelles la kétamine semble être une alternative efficace :
- Comme adjuvant dans le traitement de la dépression
- En tant que médicament hypnotique ou somnifère
- Pour réduire l’incidence des crises d’épilepsie
- Comme agent neuroprotecteur, surtout en cas de lésions cérébrales
- Pour aider à atténuer les effets du stress post-traumatique et aussi dans le traitement du trouble obsessionnel-compulsif
- En tant que réducteur des symptômes asthmatiques
Kétamine et dépression
De toutes les nouvelles utilisations surprenantes attribuables à la kétamine, celle qui semble susciter le plus d’intérêt, et celle qui, selon toutes les indications, recevra l’application clinique et la commercialisation la plus précoce, est son utilisation en complément d’un traitement antidépresseur.
À cet égard, et indépendamment de l’hypothèse mono-aminergique largement acceptée qui a alimenté la recherche et la génération de familles d’antidépresseurs pendant tant de décennies, la véritable nouvelle est que précisément ceux qui en ont le plus bénéficié sont ceux qui ont le moins réagi aux antidépresseurs courants.
En d’autres termes, la kétamine agit là où les autres antidépresseurs ne le font pas. Elle donne de bons résultats chez les personnes dont la dépression est résistante aux médicaments courants. Un résultat que très peu de scientifiques ont pensé à envisager.
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- Morgan, Celia J. A.; Muetzelfeldt, Leslie; Curran, H. Valerie (2009). «Consequences of chronic ketamine self-administration upon neurocognitive function and psychological wellbeing: a 1-year longitudinal study». Addiction 105 (1): 121.
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