Psychologie de la rancune: qu'est-ce qui se cache derrière les personnes rancunières?
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
Les personnes rancunières ont sans cesse entre les mains un morceau de charbon ardent. Elles attendent de pouvoir le lancer au moment où elles s’y attendent le moins sur les personnes qui les ont offensées. Cependant, celles qui finissent par se brûler, ce ne sont pas ces autres personnes. Mais bien elles-mêmes, à force de jouer aussi longtemps avec ce feu. Cette source de rage. De haine et de mal-être.
Même si à la lecture de ces quelques lignes vous vient sûrement à l’esprit une personne rancunière que vous connaissez ou avez connue par le passé, il y a un aspect qu’il ne faut pas négliger. Cette dimension et ce sentiment profond (sans doute auto-destructeur), ce ne sont pas uniquement les personnes qui ne savent pas pratiquer l’exercice sain du pardon qui les vivent. En réalité, ce sujet a sa profondeur, ses nuances et ses dimensions opposées vers lesquelles nous pouvons tous dériver à un moment ou à un autre de notre vie.
Ainsi, il faut dire qu’au-delà des apparences, nous sommes face à un type de sentiment très récurrent. Les personnes qui l’expérimentent, ce sont par exemple celles qui ont été blessées, abandonnées ou trahies par leur entourage familial. Celles qui en souffrent, ce sont celles qui ont été trompées dans leur relation affective. La rancune, c’est aussi cette sensation permanente qui habite chez ceux qui ont survécu à une guerre. Ou à un conflit armé. Comme nous pouvons le voir, ce sont des situations compréhensibles. Bien que malsaines d’un point de vue psychologique.
Malsaines, car la rancune se caractérise par un fait hautement nocif : la chronicité. Ce sont ces états angoissants qui durent dans le temps, et que l’on traîne derrière nous si bien qu’ils interfèrent dans d’autres domaines de notre vie. Notre humeur change, on n’arrive plus à faire confiance aux autres, nos attitudes varient et même notre manière de traiter ceux qui nous entourent s’en voit altérée. La rancune, c’est comme l’oxyde, elle s’étend et finit par fragiliser toute structure, toute identité.
Les personnes rancunières : caractéristiques et profil psychologique
Les personnes rancunières ont un coffre fort au fond d’elles. Elles y cachent le poids d’une injure. La douleur d’une tromperie. D’une trahison. Voire même d’un abandon ou d’une offense. Ce coffre fort est blindé pour une raison évidente. En effet, elles ne veulent pas oublier une seule nuance de ce qui est arrivé. Ainsi, tous ces dommages moraux comprimés en lieu sûr s’accompagnent de cette tristesse qui à moment donné s’est transformée en rage. Et plus tard en haine.
Ainsi, dans tout ce tissu psychologique s’ajoute généralement un dernier composant : le désir de vengeance. En effet, ce que l’on désire dans la majorité des cas, c’est que d’une certaine façon, cette qui nous a blessé personne reçoive en retour la monnaie de sa pièce. La même souffrance. Et dans les mêmes conditions. Par conséquent, en sachant tout cela, bien souvent, les personnes rancunières présentent les caractéristiques suivantes.
Incapacité à pardonner
Parfois, le fait de pardonner résulte très difficile, nous le savons. Cependant, nous devons bien être au clair sur le fait que le pardon est avant tout ce pas qui nous permet de tourner une page. Et de retrouver notre équilibre émotionnel. Ainsi, et en ce qui concerne ce type de profil caractérisé par une rancune profonde, il faut signaler qu’en plus de ne pas vouloir pardonner, les personnes rancunières alimentent leur propre souffrance en repensant quotidiennement au poids de l’offense. Ou des dommages subis.
Il y a par conséquent une rétro-alimentation constante et avec elle, une intensification de la souffrance. De fait, des études telles que celle menée à bien à l’Université de Pisé et publiée dans la revue Frontières in Human Neurosciencie nous révèle que le fait d’alimenter le ressentiment ouvre encore plus la blessure émotionnelle. Cependant, l’acte de pardonner régule un grand nombre de structures neuronales. Il favorise le calme. Réduit le stress. Et active des zones telles que le cortex préfrontal (lié à la résolution des problèmes).
Pensée dichotomique
Soit tu es avec moi, soit tu es contre moi. Soit tu m’aides, soit tu me trahis. Ce type d’approche conforme une claire déformation cognitive. C’est un schéma de pensée très rigide duquel les personnes rancunières ne sont même pas conscientes. En effet, elles sont habituées à toujours longer les extrêmes. A se situer à des positions très polarisées où la seule chose qu’elles arrivent à faire, c’est établir d’énormes et amères distances avec les personnes qui les entourent.
Un orgueil qui ne fait pas de trêve
L’orgueil est un cheval de bataille qui envahit tout. Détruit tout et transforme tout. Ces caractéristiques font que ce type de personnes sont toujours sur la défensive. Et qu’elles se sentent toujours blessées et hautement offensées. Il n’est pas facile de dialoguer ou d’arriver à des accords avec des personnes qui se laissent toujours porter par l’orgueil. Par cette attitude qui consiste à tout prendre personnellement.
Incapacité à répondre aux besoin émotionnels et psychologiques
Nous pouvons tous être blessés. Nous avons donc tout à fait le droit d’avoir des sensations négatives envers la personne qui nous a fait du mal. Cependant, il y a un aspect qui n’entre pas dans la normalité psychologique. C’est le fait de maintenir de manière permanente cette rage. Ce souvenir douloureux et l’empreinte qui l’accompagne. La même qui finit par se transformer en une amertume chronique.
Nous avons l’obligation totale d’assumer ce que nous avons accepté et d’avancer. Avancer, ce n’est pas oublier, mais apprendre à avoir recours à certaines stratégies psychologiques pour lutter contre les blessures et nous permettre de saisir de nouvelles opportunités. Ainsi, les personnes qui ne le font pas, celles qui ne sont pas capables de trouver un échappatoire, une issue valide à une telle rage et une telle amertume finissent par faire de la rancune leur mode de vie.
Comment mettre un terme à la rancune qui nous paralyse et nous domine ?
Dans un article publié dans le revue de psychologie comportementale, on parlait d’une étude intéressante menée à bien par les chercheurs de l’Université d’Ontario (Canada) à ce sujet. Ces derniers nous y expliquent le besoin de fournir des outils aux personnes rancunières afin qu’elles puissent donner forme au pardon émotionnel.
Cette dimension, cet exercice sain est déterminant pour une raison très simple : cela nous permet de nous libérer des émotions négatives afin de générer une nouvelle réalité psychologique à partir de laquelle commencer à travailler.
- D’un autre côté, il est préférable que les personnes présentant ce type de profil travaillent sur la flexibilité de leur approche de pensée. Ainsi, elles pourront plus facilement voir les choses depuis de nouvelles perspectives.
- Il convient également de leur offrir des outils pour la gestion de la rage. Une dimension toujours habitée par des pensées déformées. Et par une activation physiologique peu saine.
- Les personnes rancunières, de plus, ont besoin de focaliser leur attention sur d’autres aspects avec lesquels pouvoir déplacer le regard du passé vers le présent. S’alimenter exclusivement des souvenirs négatifs d’hier entrave l’opportunité de vivre librement. Par conséquent, il est recommandé d’initier des projets nouveaux, qui s’ouvrent à de nouvelles expériences, de nouvelles passions, de nouvelles relations, etc.
Pour conclure, de même que l’on entend souvent dire que la rancune est une abîme sans fond ou une steppe sans frontières, personne ne mérite de vivre éternellement dans le même scénario. Apprenons alors à construire des échappatoires. Des chemins pour nous libérer. Et respirer avec une plus grande tranquillité. Mais aussi une plus grande dignité.
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