Adolf Wölfli, le plus connu des artistes de l'art brut
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Les artistes peuvent toujours nous surprendre avec leur univers et avec celui qu’ils projettent. Certains artistes utilisent parfois un masque et trompent nos sens. Cependant, il y a d’autres artistes dont la vie peut se lire à travers leurs œuvres. L’art ne fait pas qu’embellir le monde, il crée parfois des univers. Ainsi, s’il est un artiste qui fascine et surprend par ses peintures, ses dessins et sa vie même, c’est bien Adolf Wölfli.
Nous parlons ici d’un des artistes les plus célèbres de l’art brut. Il s’agit de cet art qui est né en dehors des frontières académiques et culturelles. L’horreur du vide caractérise de nombreuses œuvres de Wölfli. Ainsi, dans ses peintures, l’artiste s’est efforcé de remplir tout espace vide.
Ce n’est cependant pas la seule caractéristique frappante de l’univers du peintre. Dans cet article, nous allons nous immerger dans le monde artistique et psychologique de l’artiste. Nous allons explorer ses projections et nous pencher sur sa biographie. Plongez donc à présent dans l’art fascinant et turbulent d’Adolf Wölfli.
La vie de Wölfli
Né le 29 février 1864 à Bowil, dans le canton de Berne en Suisse, il vit avec sa famille dans une extrême pauvreté. Sa mère est blanchisseuse et son père, tailleur de pierre. Ayant des problèmes avec l’alcool et la justice, ce dernier passe de longues années en prison. Il fini par abandonner sa famille quand Adolf Wölfli a seulement cinq ans.
Deux de ses frères meurent avant leur troisième anniversaire, et les deux autres séjournent régulièrement en prison pour des délits mineurs. La mère de Wölfli, ne sachant comment faire face à la situation, finira par tomber malade.
D’après les lois de l’époque, Wölfli est séparé de sa mère. En effet, les enfants qui vivaient ce type de situations étaient alors envoyés dans des fermes pour y travailler. Il a ainsi continué à travailler et à étudier dans ce contexte. Il a même réussi à obtenir de bonnes notes à l’école. Et ce, malgré, les graves abus dont il a souffert.
Il s’engage ensuite dans l’armée mais il est accusé de tentative d’agression sexuelle sur mineurs. Il se voit alors condamné à deux ans de prison. En prison, le travail qu’on lui propose ne lui plait pas. Il fait preuve d’agressivité et montre une grande exaltation religieuse. Il finit par retrouver la liberté quelques temps plus tard.
Après une nouvelle tentative de harcèlement sur une fillette de deux ans, il est alors admis à l’hôpital psychiatrique de Waldau. Là, on lui diagnostique une schizophrénie. Il resta interné dans cet hôpital jusqu’en 1930. C’est à dire jusqu’à sa mort.
La santé mentale de l’artiste
Au cours de ses premières années à l’hôpital psychiatrique, Adolf Wölfli se montre agressif et présente des hallucinations. De fait, il est même soumis à un dur régime d’isolement pendant un certain temps.
En 1899, il commence à dessiner. Il s’adonne au dessin de manière totalement spontanée et il devient même irritable lorsqu’un autre patient lui arrache ses dessins par exemple. Cependant, dès lors qu’il a commencé à dessiner, les médecins affirment que son comportement s’est assagi.
Walter Morgenthaler, un psychiatre de l’hôpital, l’encourage alors dans son travail de création. Il rassemble même ses travaux et publie en 1921 un volume intitulé Un patient psychiatrique artiste. C’est une première dans l’histoire car aucun patient en hôpital psychiatrique n’avait jamais été qualifié d’artiste auparavant.
Les oeuvres d’Adolf Wölfli
Adolf Wölfli avait une compulsion pour écrire et dessiner. Du travail qu’il a réalisé avant sa rencontre avec Morgenthaler, il ne reste qu’une cinquante de pièces. Il s’agit ici de travaux au crayon caractérisés par la recherche de la symétrie. Il est intéressant de constater à quel point leur organisation ressemble à celle des mandalas.
Dans sa thèse de doctorat intitulée Processus créatifs chez les artistes marginaux, Graciela García Muñoz, directrice créative et docteure Cum Laude en art pour l’intégration sociale, a suggéré que les principales figures qui reviennent dans les œuvres de Wölfli sont l’oiseau, le serpent et le visage triangulaire.
De plus, dans ses travaux, on dénote aussi que les formes de cloches, les lettres B, E, H, I, N, Z, ses propres initiales et les séries de chiffres 2, 4, 8, 16, 32 sont prédominantes. Parmi les figures, on remarque que ce sont les croix, les triangles, les cercles, les carrés, les spirales et les ovales qui sont les plus fréquentes. Enfin, la transformation et la renaissance sont aussi des thèmes qui prédominent dans ses dessins.
Cependant, bien que pour le public, les œuvres de Wölfli soient généralement identifiées au dessin, pour l’auteur il s’agissait d’œuvres sonores et c’est pour cela qu’il les a signées en tant que compositeur.
Adolf Wölfli a également écrit. Il travaillait sur des feuilles de papier qu’il pliait au milieu. Il a écrit des textes dans lesquels il raconte l’histoire de Doufi – son alter ego d’enfance. Wölfli y raconte les aventures de ce jeune garçon autour du monde. Ces textes comportent également des cartes qui servent à contextualiser l’aventure. En outre, il y présente aussi ses dix préceptes.
Il a écrit sept livres consacrés à l’origine de la création qu’il nommait le géant Saint-Adolphe. Ces livres sont en phase avec l’histoire de Doufi et présentent les fondations des bâtiments créés par le personnage. Les autres livres racontent les voyages du jeune homme et de ses amis à travers le cosmos sous la guidance de Dieu le Père.
En outre, il a écrit des livres marqués par une certaine musicalité et par les rimes. Il a aussi pratiqué le collage. Sa dernière œuvre est certainement celle qui reflète le mieux son processus de création. Cependant, elle est restée inachevée à la suite de la mort de l’artiste.
Les œuvres de Wölfli ont une valeur musicale inscrite dans ses créations. D’ailleurs, certains musiciens se sont même inspirés de ces partitions particulières. Ils ont ainsi permis de reconnaître les connaissances de l’artiste en matière de solfège.
Qu’en est-il à présent de la relation de son travail avec sa santé mentale ? On dit que le processus créatif lui a permis de calmer son agressivité. Il semblerait que sa grande productivité artistique ait pris naissance dans son caractère compulsif. Certaines idées messianiques que l’on peut voir dans ses créations pourraient illustrer sa psychose. De plus, nombre de ses traumatismes d’enfance se reflètent dans ses œuvres.
Ses créations traduisent de l’angoisse et de l’agitation. En même temps, elles nous donnent envie d’aller un peu plus loin dans le monde particulier d’Adolf Wölfli. Il est possible que les structures symétriques et la géométrie proche des mandalas aient été une façon de mettre de l’ordre dans le chaos de son monde intérieur. Une sorte de manière de contenir son angoisse.
Son oeuvre est composée d’un total de 25 000 pages écrites et dessinées. L’art a clairement rempli une fonction thérapeutique dans sa vie. Son travail nous montre l’évolution de l’artiste mais aussi celle de sa maladie. Chaos, pulsions, horreur du vide, batailles, agressions, drame, décimales infinies, musique, angoisse, vie en spirale, transformation, univers sacré, micro-univers, et une forte volonté d’ordre sont autant de caractéristiques de l’œuvre de Wölfli, un artiste qui, aujourd’hui encore, continue de nous interpeller par ses œuvres.
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- García Muñoz, G. (2010). Procesos creativos en artistas outsider. Tesis doctoral, Universidad Complutense de Madrid.
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