Edward aux mains d'argent, une histoire sur l'acceptation
Rédigé et vérifié par critique de cinéma Leah Padalino
Edward aux mains d’argent, réalisé par Tim Burton en 1990 et mettant en vedette les très jeunes Johnny Depp et Winona Ryder, est, pour beaucoup, le chef-d’œuvre de ce réalisateur. Il possède excellente une bande originale, composée par Danny Elfman, qui depuis fait office de référence en la matière.
L’esthétique du film Edward aux mains d’argent attire l’attention dès le générique avec des objets qui rappellent d’autres œuvres de l’auteur, comme Nightmare before Christmas (1993). Les premières images du film montrent un vieux manoir poussiéreux mais aussi magique, nous avertissant par la même que nous pénétrons dans “l’Univers de Tim Burton“.
Sous forme de conte, de fable presque, mêlant fantaisie et vie quotidienne, Burton présente un film rempli d’émotions et de sentiments. Il donne vie à une histoire dans laquelle deux messages se détachent : l’importance d’accepter les différences et de laisser de côté les préjugés .
Edward aux mains d’argent est une histoire très personnelle, hautement autobiographique, bien qu’elle soit présentée de manière fantaisiste. Burton lui-même a souvent parlé des problèmes rencontrés dans son enfance ; en effet, il s’est toujours défini comme solitaire, et même “bizarre”. Même son ex-épouse, Helena Bonham Carter, a reconnu en lui certaines caractéristiques du syndrome d’Asperger.
Edward aux mains d’argent, une histoire pleine de contrastes
Burton présente le film comme l’histoire qu’une vieille femme raconte à sa petite–fille et, à partir de là, nous entrons dans le fantasque. Tout commence dans un quartier coloré rempli de jardins et de maisons individuelles. Nous n’y trouvons aucune voiture, ni porte, ni vêtement qui soit de couleur noire. Parmi toutes ces couleurs, se dresse, au fond et au sommet d’une colline, un vieux manoir, pratiquement en ruines ; gris et noir, dont l’aspect rappelle beaucoup le cinéma expressionniste allemand.
Le premier personnage que nous connaissons est Peg, mère de deux enfants, qui travaille pour l’entreprise de cosmétiques Avon. Dans une tentative désespérée pour vendre ses produits, Peg décide d’entrer dans le mystérieux manoir. À son arrivée, elle rencontre des arbres étranges qui ont été sculptés en imitant des formes animales et humaines.
Le manoir, qui semblait si sombre de loin, dispose d’un magnifique et coloré jardin totalement inattendu, lequel fait office de préalable à l’extraordinaire monde intérieur de celui qui y réside. La musique joue un rôle fondamental lorsque Peg entre dans le manoir.
Peg s’attendait assurément à rencontrer quelque chose d’effrayant, de bizarre ; cependant, elle se retrouve dans un environnement magique et merveilleux, avec des sculptures pleines de sensibilité. Le manoir est complètement négligé à l’intérieur, rempli de poussière et de toiles d’araignées ; certaines coupures de presse collées sur un mur sont mises en évidence, coupures sur lesquelles nous pouvons lire des titres comme “enfant né sans yeux lit avec ses mains”. Peu de temps après, nous rencontrons Edward, l’étrange résidant, qui possède une particularité inattendue dans la mesure où, à la place des mains, il possède des ciseaux.
Le contact avec le monde et les relations sociales
Dès le début, Edward présente une innocence extrême. Il le fait lorsqu’il se réfère à son père en disant qu’il “ne s’est pas réveillé”, faisant ainsi clairement allusion à son ignorance du monde, de la vie et de la mort. Peg, fascinée par les cicatrices causées par les ciseaux, décide d’essayer sur lui ses produits cosmétiques et l’invite chez elle.
A partir de ce moment, nous observerons toutes les difficultés d’Edward pour vivre en société, pour distinguer le bien du mal, le profond rejet dont il fait l’objet initialement de la part des voisins, et leur fascination lorsqu’ils découvrent qu’ils peuvent tirer profit de ses compétences en tant que jardinier et coiffeur. Les voisines représentent le côté malsain de l’être humain, mettant en scène une pensée collective, et sont le fidèle reflet de la façon dont cette idée change en fonction des circonstances, de sorte que leur opinion sur Edward n’est en rien personnelle, mais collective.
Burton nous montre combien il est difficile d’être accepté lorsque nous sommes différents des autres. Edward éveille de la curiosité chez certains, de la peur chez d’autres. Nous pouvons observer comment les voisines se dédient à commenter tout ce qui se passe dans le quartier, à répandre des rumeurs, à critiquer Peg et son étrange locataire.
Edward s’intègre très bien dans la famille de Peg, établissant une très bonne relation avec son jeune fils et son mari. Cependant, lorsqu’il rencontre Kim, leur fille adolescente, certains sentiments se réveillent chez Edward, mais il n’est pas en mesure de les exprimer. La relation avec Kim est difficile au début à cause des préjugés de cette dernière, mais avec le temps, elle verra en Edward la personne qu’il est réellement et le grand cœur qu’il possède.
“-Kim: enlace-moi.
-Edward: Je ne peux pas”
Edward commence à susciter l’admiration chez les voisins pour ses qualités de coiffeur et de jardinier, sa popularité augmente, à tel point qu’il lui est proposé de créer un salon de beauté. Edward et Peg assistent en tant qu’invités à une émission de télévision où ils expliquent le cas d’Edward, et le public fait des commentaires et posent des questions. Il est curieux de constater à ce moment que lorsque le différent devient une attraction, il engendre de la fascination. Edward n’est pas différent, il est spécial.
“-Public : Mais si vous aviez des mains, vous seriez comme n’importe quelle autre personne.
-Edward : Oui, je suppose.
-Présentateur : Il aimerait sûrement.
-Public : Alors personne ne penserait que vous êtes spécial, vous ne passeriez pas à la télévision ni ne seriez populaire.
-Peg : Quoi qu’il arrive, Edward sera toujours spécial”
Ce qui est “différent” effraie
Les conflits réapparaissent lorsque Edward accepte d’aider Kim et son petit ami à commettre un acte délictueux : à partir de cet instant nous revenons la négation de ce qui est différent. La société commence à le percevoir comme un monstre, comme quelqu’un qui doit être éliminé car dangereux. Les voisines qui admiraient tant son talent ont désormais peur, inventent des histoires et veulent le voir mort.
Tim Burton procède à un petit clin d’œil qu’il convient de souligner. Il s’agit d’une scène où Edward est poursuivi par le voisinage, il est seul, tout le monde veut le voir mort … Mais un chien s’assoit à côté de lui, Edward lui coupe alors sa frange afin que l’animal puisse mieux voir et ce dernier lui montre sa reconnaissance. Ce petit instant est vraiment magique. Burton nous montre ici comment les préjugés sont quelque chose d’inconnu des animaux, lesquels peuvent parfois se montrer plus compréhensifs que de nombreuses personnes.
Burton présente un personnage dépourvu de méchanceté, avec des problèmes sociaux eu égard au fait d’avoir vécu trop longtemps isolé à cause de sa condition particulière. Rares sont ceux qui voient en Edward un homme bon et innocent. Le manoir est un reflet de cette personnalité, avec de grandes, imposantes et sombres grilles qui servent de bouclier afin de protéger ce jardin magique plein de sensibilité.
On a beaucoup entendu parler de Burton et de son éventuel syndrome d’Asperger, et il est difficile de savoir avec certitude quelle a été l’enfance et la vie du réalisateur. Nous pouvons toutefois apprécier certaines caractéristiques de ce syndrome dans le personnage d’Edward, telles que sa maladresse avec ses mains, ses problèmes d’adaptation et son profond monde intérieur. Indubitablement, Edward aux mains d’argent nous offre une merveilleuse leçon d’acceptation, nous enseigne à ne pas avoir peur des autres sensibilités et à regarder davantage au fond des personnes.
“Parfois, je danse encore sous la neige.”
-Kim dans Edward aux mains d’argent–
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