Estanislao Zuleta, psychanalyste autodidacte
Le nom d’Estanislao Zuleta est peu connu en dehors de la Colombie, même si ce philosophe et psychanalyste travailla comme conseiller auprès de l’ONU et eut un impact considérable sur la culture. Il laissa un ensemble d’écrits et de conférences qui continuent d’être étudiée par les nouvelles générations.
L’un des aspects les plus intéressants de la trajectoire d’Estanislao Zuleta est qu’il était autodidacte. Il rejeta l’éducation formelle. Il fit en outre de l’oralité son principal moyen de communication des connaissances. Par conséquent, plus que des écrit, la majeure partie de son travail consiste en conférences, dont beaucoup furent transcrites.
“La pauvreté et l’impuissance de l’imagination ne se manifestent jamais de manière aussi claire que lorsqu’il s’agit d’imaginer le bonheur. Nous commençons alors à inventer des paradis, des îles fortunées, des pays de Cocagne. Une vie sans risques, sans lutte, sans quête d’amélioration et sans mort. Et, par conséquent, sans déficiences ni désir.”
-Estanislao Zuleta-
Estanislao Zuleta analysa principalement la politique, l’éducation et les relations de pouvoir en Amérique latine. Son approche était fondamentalement éthique. Il suivait les thèses de Freud et de Lacan mais proposa sa propre interprétation de leurs postulats. Voici une caractéristique de la psychanalyse : il existe autant de psychanalyses que de psychanalystes.
Les débuts d’Estanislao Zuleta
Estanislao Zuleta est née à Medellín (Colombie) en 1935. Sa famille était clairement orientée vers la littérature et la culture. Son père mourut dans un accident d’avion alors que le garçon n’avait que cinq mois. Cet accident était très célèbre et laissa une marque très forte car Carlos Gardel, l’idole du tango, se trouvait sur le même avion.
Estanislao Zuleta décida de quitter l’école pendant sa jeunesse car il considérait qu’il s’agissait d’un instrument faisant stagner les capacités plutôt que de les potentialiser. Il commença alors un processus de formation autodidacte auquel il ne mettrait jamais pris fin. Il fut séduit par les postulats des Grecs classiques, de Nietzsche, d Marx et de Freud. Il combina de manière très particulière ces grands versants de pensée.
Son grand mentor était cependant Fernando González, dit ” le philosophe d’Autrepart”.Il s’agissait d’un penseur colombien se caractérisant par ses réflexions aiguës, scandalisant la société conservatrice de son temps. Il encourageait par ailleurs la libre pensée et la libre expression. Stanislaus Zuleta fut peut-être son disciple le plus notable.
La plénitude du philosophe et psychanalyste
En dépit de ne pas avoir reçu une instruction académique formelle, Estanislao Zuleta fut malgré tout professeur d’université presque toute sa vie. L’Universidad del Valle lui décerna un doctorat honorifique en psychologie en 1980. Après avoir reçu ce prix, Zuleta réalisa l’un de ses discours les plus célèbres. Ce discours fut appelé L’éloge de la difficulté. Il devint un texte célèbre qui illumina des générations entières.
Sa vie personnelle n’était pas exactement un monument d’ordre et de modération. Bien au contraire. Ses excès avec l’alcool étaient célèbres. Il passait des nuits entières en compagnie de poètes, d’écrivains et d’intellectuels.
L’une de ses grandes vertus était néanmoins sa rigueur systématique en matière de lecture. Cela lui donnait une place de choix dans l’éducation, la politique et la pensée. L’une de ses œuvres les plus connues et les plus appréciées est précisément l’essai Sobre la lectura (Sur la lecture). Il y exalte non seulement le fait de lire, mais aussi l’importance fondamentale de digérer ce qui est lu.
Le quotidien d’un travail dynamique
Estanislao Zuleta fréquentait les bars et les cafés. Il s’y installait et ne repoussait jamais quiconque voulait l’accompagner pour discuter. Un autre de ses essais fait l’apologie de la conversation. Il était un excellent représentant de cet art. Selon lui, en cas d’échange d’idées avec quelqu’un qui pense différemment, la seule chose éthique à faire est de chercher tous les arguments permettant de donner la raison à l’interlocuteur, non de s’y opposer. Nous pouvons tranquillement continuer avec notre façon de penser si ces arguments ne peuvent être trouvés.
Il pensait que nos pourrions changer le monde grâce à la psychanalyse. Il se risqua à diverses réflexions de type psychanalytiques, appliquées à la société. L’une de ses œuvres les plus intéressantes est Sur l’idéalisation de la vie individuelle et collective. Estanislao Zuleta y montre qu’essayer de construire des “paradis sociaux” conduit seulement à la création de sociétés autoritaires, au nom de la perfection.
L’un de ses grands amis, Jorge Vallejo, réalisa une biographie d’Estanislao Zuleta, quelques années après sa mort. Elle s’intitule La rébellion d’un bourgeois. Nous y trouvons un homme rempli de contradictions, mais d’une lucidité et d’une générosité sans limites. Il existe actuellement un centre de réflexion consacré exclusivement à l’étude de son travail. Il s’agit donc de l’un de ces penseurs, peu célèbres, mais qui vaut néanmoins la peine de connaître et d’analyser.
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