V, le leader révolutionnaire de V pour Vendetta
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Il se nomme V, le protagoniste emblématique de la bande dessinée V pour Vendetta d’Alan Moore et David Lloyd. Bien qu’il soit probablement mieux connu pour son film du même nom en 2005. La bande dessinée a commencé à être publiée dans les années 1980 dans le magazine britannique Warrior. Ensuite, la célèbre maison d’édition américaine D.C. l’a distribué.
Ce changement dans sa distribution et son adaptation cinématographique ultérieure a permis à l’œuvre d’atteindre un public de masse. Malgré le fait qu’à l’origine, il ne s’agissait pas d’une œuvre pour le grand public, mais d’une œuvre hors du commun, “pas pour n’importe qui”. Cependant, le passage entre les mains d’un titan d’Hollywood, Warner Bros, a permis à l’œuvre de s’adapter, de s’adoucir et de devenir plus “digeste”. Cela a mis Alan Moore très en colère, si bien qu’il a alors demandé qu’on élimine son nom du générique.
V pour Vendetta est né à une époque où le Royaume-Uni était sous le gouvernement de Margaret Thatcher, dont les idées et politiques conservatrices contrastent fortement avec les idéaux anarchistes d’Alan Moore et l’anticonformisme de David Lloyd. Les deux auteurs ont été fortement influencés par leur propre réalité contemporaine, par les problèmes sociaux et politiques de leur pays. Comment serait le monde si, finalement, les gouvernements les plus totalitaires triomphaient ?
L’avenir dystopique du V pour Vendetta
L’histoire de V pour Vendetta présente un avenir dystopique dans lequel le fascisme le plus dominant et conservateur est arrivé au pouvoir. Après une guerre, la peur s’est répandue dans toute la société britannique, amenant les citoyens à soutenir le leader Susan. En échange de protection et de stabilité, ils lui ont donné toute leur culture et toute leur liberté.
Toutes les traces de l’histoire passée ont été éliminées. De même que celles des personnes décédées dans les camps de réinstallation. Parce qu’un peuple qui n’a pas d’histoire n’a pas de références et, par conséquent, on peut le manipuler à sa guise.
Cela nous rappelle des œuvres comme Fahrenheit 451 de Ray Bradbury ou 1984 de George Orwell. Des avenirs sans liberté, des avenirs sans histoire dans lesquels la population semble s’endormir malgré la perte des droits les plus fondamentaux. Face à toute cette oppression, V s’exalte comme le héros ou le méchant qui conduira le Royaume-Uni au réveil.
Les similitudes avec notre société sont loin d’être insignifiantes. Contrôle et manipulation des médias, conformisme, peur du changement, richesse et privilèges accumulés par le pouvoir, etc. Pourquoi lutter pour nos droits si nous pouvons acheter une voiture ? C’est la société montrée dans V pour Vendetta. Une société qui ne se souvient plus de son passé, qui a perdu ses idéaux et qui ignore l’égalité.
V est un personnage dont on ne connaît pas le passé. On ne sait pas qui il était avant son séjour dans le camp de réinstallation de Larkhill. En retour, nous savons qu’il a survécu à toutes les expériences qu’on a pu faire sur lui. Ainsi, contrairement au reste de la population, il se souvient encore de ses idéaux, de son histoire, de son art… En conséquence, il est venu pour les sauver. Et ainsi, faire réagir les gens, pour qu’ils mettent la peur de côté et pour lutter pour ce qui est juste.
V derrière le masque
Il est impossible de “démasquer” V sans faire quelque spoilers de l’intrigue de la bande dessinée et du film. Bien que nous nous concentrerons plus sur la première car c’est l’œuvre originale. Moore démystifie habituellement les héros et les méchants, comme on le voit avec le Joker dans The Killing Joke. V est considéré comme un terroriste, comme un méchant au début de la pièce. Il se définit lui-même comme “le mouton noir”. Mais V est-il vraiment un méchant ?
Il l’est pour le gouvernement, pour la fausse sécurité. Et il l’est également pour tous ceux qui voient comment les fondements de son pouvoir vacillent ; il l’est pour l’évêque ou pour le chef Susan lui-même. Les médias, totalement au service du pouvoir, tenteront de répandre la peur au sein de la population. La même peur qui a conduit les fascistes à conquérir le Royaume-Uni. V sera qualifié de terroriste et, d’une certaine manière, nous pouvons le voir de cette façon étant donné qu’il utilise la violence pour accomplir sa tâche. Ce que Moore essaie de nous montrer, c’est que ceux qui ont toujours été bons, peut-être, ne sont pas si bons.
Et si nous pensons aux révolutions politiques ou sociales, aux changements qui ont brutalement rompu l’ordre établi, comme la Révolution française, nous verrons que, face à la figure de l’oppresseur, une voie révolutionnaire pacifique triomphe rarement. V veut la paix, l’égalité, mais pour y parvenir, il a besoin de violence. Les lois et la justice sont au service du pouvoir. Donc V n’a pas d’autre choix que de prendre la justice entre ses propres mains et de désobéir.
A.S. Cohan a réalisé une étude de la théorie politique intitulée Theories of Revolution: An Introduction (en français, “Introduction aux idées révolutionnaires”). Dans cet ouvrage, il recueille une série de questions qui affectent la révolution. Et de ce fait, nous montre comment, dans la plupart des cas, la révolution est nécessairement liée à la violence.
Malgré cela, d’autres chercheurs, comme Hannah Arendt, soulignent que la révolution peut être un problème lorsqu’il s’agit d’établir un modèle qui permet à l’idéal révolutionnaire de triompher. V pour Vendetta nous présente les étapes de la révolution, mais pas son aboutissement. L’idéal est si parfait qu’il n’est jamais dessiné dans les bandes dessinées de Moore et Lloyd.
“Les idéaux sont à l’épreuve des balles.”
-V pour Vendetta-
V, l’héritage
Qui se cache derrière le masque ? Ou, mieux encore, à qui appartient-il ? Le célèbre masque de V n’est autre que le masque de Guy Fawkes. Un personnage historique qui a tenté de faire sauter le Parlement britannique en 1605. Fawkes était catholique et, face à l’oppression des protestants, il a décidé, sans succès, de prendre la loi entre ses propres mains. Moore et Lloyd ont rendu hommage à ce personnage, son non-conformisme et son désir de conquérir l’égalité en donnant son visage à V.
Le masque de Guy Fawkes est devenu un mythe contemporain. Un mythe créé à partir de la société de masse elle-même, comme l’explique Roland Barthes dans son ouvrage Mythologies. Aujourd’hui, nous le voyons dans les manifestations, dans les réseaux sociaux et il nous sert d’outil pour exprimer le non-conformisme. Ce masque nous invite à vaincre la peur, à nous battre pour ce que nous considérons juste.
Evey est le revers de la médaille. Elle est comme nous, elle a peur. Mais V la dépouillera de ses craintes et, ainsi, elle pourra être libre. La peur est l’une des clés de l’oeuvre de ce gouvernement, qui s’en est servi pour manipuler la population. Afin de maintenir vivant son héritage, pour que la révolution appartienne à tous et qu’elle bénéficie à tous, V veille à ce qu’Evey surmonte la barrière de la peur. C’est elle qui, après sa mort, nous libère tous.
Le nom d’Evey lui-même a certaines réminiscences bibliques. Il nous rappelle Eve, la première femme, la mère de tous. Elle portera, donc, le masque à la mort de V et deviendra le nouveau leader, dans V. Evey est l’avenir du Royaume-Uni.
Les médias nous éloignent de la réalité. Toutefois, leur impact est si grand que, si nous en profitons, nous pouvons lancer un message différent. V prend le contrôle de la télévision pour envoyer un message au peuple, prenant ainsi possession d’un symbole de pouvoir et d’oppression, se l’appropriant pour renforcer son message. Il faut souligner que la version cinématographique est une version édulcorée de la bande dessinée. Par contre, sa diffusion est si grande qu’elle a généré un impact dans la société de masse, créant un mythe, un symbole d’éveil.
En somme, V pour Vendetta nous invite à sortir de notre zone de confort, à ne pas nous laisser manipuler, à surmonter les barrières et à mettre sur pieds un monde plus juste et plus égalitaire.
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- Arent, H. (2006): Sobre la revolución. trad. Pedro Bravo. Madrid, Alianza.
- Barthes, R. (1980): Mitologías. trad. H. Schmucler. Madrid, Siglo Veintiuno.
- Cohan, A.S. (1997): Introducción a las teorías de la revolución. trad. Víctor Peral Domínguez. Madrid, Espasa-Calpe.
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