1984, par George Orwell
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Le roman 1984, ainsi que La ferme des animaux, sont les œuvres les plus célèbres de l’écrivain George Orwell. Cet auteur nous présente une littérature politique avec des nuances psychologiques de grand intérêt. Orwell est célèbre pour posséder une idéologie reposant sur le socialisme démocratique (à ne pas confondre avec la social-démocratie) et l’anti-totalitarisme. Il s’agit de la raison pour laquelle Orwell s’est rendu en Espagne pour y combattre le fascisme dans la milice du POUM pendant la guerre civile ; histoire relatée dans son ouvrage intitulé Hommage à la Catalogne.
1984 est un roman dystopique basé sur un système gouvernemental appelé Socing (Socialisme Anglais). Ce gouvernement a créé une société reposant sur le contrôle de l’information, dont la pierre angulaire est : “Qui contrôle le présent, contrôle le passé et qui contrôle le passé, contrôlera l’avenir”. Ce livre est aujourd’hui considéré comme un excellent ouvrage afin de réfléchir sur notre société actuelle, afin de nous interroger pour savoir dans quelle mesure nous sommes devenus une société orwellienne.
Dans son roman, Orwell présente une série de concepts ou d’idées très attrayants du point de vue de la psychologie. C’est pourquoi nous analyserons certains d’entre eux en profondeur dans le cadre de cet article. Plus précisément, nous parlerons de : (a) la double pensée, (b) la nouvelle langue et (c) la société basée sur le contrôle de l’information.
La double pensée de 1984
Un des aspects centraux tournant autour du contrôle de la population dans le Socing est la double pensée. La double pensée signifie le pouvoir ou la faculté de soutenir simultanément deux opinions contradictoires, deux croyances opposées logées en même temps dans un même individu.
La population est éduquée dans une double pensée afin qu’elle soit en mesure d’accepter les contradictions et comprendre leur existence pratique. Dans la société de contrôle de 1984, les artifices de l’État totalitaire ne sont pas cachés, il est enseigné à la population comment les accepter et les nier en même temps. Ceci se reflète dans les trois slogans mis en avant par le Socing :
“La guerre est la paix. La liberté est l’esclavage. L’ignorance est la force.”
Le but ultime de la double pensée est que les individus y procèdent de manière automatique. Être capable de garder deux contradictions dans notre tête et ne même pas se rendre compte qu’elles sont contradictoires. Néanmoins, cela arrive-t-il dans la vraie vie ? Existe-t-il un syllogisme entre la double pensée et notre façon de penser ? C’est ici que se trouve l’intérêt psychologique de la double pensée.
De nombreuses études nous ont montré que notre cerveau supporte des idées contradictoires. Cela tourne autour de la théorie de la dissonance cognitive de Festinger, laquelle précise que nous avons souvent des idées dissonantes, mais qu’il existe des mécanismes pour ignorer ou résoudre cette dissonance. La double pensée serait un moyen de rationaliser les dissonances et de pouvoir coexister avec elles.
Nous utilisons aujourd’hui la double pensée plus souvent que nous ne pourrions l’imaginer et les gouvernements en profitent dans une certaine mesure. Un exemple clair est l’animosité envers les attentats terroristes, alors que beaucoup de nos États (protégés par les gouvernements que nous votons) effectuent également des actes de même nature et vendent même des armes auxdits groupes terroristes. Nous devons faire extrêmement attention car la rationalisation des contradictions est un processus automatique et nous pouvons le réaliser facilement et sans en avoir conscience.
Le nouveau langage du Socing
Un autre aspect clé du contrôle dans 1984 est le contrôle de la pensée. Pour y parvenir, le Socing cherche à modifier le langage afin que la pensée devienne pratique et non utile au raisonnement. Car si les individus raisonnaient trop, cela amènerait à briser la double pensée, et conduirait par la même à la destruction de l’ordre de l’Etat. Ainsi, suivant l’hypothèse de Sapir-Whorf, Orwell nous dit qu’en modifiant le langage, nous modifierons l’esprit humain.
Pour ce faire, le Socing réduit le langage à sa plus grande simplicité, le transformant uniquement en un langage de communication totalement pragmatique. Dès lors, les synonymes et les antonymes perdent leur signification ; il n’est désormais plus intéressant de communiquer les nuances des mots qui conduisent à des jugements de valeur et à des interprétations. Et les antonymes génèrent des conflits, et du conflit surgit le raisonnement ; un exemple de ceci peut être de supprimer le mot “guerre” du dictionnaire, et parler seulement en termes de davantage de paix ou de moins de paix.
La leçon que nous pouvons tirer de la nouvelle langue pour nos vies actuelles est celle inhérente aux dangers du langage. La langage est capable d’altérer notre perception et notre pensée. Ainsi, un discours politique peut sembler très différent selon les mots qui le constituent ; lorsque un homme politique cherche à promouvoir des mots tels que “démocratie”, “constitutionnel”, “paix” et utilise par ailleurs des mots tels que “attaque” ou “guerre”, indépendamment de son programme, il recherche la sympathie des citoyens. C’est pourquoi il est important d’explorer les raisonnements et de ne pas tomber dans l’inspiration superficielle, mais puissante, du langage.
La société basée sur le contrôle de l’information
Dans 1984, le “Big Brother” est celui qui surveille et contrôle tout. Les citoyens sont surveillés partout, même dans leurs propres maisons. Même au sein des familles, les enfants sont éduqués pour surveiller leurs parents et les dénoncer s’ils commettent un crime. Un aspect fondamental du contrôle est la manipulation de l’information.
Pour le Socing, le passé peut être réécrit pour contrôler la stabilité du gouvernement. Dans le roman existe un Ministère de la Vérité, lequel se consacre à changer tous les écrits, les journaux ou les livres, afin de favoriser “Big Brother” ; si “Big Brother” a dit que les rations de chocolat allaient augmenter, et que finalement il y en a moins qu’avant, ils changent les données du passé pour donner l’impression que les rations ont véritablement augmenté.
Nous ne sommes pas à l’abri actuellement de la manipulation et du contrôle de l’information. Les médias, tels que la télévision, la radio ou les journaux, ont généralement derrière eux des partis et des gouvernements qui modifient l’information pour influencer les opinions des personnes. Par conséquent, toute information ou lecture exige un minimum de prudence et beaucoup de réflexion.
Orwell, dans 1984, parle d’une société dystopique très intéressante présentant de grands parallèles avec notre société actuelle. Il est important d’y réfléchir et de percevoir la perversion de notre société. Si nous voulons éviter d’évoluer vers un monde orwellien, il est essentiel de maintenir une vision critique des mécanismes d’influence et de persuasion. De sorte que ces derniers puissent agir, mais que nous n’en soyons pas les victimes.
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