Regarder par la fenêtre : un merveilleux exercice de réflexion et d'introspection
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
Regarder par la fenêtre, laisser son regard suspendu au-delà d’une vitre n’est pas synonyme de perdre son temps. Car parfois, celui ou celle qui regarde au-delà de ce seuil ne cherche pas à voir le monde extérieur. Il/elle veut simplement traverser son reflet pour naviguer à travers les flots de l’introspection et atteindre des mondes intérieurs en quête de nouvelles possibilités. En réalité, il existe peu d’exercices mentaux qui peuvent être plus sains que celui-ci.
Quiconque connaît l’oeuvre d’Edward Hopper se rappellera sans doute toutes ces œuvres dans lesquelles il nous présente une femme seule devant une fenêtre. Parfois, il s’agit d’une fenêtre dans une chambre d’hôtel, à côté d’un lit, dans un café… L’image est toujours la même: un regard féminin qui semble transcender la vitre et se trouver à des kilomètres de distance de ce petit espace qui l’entoure.
“Il y a peu de différences entre penser et regarder par la fenêtre.”
-Wallace Stevens-
Peu d’énigmes ont suscité un intérêt aussi pictural. Que regardent ces femmes ? La réponse est simple : rien et tout à la fois. Hopper était un expert lorsqu’il s’agissait de créer des humeurs et des atmosphères pour nous transmettre des émotions difficiles à définir. La lumière, les formes, les couleurs, tout devait mener à une sensation déterminée. Il a donc souvent eu recours à une fenêtre à côté de ses personnages.
Les fenêtres sont des seuils pour l’esprit humain. Elles constituent souvent cette ressource indispensable pour tout rêveur. Ou bien pour cette personne qui a besoin de repos après un jour de stress et qui appuie sa tête contre la vitre glacée d’une fenêtre dans le métro. C’est à ce moment que le regard se relâche et que notre imagination se met en route. À ce moment, nous commençons à rêver éveillés et notre cerveau trouve enfin du soulagement, de la liberté, du bien-être.
Regarder par la fenêtre, un exercice d’introspection
Dans toute salle de classe d’école primaire ou secondaire, il est facile de trouver un enfant en train de regarder par la fenêtre. Ils sont absents, déconnectés du monde qui les entoure mais ont établi un lien avec leurs divagations, leurs songes. Au fur et à mesure que nous grandissons, ce comportement, loin de se corriger, persiste furieusement. Cependant, il continue à être mal vu. Car regarder par la fenêtre est synonyme d’improductivité, cela veut dire ne pas être présent dans l’immédiateté qui nous entoure, dans les responsabilités qui nous attendent.
Admettons-le: on nous laisse rarement plonger dans nos états mentaux pour savoir ce qu’il est en train de s’y produire. Car celui qui agit de la sorte reste immobile, ne génère rien, ne démontre rien. Et ceci, dans une société orientée vers les résultats, n’est rien d’autre qu’un sacrilège. C’est peut-être pour cette raison que regarder par la fenêtre est un exercice que nous préférons réaliser quand nous sommes seuls. Il s’agit de poser les yeux sur cette limite fixée par la vitre pour regarder (et pas voir) ce qu’il se produit dans le monde extérieur.
C’est comme un voyage inversé. Ce qu’il y a à l’extérieur ne nous intéresse pas car nous connaissons déjà tout de l’agitation qui s’y déroule: circulation, gens qui marchent, ville qui se meut dans la même routine… Notre cerveau nous tire comme l’ancre que l’on soulève du fond des profondeurs pour nous faire plonger dans la mer. Là, quelque chose de merveilleux et d’utile à notre développement émotionnel et psychologique se déroule.
Nous vivons dans un monde obsédé par la productivité, nous le savons bien. C’est peut-être pour cela que nous avons oublié l’énorme potentiel qui se cache dans l’acte de rêver éveillés. Parfois, les choses les plus importantes, les décisions essentielles surgissent face à une fenêtre. C’est presque comme une rébellion de notre esprit qui nous ordonne de faire quelque chose de différent. Il s’agit de prendre contact avec notre “moi” le plus sage -mais le mieux caché- pour écouter ce qu’il a à nous dire.
La vitre qui permet le rêve éveillé
Des psychologues experts dans le monde de la créativité comme Scott Barry Kaufman et Jerome L. Singer, nous expliquent dans un article du Psychology Today qu’aujourd’hui, rêver éveillé est un peu plus qu’un stigmate. Celui qui choisit de regarder par la fenêtre pendant une demi-heure au lieu de continuer à travailler sur son ordinateur n’est rien d’autre qu’un paresseux.
Qui plus est, dans une étude réalisée par ces mêmes psychologues, il a été démontré que 80% des directeurs d’entreprise comme Adobe pensent que la créativité est renforcée par le travail et l’activité continue. Ainsi, le travailleur qui, à un moment donné, choisit d’aller prendre un café devant une fenêtre est quelqu’un qui ne supporte pas la pression, quelqu’un d’improductif.
Aujourd’hui, nous continuons à associer mouvement à rendement et passivité à paresse. Nous devons donc changer ces points de vue, ces idées rouillées. Rêver éveillés, c’est l’art de partir à la recherche de merveilles cachées dans notre cerveau. C’est entraîner notre esprit pour le développer un peu plus à travers l’introspection, la curiosité, le symbolisme et l’imagination.
Tout cela, tout ce potentiel caché en chacun de nous peut facilement se retrouver devant une vitre. Regarder par la fenêtre à un moment de la journée signifie prendre rendez-vous avec nous-mêmes et franchir le seuil de ce monde intérieur que nous négligeons souvent. Ce monde dont nous ne nous occupons pas parce que l’extérieur exige trop de choses de notre part. La société d’aujourd’hui veut que nous soyons hyper-connectés et réceptifs à une infinité de stimuli.
Par conséquent, apprenons à nous fixer des limites et à rejoindre cette vitre de temps en temps. Autorisons-nous à aller voir ce reflet qui renferme nos rêves, cet endroit depuis lequel nous pouvons distinguer nos beautés intérieures et ce monde plein de possibilités infinies…
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