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Raisonnement motivé : un biais émotionnel

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Il nous faut un peu plus d'humilité intellectuelle. Elle nous permet de désactiver nombre de préjugés émotionnels, croyances, préjugés et schémas inflexibles qui limitent notre perception des choses, et dont nous ne sommes pas toujours conscients.
Raisonnement motivé : un biais émotionnel
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater

Dernière mise à jour : 13 novembre, 2024

Nous insistons souvent sur le fait d’avoir raison. Nos démarches ont parfois des fondements clairs et, à ce titre, nous sommes pleinement en droit de les défendre respectueusement. Cependant, nous nous laissons parfois emporter sans le savoir par des raisonnements motivés, par ce biais émotionnel dans lequel les désirs, les peurs ou les besoins dominent nos arguments.

Beaucoup d’entre nous tendons à croire ce que nous voulons croire. Cela ressemble à un virelangue, c’est vrai, mais si nous l’analysons bien, cela décrit des comportements très courants. Cela explique, par exemple, des situations aussi frappantes que des groupes de fans d’un certain artiste continuant à le défendre ou à l’admirer malgré le fait qu’il ait commis un crime grave.

Ou que, dans une manifestation sportive, les supporters d’une équipe nient une faute signalée par l’arbitre ou le juge, même si la transgression est évidente. Les êtres humains sont mus par leurs émotions, ainsi que par leurs croyances, leurs passions et leurs attitudes. Tout ce que nous faisons, exprimons ou pensons n’est pas exempt de préjugés, encore moins de préjugés qui déforment l’objectivité.

Cependant, que serions-nous sans toute cette complexité psychologique ?

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Raisonnement motivé, en quoi consiste-t-il ?

Il existe un phénomène que nous voyons de plus en plus aujourd’hui. Dans ce présent, si nourri d’influenceurs et de leaders d’opinion (avec ou sans connaissances) qui inondent le monde de Twitter et autres médias, il est très facile que des informations soient considérées comme valables sans aucun fondement ni logique.

Peu importe que la science essaie de prouver un fait spécifique. Ce qui règne, c’est le pouvoir du like et du retweet, ainsi que le comportement impulsif qui, loin de réfléchir sur une information, la tient pour acquise en se laissant emporter par l’émotion et non par la fiabilité de la source. Ce qui est curieux, c’est que Max Planck nous en avait déjà averti au milieu du XXe siècle.

Le célèbre physicien et mathématicien allemand souligna que la vérité scientifique ne triomphe pas toujours. Il ne sert parfois à rien de convaincre les autres de l’évidence de quelque chose en éclairant les ténèbres. Dans l’esprit humain, il existe toujours des barrières qui construisent des croyances et des émotions inflexibles telles que la méfiance, la peur ou même l’orgueil qui s’opposent à la logique la plus évidente.

Nous trouvons, par exemple, les partisans de la terre plate et le mouvement anti-vaccin. Le raisonnement motivé nous dit que nous filtrons toujours ce que nous voyons, ce qu’on nous dit ou ce qui nous arrive à travers nos croyances, mais rarement à partir des faits eux-mêmes. Creusons un peu plus.

Ne contredis pas ma vision des choses

Peu de préjugés émotionnels sont aussi profondément ancrés dans l’architecture psychologique que le raisonnement motivé. Un exemple : lorsque nous voyons que quelqu’un que nous n’aimons pas dit ou fait quelque chose de correct ou digne de reconnaissance, nous le traitons avec scepticisme. Qui plus est, on se dira “il a disjoncté ou il veut quelque chose en retour”.

Si le parti politique qui s’oppose à notre idéologie décide de promouvoir une loi qui profite à tous, nous percevrons toujours des nuances et nous méfierons. « Comment vont-ils faire quelque chose de bien si je les ai critiqués toute ma vie ? ». Nous tolérons rarement que notre vision des choses soit contredite.

Parce que dans notre monde (généralement) les choses sont toujours en noir et blanc. Elle doivent en outre s’ajuster au sens que nous donnons à ce qui nous entoure. Adopter cette approche nous fait gagner du temps. Et cette paresse psychologique nous empêche d’avoir à ouvrir notre esprit pour assumer d’autres perspectives.

En fait, des études telles que celles menées à l’Université de Californie par le Dr David López montrent la même chose. Lorsque les informations que nous recevons sont conformes à nos convictions, nous éprouvons du plaisir et une certaine satisfaction. D’un autre côté, quand quelque chose nous contredit, nous appliquons ce scepticisme qui érige des murs.

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Qu’y a-t-il derrière un raisonnement motivé ?

Pour nous, toutes nos attitudes, choix et opinions sont purement objectifs. Nous défendons souvent des arguments devant d’autres personnes en croyant qu’ils s’agit de vérités absolues. Le faire reste néanmoins tout à fait normal.

Le cerveau se construit, après tout, à travers chaque expérience, interprétation faite, biais cognitif ou préjugé que l’environnement nous inocule inconsciemment. De cette façon, et pour mieux prendre conscience du raisonnement motivé, il est important de savoir « de quoi il est fait ». Ce n’est qu’alors que nous pourrons le désactiver. Voyons cela ci-après :

  • Le lien affectif que vous avez avec certaines dimensions. Presque toujours, tout ce que nous défendons possède un substrat émotionnel de base que nous devons identifier.
  • Vos croyances vous définissent et construisent votre identité. Par exemple, si nous avons été éduqués dans un environnement aux comportements hautement sexistes et patriarcaux (et que nous les avons intériorisés, les acceptant comme valables), il nous sera très difficile de croire en l’égalité des sexes. De plus, qu’une femme occupe un poste de pouvoir nous contredit et nous agace.
  • Les groupes sociaux parmi lesquels vous évoluez finissent par vous façonner. Les individus s’organisent souvent en groupes sociaux et ces « micromondes » entre lesquels nous nous déplaçons nous déterminent aussi. Presque sans nous en rendre compte, nous assumons des idées et des schémas de pensée. Nous les prenons pour acquis sans y réfléchir.
  • Évitez les dissonances cognitives à tout prix. S’il y a quelque chose que l’esprit n’aime pas, c’est l’information qui contredit nos croyances. Loin d’analyser et de réfléchir sur ces données pour pouvoir comprendre d’autres perspectives et même actualiser la nôtre, nous nous y opposons. Ce qui remet en question nos vérités génère en nous une dissonance cognitive. Pour continuer à nous accrocher à la vision que nous avons, nous appliquons alors un raisonnement motivé avec lequel nous finissons par défendre l’impossible pour continuer à nous accrocher à notre position.

Pour conclure. Ce type de biais démontre l’importance de faire usage d’un état d’esprit ouvert et flexible. Si nous nous permettons de relativiser et d’appliquer l’humilité intellectuelle, non seulement nous améliorerons la coexistence, mais nous gagnerons également en progrès, en civilité et en humanité.

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  • Ditto, P. H. & Lopez, D. L. (1992) Motivated skepticism: Use of differential decision criteria for preferred and nonpreferred conclusions. Journal of Personality and Social Psychology; 63: 568-584.

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