Prédateurs sexuels, entre abus de pouvoir et silence
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
Les prédateurs sexuels ne sont pas malades, ils ne sont pas dépendants au sexe et ne naviguent pas que dans les hautes sphères d’Hollywood. Le cerveau d’un prédateur sexuel s’adapte à n’importe que contexte social et fait prévaloir sa position de pouvoir, afin de soumettre des personnes qui seront bientôt ses victimes. Pour cela, il cherche la complicité d’un environnement social qui, malheureusement, est habitué à détourner le regard.
Nous pouvons affirmer, sans avoir peur de nous tromper, que nous sommes en train de vivre un moment très intéressant, d’un point de vue social et psychologique. Un moment que nous attendions depuis longtemps et qui est absolument nécessaire. Après les révélations sur les agressions commises par le producteur de cinéma Harvey Weinstein, l’onde de choc médiatique n’est toujours pas retombée. Toutes les semaines, presque tous les jours, une autre de nos idoles, une nouvelle célébrité voit sa carrière brisée par un scandale d’abus sexuels. Un phénomène qui, pour certains, n’a pas de sens.
“Et après tout cela, quoi ? Que cherchons-nous véritablement ?” se demandent probablement de nombreuses personnes. Au fur et à mesure que nous écoutons et que nous lisons les témoignages de victimes sur ce qui leur est arrivé, parfois il y a 10, 15 ou 20 ans, la situation devient, il est vrai, totalement ubuesque. Le voile est tombé sur des exactions couvertes depuis des décennies par un petit monde qui vit en vase clos, mais le temps n’a nullement apaisé les souffrances des victimes. C’est avec ces révélations, mais surtout avec désormais la certitude que beaucoup de monde savait, qu’il est aisé de comprendre que toute une partie de la société était structurellement silencieuse et implicitement complice.
Pour autant, il nous faut prendre conscience que ces voix ont toujours été là, mais que nous ne leur donnions pas d’importance. Elijah Wood avertissait, il y a déjà plusieurs années, des abus sur mineurs commis derrière le vernis hollywoodien, que nous n’avons jusqu’alors pas voulu gratter.
Mais le moment est venu, tout simplement. Notre société se réveille et elle est désormais prête à écouter. Notre monde est plus réceptif que jamais, il est interconnecté par des réseaux sociaux, comme Twitter, qui permettent à des voix, jusqu’alors inaudibles, de briser le silence, tout comme les carrières de prédateurs sexuels de renom. Cette vague vorace qui mobilise, qui fait prendre conscience, s’est regroupée autour du #MeToo et nous a permis de poser nos yeux sur des situations qui, du fait de leur violence, pourraient nous paraître extraordinaires, au sens étymologique du terme. Pour autant, elles sont d’une banalité affligeante, notamment lorsqu’on connaît le nombre de femmes victimes de violence au quotidien.
La “maladie” des prédateurs sexuels est leur position de pouvoir
Chaque matin, quand une nouvelle histoire en lien avec une personnalité d’Hollywood fait son apparition, c’est bien souvent le terme “prédateur sexuel” qui est utilisé. Dans le monde des médias, des expressions toutes faites et des mots qui claquent sont nécessaires pour éviter toute confusion. De fait, il y a seulement quelques semaines, un article très intéressant, publié par Psychology Today, nous prévenait déjà d’un écueil dans lequel il est facile de tomber : il ne faut pas confondre le profil des prédateurs sexuels avec celui des personnes dépendantes du sexe.
Nous souhaitons réaffirmer cela pour une raison bien précise. A chaque fois qu’une nouvelle célébrité est accusée d’abus sexuels, sa défense réagit immédiatement pour parler de dépendance au sexe et de réhabilitation clinique. L’exemple archétypal de cette réaction est l’affaire qui touche actuellement l’acteur Kevin Spacey.
Mais nous ne devons pas nous tromper de symptomatologie. Ceux qui abusent des autres ne sont pas toujours malades. Lorsqu’ils agressent sexuellement et qu’ils intimident leurs victimes, ils savent parfaitement ce qu’ils font. En réalité, ils utilisent leur pouvoir pour violer les droits personnels et sexuels des personnes qui les entourent.
Pour comprendre l’impact de ce pouvoir, il nous faut nous pencher sur l’une des histoires qui fut à l’origine de la vague de dénonciations que nous avons pu connaître ces dernières semaines. Il s’agit d’un cas qui a été souvent relaté comme “le récit d’un fils qui dénonce son père et qui révèle tout un système de corruption“. La personne a l’origine de ce scandale est Ronan Farrow, le fils de Mia Farrow et de Woody Allen.
Il était à peine adolescent lorsqu’il a été le témoin de la faculté d’aveuglement de notre société, alors même qu’il dénonçait les abus commis par son père sur Dylan, sa sœur adoptive, âgée seulement de 7 ans à l’époque des faits. L’une des personnes qui a permis de rétablir l’image du réalisateur et de lui rendre sa place au panthéon des célébrités fut précisément Harvey Weinstein.
Le jeune Ronan a été marqué, tout comme sa sœur, par tout ce qui a pu se passer à ce moment. Il a été hébété par la capacité de la société à transformer un agresseur en victime, et une victime en quelqu’un de malade, qu’il faut soigner. La collusion dans le secret de l’univers hollywoodien, notamment à propos des agressions sexuelles et des actes de pédophilie commis par des stars de l’industrie du cinéma, était pourtant apparue au grand jour. Une industrie habituée à garder le silence, à être complice et à utiliser le chantage, la menace et l’extorsion contre toute personne tenter d’élever la voix pour dénoncer ces exactions.
Depuis cette tragique histoire, Ronan Farrow n’a pas abandonné. Il n’a pas cessé d’enquêter et de rassembler des preuves sur divers prédateurs sexuels frayant à Hollywood, jusqu’à ce que l’étau se resserre sur l’un des plus terribles d’entre eux : Harvey Weinstein. Cela faisait des années qu’il disposait de preuves et de témoignages suffisants pour faire plonger le producteur. Cependant, il recevait toujours la même réponse de la part des journaux, des producteurs et des médias qu’il contactait : l’affaire était trop dangereuse, trop explosive, il valait mieux la classer et détourner le regard.
Jusqu’à maintenant. Jusqu’à ce que la société refuse de tourner le dos à ces faits d’une gravité extrême.
Les caractéristiques des prédateurs sexuels
Les prédateurs sexuels peuvent apparaître dans tous les contextes dans lesquelles il existe une asymétrie de pouvoir. Nous les retrouvons dans le milieu professionnel, dans des clubs de sport, dans des universités, dans des hôpitaux…Ce sont des personnes capables de franchir la frontière du respect pour violenter, pour menacer, ou simplement pour intimider par la parole.
Il est très intéressant de se pencher sur les caractéristiques de ces personnalités, sur leur façon de se comporter.
- Le besoin de contrôle : nous savons tous, du moins la majorité d’entre nous, que notre liberté s’achève là où débutent l’espace personnel et l’intégrité physique et émotionnelle des autres. Cependant, les prédateurs sexuels aiment franchir cette limite, car cela leur confère la sensation qu’ils sont en contrôle et qu’ils disposent de suffisamment de pouvoir pour soumettre les victimes de leur choix.
- Le narcissisme : les prédateurs sexuels se considèrent supérieurs à leurs victimes. Ils pensent qu’ils sont les seuls à pouvoir prendre des décisions. S’ils désirent quelque chose, il est donc normal que la réalité se plie à leurs exigences, que leurs victimes acceptent leurs choix, même si elles expriment verbalement leur absence de consentement.
- L’asociabilité : ce critère peut paraître contradictoire avec ce que nous pouvons observer en surface concernant le comportement de ces personnes. Être asocial ne signifie pas forcément se tenir à l’écart de la société. Les prédateurs sexuels s’adaptent d’ailleurs parfaitement à leur environnement, mais dans un but très précis : obtenir ce qu’ils désirent. Ce sont des personnes qui aiment le risque et qui ne ressentent aucune empathie.
- Le sexe comme vecteur de possession : la sexualité des prédateurs sexuels est très primitive. Elle ne se mêle ni à l’amour, ni au respect. Elle n’est motivée que par le désir de posséder l’autre, d’assouvir une pulsion sexuelle et de réaffirmer ainsi leur pouvoir.
Pour conclure, comme nous pouvons le constater, le terme prédateur sexuel est loin de se limiter uniquement à certaines personnalités du petit monde du cinéma hollywoodien. Il peut s’appliquer à bien des profils que nous pouvons croiser dans notre quotidien, professionnel et personnel. Ces prédateurs continueront à agir de la sorte si la société se borne à les couvrir de son silence complice.
Le moment est venu de leur donner un nom et visage. Nous devons cesser de détourner le regard. Nous avons vécu trop de temps avec la peur que ces personnes de pouvoir soient intouchables. Des milliers de victimes ont été obligées de se taire et de tenter d’oublier. Ne laissons pas cette situation se poursuivre. Soyons sensibles, soyons logiques et arrêtons à temps les prédateurs sexuels.
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