Tinder et l'amour : quand plus c'est moins
Relu et approuvé par Psychologue Gema Sánchez Cuevas
Les sites de rencontres n’ont rien de nouveau. Il en existe des dizaines. En fonction de vos objectifs vous pouvez choisir celui qui vous convient le mieux. En fin de compte, rechercher du sexe facile n’est pas la même chose que trouver un conjoint pour la vie (ou une bonne partie, du moins). Mais Tinder, c’est autre chose. Tinder est une application de rencontres qui fait fureur pour son approche des rencontres.
Tinder fonctionne comme un jeu. Pour jouer, il vous suffit de renseigner votre profil et l’application recherche des personnes proches de vous et compatibles avec votre profil et vos centres d’intérêt. Il permet également de voter de manière anonyme pour les personnes. Il facilite par ailleurs le contact avec ceux que vous souhaitez rencontrer via le chat. Les options pour rencontrer quelqu’un se multiplient donc.
Les questions qui se posent sont inévitablement les suivantes : cela a-t-il un intérêt de connaître autant de personnes et de pouvoir choisir entre elles ? Que pouvez-vous attendre de quelqu’un qui “joue” à sortir ensemble ? Comment choisir parmi tant d’options ?
La liberté de choisir ne nous rend pas plus heureux, mais plus insatisfait
Avoir un grand nombre d’options rend le choix difficile. Dans le cas du choix d’un conjoint, pouvoir comparer autant de personnes et pouvoir accéder à autant de rendez-vous ne fait qu’alimenter la frustration.
Des applications comme Tinder ouvrent la porte aux personnes pour qu’elle puissent se rencontrer et se connaitre plus facilement et avoir la possibilité de voir ce qui se passe. Mais avoir autant de liberté de choix ne vous rend pas plus libre ou plus heureux. En effet, à mesure que vous expérimentez et jouez la dynamique même du système vous rend plus insatisfait.
Il en est ainsi car les personnes tendent à entrer dans la dynamique très activement, s’en tenant à l’un ou à l’autre juste pour tester. C’est si facile ! Accumuler des dates finit par être l’objectif de nombreux utilisateurs, au-delà de trouver un partenaire ou non, voire d’avoir une aventure passagère.
Le paradoxe du choix
Selon le psychologue Barry Schwartz, la liberté de choix qui constitue un principe central des sociétés occidentales, ne nous rend pas plus libres. Choisir ne nous rendit pas plus libres, mais davantage paralysés. Pas plus heureux mais davantage insatisfaits. Barry Schwartz l’appela le paradoxe du choix.
Selon sa théorie, l’abondance nuit au libre choix. En 2004, Barry Schwartz publia son livre Le paradoxe du choix : quand plus c’est moins, dans lequel il soutient que l’élimination des choix offerts aux consommateurs peut grandement réduire l’anxiété des acheteurs.
Ce même argument peut s’appliquer aux rendez-vous lorsqu’ils se réalise à travers des sites tels que Tinder. Dans le jeu, les utilisateurs sont toujours un produit que les autres peuvent tester. Forcément, avoir la possibilité d’essayer beaucoup vous invite à essayer beaucoup.
Pourquoi souffrons-nous de devoir choisir
Schwartz intègre divers modèles psychologiques du bonheur qui montrent comment le problème du choix peut être abordé à travers différentes stratégies. L’important est que chacune de ces stratégies s’accompagne de son propre ensemble de complications psychologiques.
Choix et bonheur
Schwartz discute de l’importance des méthodes de recherche courantes qui utilisent une échelle de bonheur. En ce sens, il partage les idées de David Myers et Robert Lane, qui, indépendamment, concluent que l’abondance actuelle de choix conduit souvent à la dépression et produit des sentiments de solitude.
Schwartz attire particulièrement l’attention sur le prix que la société industrialisée paie pour une richesse et une liberté accrues, car cela entraîne une baisse substantielle de la qualité de vie et des relations personnelles.
Décisions de second ordre
Cass Sunstein utilise le terme « décisions de second ordre » pour les décisions qui suivent une règle. Avoir la discipline de vivre « selon les règles » élimine d’innombrables options gênantes dans la vie de tous les jours.
Schwartz montre que ces décisions de second ordre peuvent se diviser en catégories générales d’efficacité pour différentes situations : hypothèses, normes et codes culturels. Chacune de ces méthodes est un moyen utile que les individus utilisent pour analyser le large éventail d’options auxquelles ils sont confrontés.
Opportunités ratées
Schwartz constate que lorsque les individus doivent choisir une option parmi de nombreuses options souhaitables, ils commencent à envisager des compromis hypothétiques. Les options s’évaluent en termes d’opportunités manquées plutôt qu’en fonction du potentiel de l’opportunité elle-même.
Schwartz soutient que l’un des inconvénients de faire des compromis est que cela modifie la façon dont nous pensons aux décisions auxquelles nous sommes confrontés. Cela affecte également le niveau de satisfaction que nous éprouvons avec notre décision.
Alors que les psychologues connaissent depuis des années les effets néfastes des émotions négatives sur la prise de décision, Schwartz note que des preuves récentes montrent à quel point l’émotion positive présente l’effet inverse. En effet, les sujets sont enclins à envisager davantage de possibilités lorsqu’ils se sentent heureux.
Les personnes ne sont pas un produit mis sur le marché
Trouver un partenaire ou créer des amitiés n’est pas la même chose que d’aller au marché pour acheter des pommes. Sur le marché, vous parcourez les étals. Vous voyez les pommes qui s’y trouvent et vous demandez laquelle vous emporterez avec vous. Vous voulez les meilleures, mais elles sont toutes très jolies et bien présentées.
Demanderiez-vous à chaque maraîcher de vous faire goûter chaque variété pour choisir celle que vous préférez ? Mis à part le fait qu’il ne vous les donnerait probablement pas gratuitement (encore moins s’il vous voyait goûter des pommes sur tous les étals), que pensez-vous qu’il se passerait ? D’un autre côté, aimeriez-vous que les autres vous considèrent comme une caisse de pommes à essayer, parmi beaucoup d’autres, pour voir laquelle ils préfèrent ?
Si vous cherchez un partenaire ou des amis, commencez par penser aux autres et à vous-même avec respect.
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