Pourquoi suis-je insensible à la souffrance des autres ?

Pourquoi suis-je insensible à la souffrance des autres ?

Dernière mise à jour : 28 août, 2017

Toutes les espèces d’animaux qui vivent en groupes sont dotées de la capacité à être sensibles face à la douleur ou à la souffrance de leurs pairs. La solidarité fait partie de leur matériel génétique car, dans la majorité des cas, il s’agit d’une garantie pour la survie de l’espèce. Dans ce cas, pourquoi certaines personnes sont-elles insensibles à la souffrance des autres ? Comment est-il possible qu’elles se ferment émotionnellement à ce qui se trouve hors d’elles-mêmes ? Que peut-il se passer pour qu’une personne devienne insensible ?

Il existe plusieurs réponses possibles à ces questions. Les causes qui se cachent derrière l’insensibilité vont de l’existence de graves pathologies à une vulnérabilité extrême. Les chemins vers l’insensibilité sont nombreux et supposent différentes manifestations.


“Désirer l’impossible et être insensible aux maux des autres : voici les deux grandes maladies de l’esprit.”

-Bias de Priène-


En général, l’insensibilité ne s’applique pas à tout. C’est-à-dire que, sauf s’il existe une maladie mentale très incapacitante, les personnes ne sont pas totalement insensibles. Le degré, l’objet et les circonstances varient. En d’autres termes, on peut être complètement insensible à la souffrance de certain-e-s et, en même temps, être très sensible à la douleur d’autres personnes. Cela dépend du moment.

Causes et manifestations de la condition insensible

Si vous vivez dans une avenue où il y a beaucoup de circulation, le plus probable est que vous passiez votre temps à écouter les bruits de la rue. Sauf si votre maison est très isolée. En outre, si vous n’y êtes pas habitué-e, il se peut que chacun de ces bruits vous dérangent. Malgré tout, après un petit moment, vous pouvez en arriver au contraire. Vous cessez tout simplement d’y prêter attention et, en fait, vous ne vous sentez plus tranquille quand tout est silencieux. Pour le dire d’une autre façon, vous devenez insensible au bruit.

Dans le monde des émotions, une chose semblable se produit, mais pas égale. Ceux/celles qui ont fait l’expérience de grandes souffrances émotionnelles sont normalement plus empathiques et sensibles à la douleur des autres. Mais si cette douleur a dépassé certaines limites ou si elle s’est produite dans le cadre d’une extrême vulnérabilité, l’effet contraire se produit : iels deviennent insensibles.

Le plus déconcertant est que le phénomène opposé arrive également. Cela veut dire que celui/celle qui n’a pas fait l’expérience de la souffrance, ou qui l’a fait dans une faible mesure, devient aussi insensible. Iel n’arrive pas à attribuer un sens ou une valeur émotionnelle à la souffrance des autres. Sa capacité d’empathie ne s’est pas développée et iel fait preuve d’une sorte d’ignorance affective qui l’empêche de se solidariser avec la souffrance ou la joie des autres… parce que la sensibilité ne concerne pas que les émotions négatives.

Le fait d’être insensible à la souffrance des autres se manifeste de différentes façons. Ce n’est pas seulement lié au fait de rester indifférent-e face à un état de besoin ou à la demande d’aide de quelqu’un. On inclut aussi tout comportement à travers lequel l’être humain est abordé comme organisme, instrument ou moyen sans être une fin en même temps.

Quand on est sensible et insensible à la fois

Le plus habituel est qu’une personne soit sensible et insensible à la fois. Il est également fréquent que des étapes d’insensibilité apparaissent chez celleux qui sont normalement sensibles et empathiques. De nombreux facteurs se mélangent pour que cela ait lieu. Si une personne traverse une période de souffrance intense, elle n’aura probablement pas l’énergie émotionnelle suffisante pour faire preuve d’empathie envers les autres et leur souffrance.

Il y a des gens qui ont peur de la souffrance et qui, sans s’en rendre compote, développent des stratégies, des mécanismes ou des voies pour devenir insensibles. Cela se produit, par exemple, dans le cas des addictions.

La consommation de drogues psychoactives lève une barrière d’insensibilité face à la souffrance des autres. C’est une bulle qui agit comme un isolant. Construire et nourrir un caractère excessivement rigide est également une stratégie d’insensibilisation. En fait, il s’agit d’une manière de prendre le contrôle des émotions, de façon sévère, afin que tout l’énergie soit destinée à les contenir.

Erich Fromm signalait que l’amour et la solidarité, s’ils sont authentiques, sont aussi universels. Il disait que si l’on aime un être humain, on aime également l’humanité. En faisant une analogie de ces postulats, on pourrait dire qu’il est impossible d’être sensible à la souffrance d’un être humain sans être en même temps sensible à la douleur de tous les autres. Ce fait a l’habitude de se produire à différents degrés d’intensité.

Ainsi, celui/celle qui n’est pas récepteur-trice de sensibilité peut se voir affecté-e, mais celui/celle qui sera sûrement touché-e est celui/celle qui n’a pas ou qui ne manifeste pas de sensibilité. Le penchant instinctif pour la solidarité n’est pas un caprice de la nature. Dans notre dotation génétique, il y a une information qui s’est installée en tant que garantie de notre survie. Aider et être aidé-e-s est l’une des stratégies qu’a la vie – et par conséquent, que nous avons nous-mêmes – pour se perpétuer.

Images d’Elicia Edijanto et Molly Strohl


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