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Le besoin irrépressible d'avoir toujours raison

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Le besoin irrépressible d'avoir toujours raison
Dernière mise à jour : 16 juillet, 2017
Certaines personnes sont des commentatrices professionnelles, des esprits obsédés par le fait d’avoir raison et de prouver aux autres qu’iels ont tort. Ce sont des égos démesurés qui n’offrent que peu d’empathie, des spécialistes des disputes incessantes, des artisan-e-s habiles de la déstabilisation de l’harmonie de n’importe quel contexte.
Vouloir avoir raison et prouver que nous sommes dans le juste est quelque chose de satisfaisant pour tout être humain, nous ne pouvons le nier. C’est quelque chose de grisant pour notre estime personnelle et un excellent moyen de rééquilibrer nos dissonances cognitives. Mais nous sommes également nombreux-ses à comprendre que cela a des limites, qu’il est vital d’adopter des attitudes constructives et une vision humble, ainsi que d’avoir un cœur empathique, afin d’apprécier à leur juste valeur les efforts fournis par les autres.

Cependant, l’un des grands maux de l’humanité est que nous continuons toujours à ressentir le besoin irrépressible d’avoir raison. Ma vérité est l’unique vérité et la tienne ne vaut rien“, voici ce que de nombreux esprits pensent. Et cela ne vaut pas seulement pour les personnes physiques, mais également pour les organismes sociaux, les groupes politiques et les États, qui nous vendent leurs idées moralisatrices comme des vérités absolues.

Au-delà de voir cela comme un comportement anecdotique et peu dangereux, nous devons prendre conscience qu’il s’agit de quelque chose de bien réel et sérieux. Une personne obsédée par le fait d’avoir toujours raison finit forcément par souffrir de deux effets secondaires implacables : l’isolement et des problèmes de santé. Nous devons être capables de nous connecter avec les autres, d’être sensibles, respectueux-ses et habiles au moment de créer des ambiances harmonieuses.

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Deux hommes dans une barque : l’histoire de l’aveuglement, de la peur et de l’orgueil

Thich Nhat Hanh, également connu sous le nom de “Thay” (“maître” en vietnamien), est un maître zen, un poète et un grand activiste de la paix. Il a publié plus de 100 livres et a été proposé au Prix Nobel de la Paix par Martin Luther King.

Parmi les nombreuses histoires que Thay conte lors de ses conférences, l’une d’entre elles nous donne un bon exemple de ce qu’est le besoin irrépressible de l’homme d’avoir raison. Le conte débute lors d’une matinée ordinaire dans une région du Vietnam. Dans les années 1960, le contexte belliqueux était en train de prendre de l’ampleur dans ces terres tranquilles, sereines et marquées par les habitudes séculaires de ses habitants.

En ce jour ordinaire, deux vieux pêcheurs naviguaient sur la rivière, quand tout à coup, ils virent une embarcation remonter le fleuve et se diriger droit sur eux. L’un des deux anciens, qui était en train de ramer, pensa immédiatement que cette embarcation était celle de l’ennemi. L’autre ancien commença à crier très fort, car il pensait qu’il s’agissait là d’un pêcheur égaré et peu aguerri, qui était simplement en train de faire une manœuvre hasardeuse.

Les deux pêcheurs commencèrent à se disputer comme s’ils étaient deux enfants dans une cour d’école, jusqu’à ce que l’embarcation qui remontait le fleuve les percute et les projette dans l’eau. Ils se mirent à s’agripper aux restes de bois de leur barque, pour finalement se rendre compte que l’embarcation qui les avait percutés était vide. Aucun des deux n’avait donc raison. L’authentique ennemi était donc dans leur esprit, dans des pensées si obtuses qu’ils étaient devenus comme aveugles à leur propre réalité.

 

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Les croyances sont nos possessions

L’être humain est une authentique machine à croyances. Nous les intériorisons et nous les considérons comme des programmes mentaux que nous répétons encore et encore, jusqu’à les intégrer et à les voir comme nos propriétés, comme des objets qui doivent être défendus quoi qu’il arrive. De fait, notre ego est composé d’une mosaïque de croyances variées et puissantes, qui est si intégrée à notre propre personnalité que nous pouvons risquer de perdre des amis pour le simple fait d’avoir raison.

Il est important de garder à l’esprit que nous avons tou-te-s le droit d’avoir nos propres opinions, nos vérités intrinsèques et nos sujets de prédilection. Toutes ces choses que nous avons découvertes avec le temps, auxquelles nous nous identifions et qui nous définissent. Cependant, nous devons faire attention à ce qu’aucune de ces dimensions ne vienne perturber notre esprit, ne vienne l’enfermer au point que nous pensions de ces croyances qu’elles sont des vérités absolues et indéboulonnables.

Certaines personnes vivent un dialogue intérieur égocentré et se répètent, comme une forme de mantra, que leurs idées sont les meilleures, que leurs intérêts sont les plus importants et que leur vérité est un puits sans fond de sagesse inaltérable. Penser de cette manière les oblige à chercher dans leur vie des personnes qui leur permettent de valider leurs croyances. Leurs vérités doivent être au centre d’un univers qui jamais ne peut être remis en question par qui que ce soit.

Les conséquences d’un tel comportement sont très sérieuses et sont quasiment irrémédiables.

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Le besoin désespéré d’avoir raison et ses conséquences

Le monde n’est pas peint en noir et blanc. La beauté de la vie et des personnes qui nous entourent se trouve dans leur diversité, dans leurs centres d’intérêts variés, dans leurs perspectives de pensée distinctes. Nous sommes plus ou moins réceptif-ve-s à ces personnes, à ces événements de la vie, et cela nous permet de nous construire, de mûrir et d’avancer.

Nous focaliser sur une pensée unique et nous imposer une croyance en une vérité universelle, c’est aller contre l’essence de la nature humaine, contre l’idée même de liberté individuelle. Ce n’est pas logique et ce n’est surtout pas sain. James C. Coyne, écrivain, psychologue et professeur émérite de l’École de Psychiatrie de l’Université de Pennsylvanie, affirme que le besoin d’avoir toujours raison est un mal moderne, capable d’affecter notre santé tant d’un point de vue physique qu’émotionnel.

Selon une étude menée par l’Université de Bradford au Royaume-Uni, environ 60% des personnes qui cadrent dans ce profil souffrent d’ulcères, de taux élevés de stress et de relations perturbées avec leur famille. Et comme si ce n’était pas déjà suffisant, elles disposent également de la faculté de nuire au vivre-ensemble de leur entourage.

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Pour conclure, nous savons tou-te-s que notre quotidien est composé de différents courants et flux que nous devons traverser du mieux que nous pouvons. Nous naviguons tou-te-s dans notre propre barque, en direction de l’aval ou de l’amont du fleuve de notre vie. Au lieu de nous obséder à garder le même cap, nous devons apprendre à voir plus loin que l’intérieur de notre embarcation pour ne pas entrechoquer nos vies avec celle des autres.

Cédons le passage, créons un océan d’esprit capables de se connecter les uns aux autres, pour que nous puissions tou-te-s nous mouvoir en toute liberté et en harmonie. Nous cherchons tou-te-s un même destin, qui est celui qui nous guidera vers le bonheur. Construisons-le donc autour de valeurs comme le respect, l’empathie et une authentique conception du vivre-ensemble.

 

Images de Logan Zillmer

Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.