Biais cognitifs : quand nous (ne) pensons (pas), nous nous trompons
Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas
Nous prenons beaucoup de décisions au quotidien. La plupart du temps, à toute vitesse, presque sans réfléchir. Il est vrai que nous ne réfléchissons que rarement aux conséquences qu’impliqueraient chacune des options que nous avons à l’esprit, au cas où nous opterions pour elles en tant que solution.
D’autres fois, surtout quand nous pensons que les décisions sont importantes, nous étudions les informations que nous possédons afin de trouver la meilleure option. Mais s’il y a bien une chose que nous prenons difficilement en compte au moment de prendre des décisions, c’est le fait que les biais cognitifs influent sur les solutions que nous imaginons et trouvons. Ces biais sont dangereux dès qu’ils nous poussent à prendre des solutions peu réalistes.
Malgré tout, les biais cognitifs et les heuristiques ne sont pas mauvais ; en fait, nous pourrions dire qu’ils représentent une sorte de raccourci mental (un peu traître parfois, il faut bien le dire). Nous parlons de raccourci parce que nous les utilisons pour économiser des ressources cognitives (de l’énergie mentale).
Par exemple, si, à chaque fois que je vais à un bar, je perds une demi-heure à penser à la boisson qui serait la plus adéquate, en analysant chacun de ses composants, je finirai par me fatiguer et je perdrai du temps que je pourrais investir sur d’autres thèmes. Les heuristiques et les biais cognitifs vont accélérer notre pensée, en économisant des ressources que nous utiliserons pour d’autres tâches plus importantes.
Deux façons de penser
Selon Daniel Kahneman, il existe deux manières de penser. Cet auteur reprend ces deux façons dans deux systèmes qu’il appelle “penser rapidement” et “penser lentement”. Le premier système, grâce auquel nous pensons rapidement, est automatique. Ce système opère normalement en-dessous de notre niveau de conscience. Les émotions influent beaucoup dans ce type de pensée et, fréquemment, conduit à des pensées stéréotypées. Sa fonction consiste à générer des intuitions qui peuvent nous aider, mais aussi nous trahir.
Le second système correspond à la pensée lente. Ce type de pensée est moins fréquent et requiert plus d’efforts. Cette pensée se réalise de manière consciente, en opposition à la pensée rapide, logique et calculatrice. Sa principale fonction est de prendre les décisions finales après avoir observé et contrôlé les intuitions de la pensée rapide.
Le premier système a tendance à être plus dominant. Et, par opposition, le second système est normalement plus paresseux. Normalement, nous nous laissons guider par la pensée rapide. Une tendance qui a des répercussions, comme arriver à des conclusions hâtives, exagérer l’effet des premières impressions, confondre les relations avec la causalité et faire excessivement confiance aux données que nous connaissons (sans prendre en compte d’autres données également disponibles).
Heuristiques de la pensée
Un heuristique est considéré comme un raccourci aux processus mentaux actifs et, par conséquent, est une mesure qui économise ou réserve des ressources mentales. Etant donné que notre capacité cognitive est limitée, nous répartissons les ressources en dédiant une plus grande quantité aux éléments -préoccupations, activités, personnes, etc.- qui demandent un plus grand travail mental.
Nous pouvons marcher sans y prêter attention mais si le chemin est accidenté et si nous pensons que nous pouvons trébucher et tomber, nous utiliserons plus de ressources cognitives et ferons plus attention aux endroits où nous mettons les pieds. Parmi les heuristiques existants, certains des plus importants sont :
- Heuristique de disponibilité : il s’utilise pour estimer la probabilité qu’un fait se réalise. Pour cela, nous nous basons sur l’information que nous avons déjà. Les personnes qui regardent beaucoup la télévision, étant donné la grande quantité de violence que l’on y retrouve, pensent qu’il y a beaucoup plus de crimes violents qui sont commis que les personnes qui regardent moins la télévision.
- Heuristique de simulation : il s’agit de la tendance qu’ont les personnes à estimer la probabilité d’un fait en se basant sur la facilité à l’imaginer. Plus ce fait est facile à imaginer, plus on lui attribue de probabilités. Quand il y a un attentat, il est plus facile de penser qu’il a été commis par des djihadistes que par des groupes qui attaquent moins fréquemment ou dont les buts sont différents.
- Heuristique d’ancrage : on l’utilise pour dissiper des incertitudes, en prenant un point de départ pour référence, l’ancrage, que nous ajustons après cela pour en arriver à la conclusion finale. Si mon équipe a gagné le championnat l’année dernière, j’aurai tendance à penser qu’elle a plus de chance de le gagner une nouvelle fois cette année, même si elle ne l’a gagné qu’une fois dans son histoire.
- Heuristique de représentativité : il s’agit de la probabilité qu’un stimulus (personne, action, fait) appartienne à une catégorie déterminée. Si une personne a bien étudié des matières scientifiques et, qu’après quelques années, nous la voyons avec une blouse blanche, nous en déduirons qu’elle est devenue scientifique et pas charcutière, alors que nous ne le savons pas réellement.
Biais cognitifs
Les biais cognitifs sont des effets psychologiques qui déforment les pensées. De la même façon que les heuristiques, les biais ont la fonction d’économiser des ressources cognitives. Si les biais peuvent nous conduire à des erreurs parfois graves, ils nous conduisent aussi, dans certains contextes, à prendre des décisions plus rapides et efficaces. Quelques-uns des biais les plus connus sont :
- Le biais de confirmation : il s’agit de la tendance à rechercher ou à interpréter une information qui confirme des pré-conceptions. Si nous avons investi dans la bourse, nous chercherons des avis dans la presse, sur les blogs et les forums qui confirment nos idées d’investissement, en ignorant les commentaires qui indiquent des opinions différentes. De la même façon, si nous avons acheté une voiture, nous chercherons ces articles qui soulignent ses caractéristiques positives, en obtenant ainsi un appui pour notre décision.
- Le biais de faux consensus : c’est la tendance à croire que nos propres opinions, croyances, valeurs et habitudes sont plus répandues qu’elles ne le sont parmi le reste de la population. Si je suis contre la peine de mort, je penserai que la majorité des gens de mon pays pensent comme moi.
- Le biais de correspondance : plus connu sous le nom d’erreur fondamentale d’attribution. Il s’agit de la tendance à trop s’attarder sur les explications fondées, les comportements ou les expériences personnelles d’autres personnes. Si un compagnon échoue à un examen que nous avions tous deux préparés ensemble, il est plus probable que nous pensions qu’il est paresseux et n’est pas intéressé par les études.
- Le biais rétrospectif ou a posteriori : c’est la tendance à voir les événements déjà passés comme prévisibles. Quand un ami est renvoyé de son travail, nous lui disons que nous savions déjà que cela allait se produit parce que l’entreprise ne traversait pas une bonne passe. Cependant, nous ne lui aurions pas prédit cela avant qu’il ne soit renvoyé.
Connaître les biais cognitifs et les heuristiques va nous rendre plus efficaces au moment de prendre des décisions. Même s’ils sont difficiles à éviter, parfois impossibles, les biais de pensée peuvent être réduits en sachant comment ils fonctionnent et à partir de la connaissance de la conscience. Etudier toutes les alternatives et chercher des informations qui appuient et contredisent nos croyances initiales est une manière de les réduire. Par ailleurs, éviter les biais peut rendre nos pensées plus créatives.
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