La honte, l'émotion qui ne nous laisse pas exister
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
“Que vont-ils penser de moi si je leur dis réellement ce que je ressens ?”, “J’espère qu’ils ne vont pas m’interroger, je ne veux pas avoir à répondre devant tout le monde” ou “Je suis incapable de parler en public parce que je deviens trop nerveuse” sont des expressions très habituelles chez ceux et celles qui ont une compagne très particulière dans la vie: une compagne qui porte le nom de “honte”.
Eviter de se faire remarquer, fuir les moments où l’on peut attirer l’attention ou refuser des invitations sont des mécanismes développés par cette émotion. La honte veut que nous devenions invisibles. Pour cela, elle est capable de mettre en marche mille et une stratégies. Qu’est-ce qui se cache derrière cette émotion? D’où vient-elle? Approfondissons.
“L’une des émotions les plus puissantes dans ce monde est la honte: elle représente la peur de ne pas être suffisamment bons.”
-Brené Brown-
L’obstacle de la honte
La honte est l’ennemie de la visibilité, de la présence. Il s’agit d’une émotion difficile qui apparaît pour cacher ce que nous sommes: la peur et l’insécurité lui ont en effet signalé que nous allions nous sentir mal.
Selon la docteure en psychologie Maria José Pubill, la personne qui ressent de la honte a peur que les autres découvrent ses faiblesses. Or, ses faiblesses, dans ce cas, ne sont rien d’autre qu’être elle-même.
La graine qui fait pousser la honte se retrouve habituellement dans des expériences vécues au cours de l’enfance ou de l’adolescence.
L’origine de cette émotion se retrouve normalement dans des expériences au cours desquelles la personne a senti qu’elle n’agissait pas comme elle le devait et que son comportement n’était pas normal. Ainsi, elle a tellement été marquée par l’inutilité et l’invalidité qu’elle évite à tout prix d’être imparfaite ou que les autres la considèrent de la sorte. Sa peur est si grande que, parfois, le blocage surgit en tant que mécanisme de défense pour la protéger. La personne se plonge dans un état de profonde frustration car elle ne réussit pas à devenir la personne qu’elle voudrait être.
Avoir honte implique, d’un côté, de ressentir des émotions comme la culpabilité et la peur et, de l’autre, des mécanismes comme la perfection et le contrôle pour surmonter le sentiment d’inadéquation. Le problème est qu’au lieu d’aider, ils supposent tout le contraire: une entrave au moment de grandir et d’évoluer.
Cependant, si nous creusons un peu le sujet, nous nous rendons compte que la honte implique un manque de respect et de tolérance vis-à-vis de soi-même. En définitive, une faible estime de soi.
Honte et estime de soi: quel est leur lien ?
La honte est une peur d’être, de se montrer tel que l’on est. On choisit d’être invisible pour éviter d’être l’objet de critiques et d’être déclaré non-valide. Par conséquent, ressentir cette émotion suppose un manque de respect et de tolérance vis-à-vis de soi-même, ainsi qu’une faible estime de soi qui résulte de cette relégation au second plan.
La honte enveloppe la personne dans un filtre négatif, un filtre de mépris à partir duquel elle se perçoit comme un être fragile et faible. Cette perception lui fait par ailleurs ressentir de la colère.
Ainsi, avoir honte signifie ne pas se sentir à l’aise dans sa propre peau, ne pas se reconnaître et avancer sur le chemin de la non affirmation de soi. Cette sensation d’être le capitaine qui tient la barre de sa propre vie commence à disparaître et tout pouvoir personnel s’évanouit.
La personne qui ressent cette émotion donne aux autres le pouvoir de l’évaluer. Elle n’est capable de se voir qu’à travers les regards des autres. Elle pense à ce qu’on dira d’elle, se sent anxieuse chaque fois qu’elle perçoit qu’elle n’agit pas correctement et vit dans une sorte de “déconnexion” vis-à-vis d’elle-même. En définitive, elle souffre.
La personne qui laisse la honte régir sa vie se renie elle-même pour s’adapter à ce qui, selon elle, conviendra aux autres.
Mettre ses peurs de côté pour acquérir une visibilité
Même si cette émotion est considérée comme l’une des plus complexes qui soient, il est possible de la travailler pour diminuer son importance et la faire disparaître progressivement. Mais comment vaincre la honte? Que pouvons-nous faire pour devenir plus visibles, pour nous valoriser?
La reconnaissance et la connaissance de soi
La première étape consiste à reconnaître et à accepter que nous ressentons de la honte. Nous devons admettre que cette émotion fait partie de notre univers émotionnel. Une fois que nous l’aurons identifiée, l’idéal sera de réfléchir à ses conséquences, au poids qu’elle a sur notre vie et à la façon dont elle nous limite. Que nous empêche-t-elle de réaliser?
Si nous le faisons avec sincérité, nous découvrirons que nous sommes devenus invisibles pour nous-mêmes. Nous nous évaluons et nous valorisons selon un barème établi par les autres. Le fait est qu’il n’existe aucun barème correct ou adéquat: nous l’établissons nous-mêmes, tout comme le chemin que nous voulons parcourir.
L’étape suivante consiste à nous connaître, à nous connecter à notre être et à nous montrer tels que nous sommes. Il s’agit de commencer à redevenir visibles. Ce ne sera pas simple, surtout si nous nous sommes cachés pendant longtemps derrière un personnage qui se comportait selon ce que les autres voulaient. La bonne nouvelle est qu’il n’est jamais trop tard pour nous donner une autre chance. Nous pouvons toujours redevenir notre meilleur ami!
Localiser la situation à partir de laquelle tout a commencé peut aussi nous aider. Cela nous fournira des informations sur les moments qui nous font le plus souffrir. Par ailleurs, ce point de départ sera essentiel pour comprendre la profondeur de notre blessure. Cette blessure n’est autre que la trahison de notre essence et l’impression d’avoir déçu les autres.
“Vaincre la honte signifie devenir un adulte capable de se transformer en roi ou reine d’un nouveau pays : le pays du moi.”
-María José Pubill-
Exercices pour se défaire de la honte
Il existe un exercice très efficace pour acquérir une plus grande visibilité. Il s’agit de se mettre devant un miroir et de s’observer sans prendre en compte les opinions des autres à notre sujet. Que voyons-nous? Comment sommes-nous? Quelles sont nos qualités? De quoi a besoin la personne que nous voyons? L’idée est de se libérer des attentes, de ces pièges mentaux qui nous empêchent d’être nous-mêmes, et de gagner en sécurité. Nous comparer aux autres ne sert à rien. Nous ne sommes ni meilleurs, ni pires que les autres personnes. La solution consiste à se reconnaître et à se valider.
Dans certains cas, nous pourrons ressentir des sentiments de rage vis-à-vis de la personne qui nous a reproché de ne pas bien faire les choses. Pour libérer cette colère, nous pouvons écrire ou tout simplement penser à ce que nous dirions à cette personne. Nous pourrons ainsi nous connecter à ce poids pour ensuite le relâcher.
Comme nous le voyons, avoir honte signifie beaucoup plus que se sentir mal à un moment donné. Cette émotion nous pousse à être esclaves des attentes des autres, à nous mépriser et, en définitive, à être invisibles. Nous devons donc apprendre à nous connecter à nous-mêmes pour nous connaître et nous valoriser. C’est absolument fondamental pour gagner en sécurité. Nous devons bien garder une chose à l’esprit: il ne s’agit pas d’être parfaits mais d’être intègres afin de savourer notre bien-être.
“Quel est le sceau de la liberté réalisée? Ne plus avoir honte devant soi-même.”
-Friedrich Nietzsche-
Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.