L'empathie instrumentale : la base de la manipulation psychologique

En quoi consiste l'empathie instrumentale ?
L'empathie instrumentale : la base de la manipulation psychologique
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater.

Dernière mise à jour : 15 novembre, 2021

L’empathie instrumentale est cette dimension qui caractérise souvent la personne psychopathe ou narcissique. Car au-delà de ce que nous pouvons penser, ces profils sont capables d’identifier et de lire nos émotions. Ils se servent ensuite de cette connexion pour nous manipuler, nous faire aller de leur côté et atteindre un objectif sans en ressentir la moindre rancœur après cela.

Dans l’organisation sociale, l’empathie est vue comme quelque chose de positif et de désirable. Mais nous avons tendance à oublier le côté obscur et complexe de cette dimension. En général, nous pensons que les personnes capables de faire du mal à d’autres gens, que ce soit sur le plan physique ou mental, n’ont pas cette capacité d’empathie.

Or, des études comme celle publiée dans la revue Brain et réalisée par les docteurs Harma Meffert et Valeria Gazzola nous signalent quelque chose d’important. Le système miroir, c’est-à-dire la capacité d’entrer en syntonie avec les émotions des autres grâce aux neurones miroirs, est aussi présent chez des psychopathes qui ont commis des meurtres. 

Cependant, cette connexion est brève, ponctuelle et orientée vers un but concret. Ils ne manqueraient donc pas d’empathie. En revanche, il ne semble pas y avoir de préoccupation réelle vis-à-vis de celui qui souffre car ils n’arrivent que rarement à s’identifier dans les émotions des autres. Les psychopathes semblent surtout ressentir un grand désir d’instrumentalisation de l’autre.

“Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde de ne pas devenir monstre”.

-F. Nietzsche-

femme en colère et empathie instrumentale

L’empathie instrumentale : je ressens ta douleur, mais elle ne m’importe pas

Grâce à la neuroscience cognitive, nous avons fait beaucoup de progrès au niveau de la compréhension du comportement humain. Nous nous sommes rendu compte, par exemple, que le processus empathique se réalisait dans de nombreuses aires de notre cerveau. Différentes habiletés sont nécessaire pour entrer en contact avec les réalités des autres, pour savoir ce qu’une autre personne ressent, ce qu’elle peut penser, et ce que nous ressentirions à sa place.

Des experts dans ce domaine, comme le docteur Frans de Waal, célèbre primatologue, nous signalent que ces processus peuvent parfois apparaître de différentes façons chez chaque individu. En fait, certaines personnes (primates inclus) comprennent la réalité émotionnelle de l’autre et veulent faire quelque chose de bénéfique pour lui.

En revanche, d’autres identifient ces émotions et choisissent de ne rien faire. Ils ne ressentent pas ce besoin, ce comportement motivé. Il y a aussi une troisième possibilité. Il s’agit de l’empathie instrumentale : elle définit l’individu qui est conscient des émotions des autres et s’en sert dans un but précis. Ce but est de manipuler et de faire du mal, sans cas de conscience ou remords.

empathie instrumentale

Caractéristiques de l’empathie instrumentale

Les personnes avec une empathie instrumentale sont souvent aussi charmantes que sibyllines. Elles le sont parce que nous pensons qu’elles se préoccupent vraiment pour nous. Nous sommes convaincus que ce sont des personnes authentiques et que leur comportement est parfaitement noble.

Or, ce comportement a lieu dans un but précis. Ces types de traits sont très habituels dans la personnalité psychopathique et chez les narcissiquesIls peuvent aussi apparaître chez des personnes intéressées et égoïstes. Voyons quelles sont leurs caractéristiques :

  • Ces personnes se caractérisent par une empathie cognitive. En d’autres termes, elles se font une idée de ce que ressent l’autre personne en observant son comportement, son expression, le ton de sa voix… Elles comprennent mais n’approfondissent pas : elles n’atteignent jamais le stade de l’empathie affective, qui permet vraiment de ressentir ce que l’autre vit.
  • Christian Keysers, de l’Université de Groningen, nous signale que les personnes avec un profil psychopathique ressentent des émotions mais que leur empathie semble avoir une sorte d’interrupteur. Le processus n’est donc pas constant. Lorsqu’il se déclenche, il est bref et ponctuel. Il ne s’allume que pour chercher un but. Les psychopathes relèvent donc des informations sur nous pour connaître nos points faibles et pouvoir nous utiliser, nous manipuler.

Que pouvons-nous faire face à quelqu’un qui n’empathise pas avec nous sur le plan émotionnel ?

L’empathie instrumentale n’est pas comparable à l’empathie émotionnelle. Il n’y a pas de connexion profonde, la personne ne se met pas à notre place et ne recherche pas notre bien-être. À court et à long terme, elle ne fait que faire du mal. Nous sommes donc en droit de nous poser la question suivante : que faire face à quelqu’un qui ne se connecte pas émotionnellement avec nous ?

Dans une étude réalisée en 2011 et publiée dans le J ournal of Personality and Social Psychology, on a pu démontrer que les individus avec un profil narcissique étaient conscients que les autres n’avaient pas une image positive d’eux-mêmes. Ils savaient qu’ils n’inspiraient que de la méfiance. Mais cela ne les inquiétait pas et ne les motivait pas à changer.

À travers ces profils de personnalité, nous retrouvons donc une absence de connexion émotionnelle authentique. Mais ce n’est pas tout. Ces personnes n’ont pas peur de faire du mal et ne se préoccupent pas de l’image négative que nous avons d’elles. Ce sont des figures hautement pathologiques qui cachent souvent d’autres troubles psychologiques. Elles ne feront donc que rarement appel à une aide professionnelle pour changer. 

 

Randall Salekin, de l’Université d’Alabama, expert en personnalité psychopathique, dirige actuellement des programmes de “remodelage” mentale pour travailler ces aspects. Le but est très ambitieux : il s’agit d’activer l’empathie émotionnelle authentique de ces personnes.

Si nous pensons que quelqu’un se sert de l’empathie instrumentale, la meilleure chose à faire est d’établir une distance adéquate avec cette personne.  Une barrière de sécurité personnelle.

 

 


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  • De Waal, Frans. The age of empathy: Nature’s lessons for a kinder society. Broadway Books, 2010.
  • Decety, J. (2015). The neural pathways, development and functions of empathy. Current Opinion in Behavioral Science, 3, pp. 1-6.
  • Shirtcliff, E. A., Vitacco, M. J., Graf, A. R., Gostisha, A. J., Merz, J. L., & Zahn-Waxler, C. (2009). Neurobiology of empathy and callousness: Implications for the development of antisocial behavior. Behavioral Sciences and the Law. https://doi.org/10.1002/bsl.862

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