Jeu pathologique : diagnostic, théories et traitement
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Pour la plupart d’entre nous, les jeux de hasard, comme le jeu pathologique, peuvent être une activité récréative parmi d’autres qui n’a pas forcément de conséquences négatives. Les gens peuvent jouer dans les réunions sociales comme une forme d’amusement ou de socialisation avec les autres ou comme un moyen de passer le temps.
Il y a d’autres cas où le jeu de hasard passe du simple divertissement à l’élément central de la vie d’une personne. Il prend littéralement le contrôle de sa vie.
Lorsque la personne ne peut pas s’empêcher de penser au jeu, ressent le besoin de mentir ou investit des sommes d’argent qu’elle ne peut pas se permettre de perdre, elle est devenue un joueur pathologique.
Ce qui détermine que le jeu est pathologique est la capacité d’une personne à contrôler volontairement son implication dans le jeu. En général, la perception qu’une personne a de ses propres capacités peut être altérée. Elle peut être incapable de reconnaître la réalité jusqu’à ce que les conséquences deviennent dramatiques.
Ce biais, appelé illusion de contrôle, fait croire aux joueurs qu’ils contrôlent la situation et qu’ils peuvent s’arrêter quand ils le veulent. Mais la réalité est toute autre. Souvent, le jeu leur échappe. Cela finit par avoir des conséquences importantes au niveau économique, familial, social et professionnel.
Le DSM 5 a déplacé cette catégorie de diagnostic dans le chapitre sur les troubles liés aux substances et autres addictions. Ce qui a motivé ce changement est la similitude entre le jeu et d’autres addictions. Les mêmes mécanismes cérébraux seraient impliqués dans les deux entités, en particulier ceux liés au système de récompense.
Comment diagnostiquer le jeu pathologique ?
Afin de diagnostiquer le jeu pathologique chez un patient, le DSM5 nous indique que le jeu doit être problématique, persistant et récurrent et provoquer une détérioration ou une gêne cliniquement significative. En d’autres termes, la personne commence à jouer pour ne pas se sentir mal. De plus, face au jeu, les autres renforts ont perdu de leur valeur.
Le patient doit également présenter quatre critères ou plus, sur un total de 9 sur une période de 12 mois. Ces critères sont les suivants :
- A besoin de jouer des sommes d’argent croissantes pour obtenir l’excitation souhaitée
- Est nerveux ou irrité lorsqu’il essaie de réduire ou d’arrêter de jouer
- Fait des efforts répétés pour contrôler, réduire ou arrêter le jeu
- A souvent l’esprit occupé par le jeu
- Joue souvent quand il se sent mal à l’aise
- Après avoir perdu de l’argent au jeu, il revient souvent un jour de plus pour essayer de gagner
- Mensonges pour cacher son implication dans le jeu
- Met en péril ou perd une relation importante, un emploi ou une carrière universitaire ou professionnelle
- Compte sur les autres pour lui donner de l’argent afin de soulager sa situation financière désespérée
Ce comportement ne doit pas s’expliquer par un épisode maniaque, car il faut alors l’attribuer à ce diagnostic et non à un jeu pathologique.
En plus de ces caractéristiques diagnostiques fournies par le manuel de l’APA, il existe un certain nombre de distorsions cognitives que l’on retrouve très souvent chez ces patients.
Outre l’illusion de contrôle, il est normal que les joueurs présentent la corrélation illusoire. En somme, ils considèrent que certaines variables vont leur être favorables en fonction de critères illogiques.
D’autres troubles sont aussi présents :
- La fixation sur des fréquences absolues : ils évaluent leur succès en fonction de ce qu’ils ont gagné et ne prennent pas en compte tout ce qu’ils ont perdu
- L’attribution flexible : attribuer les succès à des facteurs personnels et les échecs à l’extérieur
- Les explications post-hoc : croire qu’ils prédisent le résultat une fois qu’il s’est déjà produit
Théories explicatives sur le jeu pathologique
Voici quelques perspectives théoriques qui ont tenté d’expliquer le jeu pathologique :
Le modèle des états de besoin
Selon cette théorie, le jeu est considéré comme un comportement qui satisfait certaines des lacunes du sujet. La dépendance serait acquise comme une tentative de contrôler cette situation de stress chronique que cette altération implique.
Les facteurs qui prédisposent au jeu sont :
- Un niveau altéré d’activation psychophysiologique aversive
- Un état altéré de l’identité, comme le fait d’avoir un sentiment d’infériorité, un handicap ou de se sentir rejeté
Disons que dans ce sens, le jeu sert de couverture à toutes ces lacunes non résolues.
La théorie du renversement de Brown
Elle se base sur l’éveil/l’activation et la théorie du renversement d’Apter. Elle propose deux systèmes qui conduiraient la personne à la motivation de jouer et à un niveau d’activation optimal.
Dans cette perspective, nous parlons d’un état guerrier (le sujet est motivé et orienté vers un but, jouissant de son anticipation, mais avec une faible activation) et de l’état paratélique (états de forte activation et de jouissance avec des sensations immédiates).
Disons que la personne en état de guerre perçoit le jeu avec anxiété. Celle en état paratélique est plus attirée par le jeu. Le guerrier commence le jeu pour induire un état paratélique, où l’activation n’est pas vécue avec l’anxiété, mais avec le plaisir.
Disons que le joueur apprend que, s’il continue à jouer malgré l’anxiété, alors les renforts et les gains viendront et c’est pourquoi le problème demeure.
Le modèle de Dickerson et Adcock
Il explique comment le jeu est maintenu et se concentre sur l’activation comme variable clé. Les deux facteurs qui modulent l’activation sont : l’humeur et l’illusion de contrôle. Ce modèle explique que plus l’humeur est basse, plus le comportement de jeu dure longtemps. Le but étant d’atteindre le niveau d’activation optimal avec lequel le joueur se sent à l’aise.
Le modèle de Sharpe et Tarrier
Il explique le problème en se basant sur le programme de renforcement typique du jeu : la variable. Le gain monétaire n’est pas une chose fixe. Parfois, cela arrive et parfois non. Cette variabilité permet à la personne de s’accrocher plus facilement au jeu, puisqu’elle ne peut pas anticiper le moment où elle gagnera.
Traitement du jeu pathologique
Il y a deux objectifs thérapeutiques : l’abstinence complète ou le jeu contrôlé. On fera le choix de l’un ou l’autre en fonction du profil de chaque patient. Cependant, le plus courant est l’abstinence complète. Les traitements utilisés sont les suivants :
Groupes d’entraide “Joueurs anonymes”
Ils considèrent le jeu comme une maladie chronique et progressive sur laquelle on peut intervenir pour ralentir son développement, mais pas la guérir.
Le groupe constitue un réseau de soutien social, mais les taux d’abandon sont élevés dès les premières sessions. Il ne serait pas utile pour les patients aux premiers stades, mais plutôt pour ceux qui ont des problèmes plus associés.
Pharmacothérapie
On peut envisager trois types d’approche à cet égard : les stabilisateurs de l’humeur comme le carbonate de lithium ainsi que les neuroleptiques, les ISRS comme la fluoxétine, et même le naltrexone en raison de sa similarité avec les toxicomanies.
Programmes à composantes multiples
Il y a deux façons de réaliser ces programmes :
- Internement : si le profil du patient est celui d’une personne sans soutien social ou familial, avec des idées de suicide ou de désorganisation comportementale. C’est-à-dire les patients graves
- En consultation externe : de ce point de vue, nous trouvons deux des plus célèbres. Le programme de Ladouceur et al. et le programme d’Echeburua et Baez. Le premier comprend des techniques plus cognitives telles que la restructuration, la résolution de problèmes et la prévention des rechutes. D’autre part, le programme d’Echeburua et Baez est de nature plus comportementale, comprenant des stratégies telles que le contrôle-stimulation et l’exposition avec prévention des réactions, ainsi que la thérapie de groupe
Le traitement du jeu pathologique, comme celui des autres types de dépendance, n’est pas facile. Il exige d’abord que la personne reconnaisse un problème, puis qu’elle se rende compte qu’elle ne peut pas le gérer seule.
Enfin, dans de nombreux cas, avoir un bon cercle de soutien est cette dernière poussée qui encourage la personne à venir consulter, celle qui renforce et consolide les progrès et aussi celle qui prévient les rechutes.
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- Belloch, A., Sandín, B. y Ramos, F (2008). Manual de psicopatología. Volúmenes I y II. McGraw-Hill.Madrid
- American Psychiatric Association (APA) (2014): Manual de Diagnóstico y Estadísitico de los Trastornos Mentales, DSM5. Editorial Médica Panamericana. Madrid.
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