Le salut : montre-moi comment tu salues les autres et je te dirai comment tu te lies à eux

A quel point un salut peut en dire long sur nous ? Marcel Ceberio, docteur en psychologie, nous en dit davantage à ce sujet.
Le salut : montre-moi comment tu salues les autres et je te dirai comment tu te lies à eux

Dernière mise à jour : 27 janvier, 2021

Le type de salut qui se développe lors d’une rencontre entre deux personnes selon le contexte socioculturel auquel elles appartiennent est un détail aussi intéressant que représentatif.

Au-delà même des particularités de chaque région, de chaque famille ou de chaque groupe social, les caractéristiques de chaque être humain et du lien qui s’établit entre lui et d’autres se mettent en jeu dans le cadre d’un acte aussi symbolique que la manière que nous avons de saluer les autres.

Le salut entre un homme et une femme

Styles socioculturels

Le premier salut lors d’une rencontre entre deux personnes qui se ne connaissent pas comme le salut entre deux personnes liées affectivement montrent tous les deux un style différent d’expression relationnelle.

  • Par exemple, en France, lorsque se réunissent des individus qui se connaissent et qui ont tissé une certaine relation affective, ils se saluent en se faisant la bise. Et ce qu’ils soient des hommes ou des femmes
  • Les espagnols, eux, se serrent la main et se font parfois une accolade entre hommes. Alors qu’entres hommes et femmes et entre femmes, ils se font la bise
  • Les italiens peuvent se serrer la main entre hommes et femmes ou entre hommes. Et si la relation qui unit deux individus est de longue date, on peut observer une accolade
  • Au Chili, de manière plus formelle, on se salue entre hommes en se serrant la main. Et entre hommes et femmes en se faisant la bise. Il en va de même aux Pérou et en Bolivie
  • En Argentine, généralement, le salut consiste en une bise entre hommes comme entre femmes qui ne se connaissent pas. Et ce dès la première rencontre
  • Au Maroc, les femmes se couvrent de telle manière que l’on ne voit que leurs yeux et leurs chevilles. Et elles marchent à distance des hommes. Dans de telles conditions, aucune expression affective n’est donné en public
  • Chez les orientaux, et plus particulièrement chez les chinois, l’homme et la femme ne s’approchent pas l’un de l’autre ; l’homme se tient à un ou deux mètres de la femme et ils se saluent, quel que soit leur genre, en faisant un révérence typique n’impliquant aucun contact physique

On peut donc observer le grand degré de souplesse et la moindre inhibition dans le contact physique qu’ont les femmes entre elles par rapport à l’attitude des hommes entre eux.

Mais les femmes (et d’autant plus celles des années 60), de la même manière qu’elles ont pu montrer un plus grand rapprochement physique entre elles, ont aussi mis une plus grande distance physique entre elles et les hommes. Si bien qu’après les années 60, toute une série de stéréotypes féminins/masculins se sont déstructurés.

Par exemple, les femmes se saluaient historiquement entre elles avec une bise. Mais de plus, elles ont commencé à marcher dans la rue main dans la main ou à se prendre par le bras. Cette attitude a tellement été identifiée comme une attitude typiquement féminine que jamais on aurait pensé voir deux hommes marcher dans rue main dans la main ou en se tenant par le bras.

Dans la distinction de genre, l’homme est identifié à la rationalité et la distance émotionnelle, alors que la femme est associée à la sensibilité et l’expression affective. Cependant, nous vivons à une époque de révisionnisme.

Toutes ces discriminations conforment des distinctions qui accentuent ou bloquent les manifestations affectives dans le contact physique. Cela veut dire que certaines règles qu’impose le contexte rendent possible ou non la souplesse dans le comportement physique. Le contexte, dans une certaine mesure, interdit ou stimule le contact.

Styles familiaux

Les parents reproduisent les règles du milieu dont ils font partie, et ce dès les premiers moments de l’interaction avec leurs enfants. C’est ainsi que se conforment les codes relationnels affectifs qui relèvent de la compétence de chaque famille en particulier. Il existe différents schémas :

  • Il existe des familles dont les schémas d’interaction émotionnelle s’en tiennent à une expression physique d’affection limitée. Dans de telles familles, les membres ont du mal à s’enlacer, s’embrasser, se caresser ou tout simplement se regarder dans les yeux et se manifester leur affection. Ce sont des familles où le “je t’aime” s’exprime matériellement via le cadeau
  • D’autres expriment leur affection via les mots : les membres ne se font pas de cadeaux, mais ils se disent à quel point ils s’aiment même s’ils ne s’enlacent jamais, ni ne s’embrassent, et se caressent encore moins
  • Le code affectif de certaines familles se retrouve représenté par les actes : les membres de la famille font des choses pour les autres. Ils les soutiennent, leur font des faveurs, comprennent ce dont ils ont besoin, sont là pour eux
  • Il existe enfin des familles qui n’ont aucun problème avec le contact physique et qui arrivent à s’exprimer émotionnellement en intégrant le corps dans leurs manifestations d’affection
Le salut entre deux femmes qui s'enlacent

Il est clair que la manifestation d’affection la plus saine consisterait en une convergence entre la multiplicité des formes d’expression présentées ci-dessus.

Cependant, un de ces styles est toujours prédominant par rapport aux autres. Ce style est celui que l’on a tendance à éviter à tout prix. Ou bien à reproduire en référence au schéma familial de contact.

Types de salut

Si on y prête quelque peu attention, on peut se rendre compte du fait que le type de salut fixe les règles selon lesquelles fonctionnent les gens en termes d’émotions et d’affection : le degré de souplesse, d’aisance ou de rigidité dans les expressions physiques liées aux sentiments.

Il y a certaines personnes qui n’enlacent pas, mais qui serrent formellement la main. S’il s’agit d’hommes, par exemple, ils montrent leur formalisme et leur structuration sociale. Et plus encore s’ils accompagnent le salut avec un sourire social accompagné d’un “Au plaisir de vous/te rencontrer !” et d’une tenue vestimentaire classique et indémodable.

A un degré extrême, dans cette même direction, il y a des personnes qui serrent la main de manière ferme. Et ce en balançant militairement le bras. Ceux qui saluent les hommes avec une poignée de mains et les femmes avec une bise.

L’intensité de la poignée de mains est un détail intéressant. En effet, les hommes les plus formalistes serrent souvent démesurément la main et tordent les phalanges de leurs interlocuteurs. Ce sont des saluts dont on se souvient du fait de la douleur qu’ils provoquent.

De nombreuses personnes expriment leur affection via la force ou la brutalité de leurs mouvements. Ce sont, plutôt, des personnes maladroites qui n’arrivent à manifester les émotions qu’elles ressentent qu’au travers de la rudesse. Le fait de saluer fermement en regardant l’interlocuteur dans les yeux exprime une certaine assurance relationnelle et personnelle.

Parfois, les gens saluent avec la main molle et glissante. Principalement timides, le contact social leur coûte et ils n’osent pas établir des relations profondes. Ils restent donc dans la superficialité relationnelle. Ce type de salut renforce cette hypothèse lorsque la personne détourne le regard pendant qu’elle serre la main de son interlocuteur. Ou simplement qu’elle l’observe du coin de l’oeil, la tête basse.

Le degré extrême de phobie du contact s’observe chez les personnes qui saluent de cette manière. Qui n’offrent que la pointe de leurs doigts, presque sans regarder l’autre.

Certains encore attrapent toute la main de leur interlocuteur en l’enfermant entre leurs deux mains. Ce type de salut est une voie intermédiaire entre la poignée de mains ferme et l’accolade. Ce sont des personnes qui se montrent très affectueuses dans leur manière d’établir un contact avec les autres. Même si dans certains cas, leur histoire et leurs traits de personnalité décrivent une certaine tendance invasive et dominante.

Parfois, on trouve des poignées de mains surdosées lors du salut, ce que l’on peut interpréter comme un indicateur de nervosité et de tension dès la première rencontre.

Il y a également des personnes qui font durer le salut. Elles bougent rapidement leur main de haut en bas. Ce sont des saluts interminables, lors desquels on a l’impression que notre main va rester accrochée à celle de l’interlocuteur. Si ce type de salut peut être son style, ou le fruit de son anxiété, il reproduit aussi une forme de relation sociale, dépendante et en demande.

Toutes ces informations qu’offrent les débuts d’une première rencontre montrent les complémentarités relationnelles. Des jeux et des dynamiques que l’on pourra interpréter, pour ensuite les corroborer aux interactions postérieures qui se développeront si la relation se poursuit.

Bien sûr, ce sont là des généralisations ; en effet, les jeux relationnels ne répondent à des schémas généraux. Ces manifestions sont en fait des hypothèses faisant office d’exemples. Elles permettent de montrer comment on doit lire certains traits des styles relationnels existants. Il s’agit de capitaliser au maximum ce que peut nous offrir l’expérience sensible !

 


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