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Black Mirror : Nosedive, la déshumanisation du futur

7 minutes
Black Mirror : Nosedive, la déshumanisation du futur
Leah Padalino

Rédigé et vérifié par critique de cinéma Leah Padalino

Dernière mise à jour : 11 novembre, 2022

Black Mirror est l’un de ces bijoux de la télévision qui, au lieu de nous hypnotiser et de nous faire oublier le monde qui nous entoure, nous pousse à être plus critiques sur notre réalité quotidienne. Ce n’est pas une série en tant que telle, il n’y a pas de connexion entre les épisodes. Nous ne sommes pas obligés de la regarder dans l’ordre et elle ne nous oblige pas à effectuer un marathon d’heures parfois difficile à digérer.

Aujourd’hui, nous allons évoquer un épisode de la troisième saison nommé Nosedive. Bien que futuriste, cet épisode nous rappelle énormément le monde dans lequel nous vivons. C’est quelque chose de normal dans Black Mirror puisque son créateur, Charlie Brooker, indiqua a plusieurs reprises que son inspiration ne vient pas de la fiction, mais bel et bien de notre propre contemporanéité.

Nosedive nous rappelle énormément l’invasion des réseaux sociaux que nous subissons actuellement et nous permet de prendre conscience du danger et de l’irréalité dont ils peuvent faire preuve.

Bryce Dallas Howard y joue le rôle de Lacie. Nosedive nous présente un monde parfait où il n’existe pas de gris et où toutes les couleurs sont pastel, des vêtements aux meubles des logements. Tout est merveilleux et idyllique dans ce futur pas si lointain. Cependant, de la même manière que le fond les réseaux sociaux, ce monde cache un visage très très amer.

Lacie est le personnage principal de cette histoire, de cet écosystème dans lequel les personnes sont notées par leur popularité sur une application semblable à Instagram. Un 0 est la note la plus faible et un 5 la note maximale. Grâce aux valorisations des autres et au réseau de contacts, on peut obtenir un meilleur poste de travail, acheter un appartement et obtenir d’autres bénéfices. Que se passerait-il si nous prenions totalement au sérieux ce que nous voyons sur Instagram ? Que se passerait-il si nous commencions à classer les personnes en fonction de leur popularité sur les réseaux sociaux ?

Black Mirror, une fois de plus, nous rappelle le visage le plus caché de notre monde. Cela nous positionne devant une vérité que nous connaissons mais que nous semblons ignorer. Si vous n’avez pas vu l’épisode, il vaudrait mieux cesser votre lecture. En effet, certains spoilers vont être faits pour traiter des thèmes les plus importants.

Black Mirror : Nosedive, derrière la perfection

Quotidiennement, nous consultons Facebook, Instagram, Twitter… Chacun a ses préférences, mais il est impossible de dire que les réseaux ne se sont pas convertis en peu de temps en une partie de nos vies. Ils sont l’image que nous souhaitons donner au monde, ce que nous aimerions être, mais que nous ne sommes pas : le meilleur visage de notre vie quotidienne.

Dans Black Mirror, l’application étoile permet de noter les gens, de la même manière que les likes sur Instagram. La différence est que les points sont des points sociaux qui fonctionnent au-delà des réseaux et qui déterminent votre vie en réalité.

Lacie est une jeune populaire bien qu’elle n’appartienne pas à l’élite. Elle a un bon travail mais sa vie pourrait être un peu mieux. Elle est complètement accro au réseau et tente constamment d’attirer l’attention d’une ancienne amie d’enfance, Naomi, une jeune magnifique dont la vie est parfaite et qui est sur le point de se marier.

Les notes peuvent être publiques ou anonymes et la répercussion d’une mauvaise note peut être dévastatrice. Pour cette raison, tous les habitants de ce monde tentent de se comporter en respectant les normes, en étant aimables et en semblant être « parfaits ».

Pensons un instant à Instagram, sur les comptes que nous suivons, les plus populaires…sont remplis d’un faux bonheur, d’une beauté douloureusement parfaite. Que se passerait-il si nous transférions tout cela à la vie réelle ? Nous pouvons tester une infinité de filtres pour être beaux sur les photos, nous pouvons mesurer une chose que nous publions, mais nous ne pouvons pas plaire à tout le monde au quotidien.

Some figure

Nosedive tente de transférer les codes de nos réseaux sociaux au monde réel où nous agirions donc uniquement avec fausseté pour tenter de plaire et de montrer notre meilleur visage. Les likes que nous recevons sur Instagram ou Facebook nous serviraient donc à déterminer notre position sociale.

Dans Black Mirror, tout le monde agit correctement avec les autres, avec une cordialité qui dérange car nous savons qu’au fond elle n’est pas réelle, c’est de l’égoïsme pur. Il ne s’agit pas de plaire ou d’aider, mais juste d’améliorer son image propre.

Naomi propose à Lacie d’être sa demoiselle d’honneur pour son mariage. Lacie accepte sans aucun doute, malgré les avertissements de son frère qui lui rappelle que Naomi l’a fortement blessée par le passé. Lacie a besoin d’aller à ce mariage car il sera rempli de personnes ayant des notes élevées et elle pourra ainsi atteindre le 4,5 dont elle a besoin pour financer l’appartement qu’elle souhaite.

Naomi pour sa part n’invite pas Lacie car c’est une bonne amie ou pour partager des souvenirs d’enfance, mais car elle pense qu’il pourrait être intéressant de faire venir une amie du collège avec un 4,2. Personne n’agit avec vérité, personne ne pense aux autres, le « moi » est le seul à exister, en collaboration avec l’image que je projette de « moi ».

Cesser d’être esclaves

Cette préoccupation extrême pour l’image, pour la projection de nous envers le monde nous rappelle énormément notre réalité. Nosedive n’est finalement pas improbable et cela nous rappelle certainement des situations que nous avons expérimentées.

Nous souhaitons tous partager des images d’un repas succulent, d’une nuit merveilleuse avec des amis, d’un voyage inoubliable, d’un simple café en terrasse… Nous analysons absolument tout ce que nous publions, nous pensons aux personnes qui le verront et à l’avis qu’elles en auront.

Nous vivons dans un monde qui chaque jour est moins humain et plus technologique, mais heureusement nous conservons le contact, la relation quotidienne avec nos collègues et amis et nous avons un petit espace où nous pouvons être nous-mêmes.

Nous savons tous ce que nous souhaitons être, certains même font de l’imitation. Mais est-ce vraiment ce que nous souhaitons ? Au fil de l’épisode nous nous rendons compte du fait que la personnalité de Lacie est totalement conditionnée, elle ne choisit pas sa nourriture, mange ce qui est socialement bien, n’aime pas le gâteau qui vient avec son café mais fait comme si. Ce conditionnement, cette nouvelle façon d’agir et la fausseté extrême dont font preuve les personnages font qu’ils sont incapables de gérer un conflit, de dire ce qu’ils pensent par peur de baisse de leur note.

Black Mirror nous immerge magistralement dans une danse de masques contemporains, de filtres de la vie réelle, où tout est pastel, tout est d’apparence parfaite, mais personne n’est réellement heureux. Personne ne peut-être si heureux, personne ne peut être toujours content et personne ne peut aimer tout le monde.

Some figure

Cet Instagram extrême, associé à l’invitation au mariage rendront Lacie obsédée par la popularité. Un fait qui sera dérangé par une série d’imprévus qui pousseront Lacie à montrer son vrai visage, à laisser son masque de côté et à être humaine.

Le fait d’avoir des sentiments est humain, tout comme le fait de ne pas penser comme son voisin ou d’exprimer sa colère. Mais dans ce monde si parfait, l’humain n’a pas sa place. La chute de Lacie n’est rien de plus qu’une libération, elle finit en prison mais elle est libre.

Ce ne sont finalement pas les murs qui l’oppressent, c’était en fait la société. Une fois en marge de celle-ci, elle peut enfin crier, enfin être elle-même. La scène finale dans laquelle Lacie « a perdu la tête », lorsqu’elle se rend compte qu’elle n’a plus de téléphone et qu’elle entre dans un échange de cris avec son voisin de prison est une scène libératrice, laissant place à l’espoir. Il n’y a rien de plus emprisonnant que soi-même, il n’y a rien de plus esclavageant qu’un monde déshumanisé.

« Personne ne peut être aussi heureux. »

-Black Mirror-

 

Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.