Accoucher avec dignité : plus de violence obstétrique

Accoucher avec dignité : plus de violence obstétrique

Dernière mise à jour : 11 février, 2017

La violence obstétrique laisse des traces profondes chez les personnes qui en souffrent. Accoucher, un acte non seulement physique mais aussi chargé de sentiments, de doutes et d’espoir, peut se transformer en une expérience très désagréable si les femmes sentent qu’on les traite comme de simples récipients dont le contenu doit être “vidé”.

Des phrases comme « Ne criez pas », « Il n’y a pas de quoi en faire un drame » ou « Calmez-vous ou cela va finir par mal se passer », sont des phrases qui infantilisent la femme, la relèguent à un espace de moquerie et d’impuissance, annulent toute leur expression de confusion et de douleur logique à un moment crucial de leurs vies.

Pour être un-e bon-ne professionnel-le de la médecine, il ne suffit pas de posséder les connaissances “techniques”, il s’agit surtout de savoir traiter les patient-e-s avec tout le respect qu’iels méritent et avec un minimum d’empathie et de compréhension.

Les nombreuses coupes budgétaires dans les secteurs comme celui de la santé ne font qu’accroître ces faits désagréables dans les relations médecin-patient-e, puisque le-a premier-ère peut se sentir épuisé-e et à bout tandis que les patient-e-s peuvent sentir qu’on ne les comprend pas ou que personne ne s’intéresse à elleux.

Accoucher avec dignité et entourée d’un personnel médical qui accompagne la patiente avec une attitude respectueuse n’est pas un privilège, ni une concession exceptionnelle : accoucher avec dignité est un droit.

L’origine de la violence obstétrique

On nous dit que nous devons accoucher, parfois comme une obligation tacite de la société. En revanche, quand les femmes font face aux dilemmes que cela suppose, on ne les traite pas, dans la majorité des cas, comme elles devraient être traitées. Cela arrive au moment de l’accouchement, mais également dans tous les aspects de la santé reproductive des femmes.

Il n’est donc pas étrange que certaines femmes se sentent attirées par un autre type d’attention qui ne soit pas celui du circuit médical protocolaire, puisqu’elles se sentent parfois dépossédées de toute décision importante au cours de leur grossesse et de l’accouchement ; elles courent même le risque de ne pas recevoir une attention médicale rigoureuse et spécialisée dans un hôpital avec toutes les garanties sanitaires.

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Sans aller plus loin, des femmes dans leur trentaine qui souhaitent se soumettre à une ligature des trompes en suivant leur ferme décision de ne pas vouloir avoir de descendance se retrouvent soumises à un questionnement incessant à propos de leur choix. Un choix intime sur leur vie sexuelle et reproductive.

Si, un jour, elles en venaient à regretter cette décision, ce serait alors un point auquel elles devraient elles-mêmes faire face, et qu’elles auraient à surmonter. Comme toutes les décisions dans la vie, car vivre c’est décider. Empêcher de prendre des décisions librement est synonyme de soumettre, pas de conseiller.

Il pourrait sembler que le fait d’être enceinte et souhaiter continuer sa grossesse est “une autre paire de manches” : cependant, lors de nombreuses occasions, la femme continue à recevoir un traitement extrêmement autoritaire de la part de son entourage, comme si sa capacité de jugement était réduite.

L’accouchement, un acte d’une grande douleur physique et très chargé émotionnellement

L’accouchement est un moment attendu et désiré par toute femme enceinte. Après une grossesse et une série de profonds changements physiques et psychologiques, la femme veut que tout “se passe bien”. La contradiction réside dans le fait que, pour une femme, “que tout se passe bien” ne se réduit pas seulement au fait de ne pas avoir de complications médicales pendant l’accouchement.

La femme veut accoucher en sentant qu’on s’occupe d’elle, et que ses contractions d’une immense douleur ne soient pas minimisées ni tournées au ridicule. L’idée bien ancrée selon laquelle les femmes se retrouvent avec les hormones chamboulées et ne répondent parfois pas d’elles-même n’est pas un fait réel mais répond à une prophétie réalisée : si le personnel sanitaire traite la femme comme une hystérique depuis le début, alors celle-ci finira peut-être par agir de la sorte.


La violence obstétrique, c’est refuser de donner des informations, pratiquer des césariennes qui ne sont pas nécessaires, injecter des médicaments qui ne sont pas appropriés, maltraiter verbalement et physiquement les femmes enceintes avant, pendant et après l’accouchement.


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Si une personne note qu’on la traite avec dédain et condescendance, sa douleur et sa frustration ne vont en être plus qu’accrues ; les plaintes peuvent donc être sa façon de se défendre en réponse à ce traitement irrespectueux et humiliant. Sachez que, si cela peut paraître exagéré, ça ne l’est pas dans la réalité. Une grande partie des femmes qui souffrent de dépression post-partum identifient comme facteur de stress de premier ordre le traitement reçu par le personnel sanitaire durant leur grossesse, accouchement ou post-accouchement.


Il est très commun que les femmes se sentent seules et débordées avec leur nouveau rôle de mère, qu’une sensation de vide et de tristesse s’empare d’elles après l’accouchement. Et si elles reçoivent un traitement déshumanisé de la part du personnel médical, alors cette sensation s’accentue.


Elles ont été dans l’expectative pendant des mois, mais personne ne les a prévenues qu’elles souffriraient d’un processus de réadaptation difficile et que l’envie de pleurer continuellement est quelque chose de normal et naturel. C’est là que peut naître un sentiment de culpabilité et même la sensation d’une profonde incompréhension de la part des proches. Cela ne se produit pas dans tous les cas, mais suffisamment fréquemment pour que nous le prenions en compte.

L’information réelle fournie par le personnel médical à propos du post-partum est un atout de force face aux défis que leur rôle de mère suppose. Ne pas informer adéquatement est également une forme d’indifférence, de négligence.

Établir des ponts entre la femme et le personnel médical

Nous ne sommes pas en train d’affirmer que recevoir un traitement chaleureux et empathique peut éviter à 100% les sentiments de tristesse ou de désespoir occasionnels de la grossesse, accouchement et post-partum, mais cela les amortit et les minimise. Nombreuses sont les initiatives menées aussi bien par le personnel médical que par les patientes qui ont souffert de violence obstétrique pour que le traitement déshumanisé pendant l’accouchement ne se reproduise plus.

En Espagne, il existe diverses initiatives : des guides d’attention à l’accouchement normal approuvés par le Ministère de la Santé ou par la Fédération des associations de sages-femmes d’Espagne (FAME en espagnol), à l’initiative de l’Unicef pour l’assistance à l’accouchement et à l’allaitement (IHAN).

Nombreux-ses sont les professionnel-le-s de la santé qui sont conscient-e-s de ce fait et qui réalisent un fantastique travail pour l’attention et l’accompagnement de la femme seule ou de la femme et son compagnon pour que l’information ne soit pas perçue comme quelque chose d’exclusif, mais comme une condition nécessaire dans tout traitement digne d’un processus naturel mais parfois contradictoire.

Des divergences ou des points de vue différents peuvent surgir, mais avec volonté et vocation le personnel sanitaire saura offrir l’information adéquate à la patiente, qui doit se sentir comme partie active de ce processus important qui changera sa vie à tout jamais. Dénoncer la violence obstétrique ne signifie pas diaboliser tout le personnel médical et mettre en doute leur protocole, bien au contraire.

Dénoncer un traitement déshumanisé, vouloir accoucher avec dignité et souhaiter un bon traitement de la part des professionnel-le-s qui s’occupent des patientes signifie vouloir faire partie de l’un des moments les plus importants, d’une forme positive. Etre prise en main non pas seulement par des professionnel-le-s qui exercent leur travail, mais aussi par des professionnel-le-s qui l’exercent avec responsabilité, implique le bien-être physique et psychologique de leurs patientes.


Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.