Pour aider, il est parfois nécessaire de ne pas intervenir

Pour aider, il est parfois nécessaire de ne pas intervenir

Dernière mise à jour : 26 août, 2017

Si tu veux vraiment m’aider, garde le silence, respecte mon espace et laisse-moi en paix. Ne me dis pas que je ne t’ai pas averti-e, que je tombe toujours dans la même erreur, que je n’ai pas de remède à mon problème… n’intensifie pas ma souffrance. Pour une fois, comprends que parfois, la meilleure manière d’aider est justement de “ne pas aider”, montre-moi ton empathie, ta compréhension en restant à la marge, au moins pour aujourd’hui.

Dans les moments décisifs, la meilleure des choses que tu peux faire, c’est de prendre la bonne décision; en second lieu, c’est de prendre la mauvaise décision et la pire chose, c’est de ne rien faire“, disait Théodore Roosevelt. Cette vision répond sans aucun doute à l’approche classique de la mentalité politique, qui a toujours peur de l’immobilisme, de l’électeur-trice qui ne prend pas parti ou du/de la supposé-e allié-e qui n’affronte pas ses responsabilités. Mais le président Roosevelt se trompait car ne rien faire est en réalité une option très valide, et de fait c’est parfois la plus idoine.

“Toute aide inutile est un obstacle pour le développement.”

-María Montessori-

À ce sujet, le plus grand problème est que dans l’inconscient collectif, on pense que le manque d’action ou la passivité est un signe que ce qui se passe ne nous intéresse pas. Alors, comment comprendre que parfois, il vaut mieux opter pour l’immobilisme, ne pas aider, regarder, se taire et faire un pas de côté ou en arrière ?

En psychologie, on dit souvent que dans les moments les plus complexes, l’esprit nous encourage à émettre les réponses les plus simples, là où les heuristiques, les raccourcis mentaux si fascinants de la pensée humaine, sont parfois les plus pertinents. Ainsi, quand on voit un-e ami-e dans l’incertitude face à un travail qu’iel doit accepter ou non ou un frère énervé à cause d’une déception, nous entendons souvent une voix intérieure qui nous dit : “Laisse-le seul, laisse-lui de la place pour réfléchir, pour décider ou accepter la situation.”

Car parfois, en privant les personnes de leurs propres luttes, nous leur volons une précieuse opportunité d’apprentissage et de croissance personnelle.

Il y a celleux qui n’ont pas besoin d’être sauvé-e-s

Une histoire orientale raconte qu’un homme a un jour trouvé le cocon d’un ver à soie dans un parc. Inquiet pour cette petite créature et craignant que quelqu’un ne marche dessus, il décida d’en prendre soin lui-même, en la mettant dans une boîte pour ainsi s’en occuper avec patience et attention.

En l’emmenant chez lui, il vit quelque chose qui attira son attention : le cocon était déjà très avancé et on voyait même un orifice par lequel le papillon luttait pour sortir. Investi de cette idée d’aider, il n’hésita pas à prendre des ciseaux et à couper quelques parties du cocon pour faciliter le travail de l’insecte. Son intention était noble, sans aucun doute, mais les bonnes intentions n’apportent pas toujours de bons résultats.

Car ce qu’il ne savait pas, c’est que la nature a ses propres rythmes, ses temps et ses principes intouchables, et pire encore, qu’il y a des processus dans lesquels toute aide est tout simplement nuisible. Le papillon émergea avec les ailes collées au corps et alors que notre “sauveur” attendait avec espoir qu’elles se déploient petit à petit pour commencer à voler, la seule chose qu’il put contempler c’est le petit insecte se traînant en cercles, jusqu’à la mort.

Il y a des personnes qui n’ont pas besoin d’être sauvées car, tout simplement, elles ne sont pas en danger. Il y a des souffrances que l’on doit vivre pour fleurir, là, dans l’intimité du cocon, dans la douceur enveloppante de la tristesse, dans les recoins gluants des doutes et des déceptions.

Il y a des trajets que les personnes doivent faire dans la solitude, sans assistance, sans obligation d’être sauvées par qui brandit systématiquement l’étendard des bonnes intentions et des grands sacrifices dénués de sens.

Aider n’est pas toujours nécessaire… mais comment le savoir ?

María Montessori disait que n’importe quelle aide inutile ne fait qu’entraver le développement. Cette idée a sans aucun doute beaucoup à voir avec le concept de “zone proximale de développement” de Lev Vygotski. Un concept qui, même s’il s’applique avant tout au domaine de l’éducation, pourrait s’étendre à beaucoup de nos environnements et relations quotidiennes.

La “zone proximale de développement” nous dit que pour améliorer les capacités de quelqu’un, il faut lui donner l’aide juste et nécessaire pour qu’il développe ses propres potentiels. Cela implique, par exemple, de ne pas accepter des responsabilités qui ne sont pas nôtres et d’identifier les points dans lesquels notre aide est vraiment une stimulation pour l’apprentissage et à quel degré.

“Aide tes semblables à soulever la charge mais ne te sens pas obligé de l’emporter avec toi.”

-Pythagore-

Nous sommes très conscient-e-s qu’il n’est pas toujours facile de savoir où se trouvent les limites, où se trouvent ces frontières, où le “ne rien faire” est admissible et recommandé. Car immédiatement, les élucubrations sur le sens des responsabilités fusent, et plus encore quand les personnes en difficulté comptent pour nous. De plus, même si le cerveau, d’un point de vue physiologique ne juge pas, la conscience, si.

Ainsi, il faut savoir, avant tout, qu’il n’est pas toujours bon d’apporter une aide dévouée, constante et illimitée. Le résultat pourrait être désastreux : ces personnes pourraient devenir passives, égoïstes et développer une dépendance de fer envers nous. La clé se trouve dans le fait de prévenir quand il y a une situation de vulnérabilité réelle et de savoir vraiment ce dont cette personne a besoin.

Parfois, la meilleure aide est de savoir écouter ou simplement “être” sans faire de bruit. Que l’autre personne ait conscience que l’on est là pour elle si elle le souhaite, que l’on peut se transformer en épaule sur laquelle pleurer, en un soutien de confiance ou en quelqu’un qui sait respecter les distances et les solitudes quand c’est nécessaire.

Nous pouvons être ce rayon de lumière qui illumine un moment ponctuel, limité et fugace pour ensuite lâcher prise, pour permettre à la personne de déployer ses ailes et cesser de tourner en rond. Mais on peut aussi ne rien faire, une option valide et thérapeutique dans certains cas.

Lisez aussi : Je suis mon propre foyer : je m’écoute, je prends soin de moi et je me renouvelle

 

Images de Daría Petrelli


Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.