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Fatigue pour compassion : l’érosion des professionnels de santé

5 minutes
Fatigue pour compassion : l’érosion des professionnels de santé
Gema Sánchez Cuevas

Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas

Écrit par Sara Clemente
Dernière mise à jour : 15 octobre, 2024

Parfois, les professionnels sanitaires ne parviennent pas à améliorer l’état de la personne qu’ils sont en train de traiter, d’aider ou dont ils prennent soin. Cela produit chez eux une forme de stress post-traumatique : la fatigue de compassion. C’est un état qui est le fruit de l’érosion énergétique constante des soignants pour l’aide thérapeutique qu’ils apportent et la compassion qu’ils ressentent envers leurs patients.

Cette usure rend visible l’état émotionnel dans lequel peuvent se trouver les professionnels de santé en observant la souffrance physique, psychologique, social et spirituelle que manifestent les personnes qui les entourent. De plus, avec le passage du temps ils peuvent même parvenir à ressentir indirectement leurs douleurs et leur mal-être.

L’empathie comme déclencheur de stress

Lorsqu’une personne a recours à la dialyse quasiment tous les jours de la semaine, il se créé inévitablement un lien émotionnel entre le professionnel de santé et le patient. Ils ne parviennent peut-être pas à maintenir une relation personnelle, mais le simple fait de se voir quotidiennement et d’échanger des observations et de l’espoir d’amélioration génère un lien amical.

Dans ces cas-là, savoir se mettre à la place des autres est la clé. Comprendre leurs nécessités et leur ressenti favorise le lien créé. L’empathie peut également jouer un mauvais rôle lorsqu’elle déclenche l’apparition de certains types de stress. En fait, c’est le facteur déclencheur de la symptomatologie de la fatigue de compassion.

L’empathie augmente la qualité du traitement et l’intervention avec les patients. Mais, dans le même temps, elle augmente la vulnérabilité à l’érosion du professionnel. Avec une empathie plus importante, le risque d’expérimenter cet effet est plus important.

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Mécanismes cérébraux de l’empathie

“Fatigue pour compassion” est un terme prononcé par Charles Figley en 1995, directeur de l’institut de traumatologie à Tulane University (Nouvelle-Orléans). Il observa le fait que les professionnels de santé qui travaillent dans la santé mentale avec des personnes traumatisées expérimentent indirectement les effets du traumatisme des patients qu’ils assistent, avec le passage du temps.

Bien que l’origine de ce terme soit relativement récente, les mécanismes cérébraux qui l’expliquent sont impérissables et sont liés à l’empathie et aux conduites d’imitation. Ainsi, l’amygdale, le cortex orbitofrontal et les neurones miroirs permettent à une personne de ressentir ce qu’une autre personne ressent.

De plus, si ces sensations cachent une profonde douleur et une souffrance immense, cette capacité empathique s’améliore. Et la fatigue pour compassion devient plus évidente.

Signes qui caractérisent la fatigue pour compassion

La fatigue pour compassion est le résultat d’un processus cumulatif. Comme nous l’avons vu, elle se développe en raison d’un état de mal-être émotionnel prolongé par un contact continu et intense avec les patients. Mais, quels sont les signes et symptômes qui peuvent indiquer la fatigue pour compassion ?

  • Cognitifs : difficultés de mémoire, manque d’attention et de concentration, pensées négatives récurrentes ou flash-backs.
  • Emotionnels : sentiments intenses de peur, de tristesse, de colère, de désespoir généralisés ou perte de joie ou de bonheur.
  • Somatiques : gênes gastro-intestinales, vertiges, maux de tête, hypertension, douleurs, tension musculaire, fatigue chronique, difficultés à trouver le sommeil…

Au niveau professionnel, certains signes peuvent être identifiés comme par exemple une faible motivation, des sentiments d’incompréhension, une perception de faible capacité professionnelle ou une distance au sein de l’équipe.

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La relation avec le stress post-traumatique

Comme nous le voyons, la fatigue pour compassion partage des symptômes caractéristiques du Trouble de Stress Post-traumatique. Mais avant de l’expliquer, voyons en quoi consiste le TSPT.

Ce trouble se développe après un événement très stressant ou traumatique qui suppose une menace ou une douleur physique extrême pour un individu. Ainsi, l’organisme génère une réponse sous la forme de stress, résultat de son effort pour s’adapter à l’environnement. Il peut apparaître à n’importe quel âge, et se développer postérieurement aux faits.

Pour sa part, la fatigue pour compassion apparaît de manière brutale et aiguë. De plus, dans ce cas concret, elle a de multiples déclencheurs qui génèrent un effet stressant chez le professionnel de santé. Les déclencheurs sont l’exposition constante, le compromis émotionnel et la relation thérapeutique qu’il maintient avec ses patients.

3 groupes de symptômes partagés

La fatigue pour compassion partage une série de symptômes du cadre psychopathologique du TSPT :

  • Ré-expérimentation : si le conflit n’est pas résolu, le professionnel peut revivre ou se remémorer l’expérience traumatique sous forme de rumination ou de flash-backs. Dans le cas des professionnels de santé c’est particulièrement délicat. Le stress n’est pas généré par une surcharge de travail, mais par le compromis émotionnel envers le patient qui se fait soigner.
  • Évitement et ennui psychique : la personne réalise des efforts afin d’éviter des pensées, des émotions, des lieux, des tâches ou des situations qui pourraient lui rappeler le fait traumatique. D’autre part, elle a tendance à éliminer des aspects importants de celui-ci et à réduire son intérêt et son implication à des activités qui lui étaient avant gratifiantes. La personne avec fatigue pour compassion, de la même manière qu’elle expérimente le TSPT souffre de mal-être, d’irritabilité, de confusion et d’irascibilité. Avec cela, elle prend de la distance physiquement et affectivement envers ses patients et le reste des personnes, ce qui peut blesser son cercle le plus intime.
  • Hyperactivation ou hyper-arousal : l’arousal est le niveau d’activation physiologique. Dans le cas des personnes souffrant de ce trouble, l’état de tension et d’alerte sont permanents. En fait, ils se trouvent altérés, irritables, exaltés et manifestent une réactivité extrême face à un quelconque évènement.
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Comment travailler sur la fatigue pour compassion

Connaître ce qu’est la fatigue pour compassion nous rend conscients des possibles conséquences d’une mauvaise gestion émotionnelle dans le traitement avec les patients de la part des professionnels de santé. Certaines suggestions pour améliorer la situation sont :

  • S’accorder du temps seul afin de voir les choses en perspective et de déconnecter.
  • Identifier les forces et les capacités à disposition pour faire face aux situations de douleur et de souffrance des autres.
  • Dormir de manière adéquate et avoir une bonne nutrition.
  • Réaliser des exercices de relaxation ou des activités physiques de manière régulière.
  • Partager des opinions avec les collègues de travail.

Comme nous le voyons, les effets secondaires d’une situation ou de circonstances avec une charge émotionnel et de souffrance élevée sont tangibles, même chez les professionnels qui savent comment y faire face. Prendre soin de nous-même est une priorité que nous ne pouvons pas oublier. En fait, c’est la base pour offrir un traitement et une attention de qualité aux autres.

 

Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.